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Production de la sécurité, rationalité et gouvernance locale : une ethnographie urbaine à Douala et Yaoundé (Cameroun)

N'nde Takukam, Pierre Boris 24 April 2018 (has links)
Cette thèse se penche sur la rationalité sécuritaire qui organise les villes de Douala et Yaoundé. En effet, l’insécurité urbaine devient une question très préoccupante, encore plus dans les villes des pays du Sud notamment les villes camerounaises où la recrudescence de la criminalité et de la violence ont donné lieu à des initiatives de sécurisation de la part de l’État et de la population. Sur le plan de la théorie, plusieurs approches nous permettent de nous projeter dans l’environnement sécuritaire des villes à l’étude. Nous considérons les villes de Douala et Yaoundé comme des lieux de production culturelle où se construisent à la faveur des migrations, à partir de diverses cultures et de comportements issus des villages d’origine, des formes d’identités hybrides et des territoires urbains diversifiés. Cela donne donc à réfléchir sur les modes de gouvernance locale, à l’échelle des quartiers, dans le but de comprendre les modalités d’encadrement de cette dynamique culturelle urbaine. Dans le même ordre d’idées, la gouvernance locale fait appel aux acteurs, dans leurs rôles et leurs logiques. Ces logiques s’observent dans leurs dimensions cognitives et leurs rapports avec l’espace. Les dimensions cognitives évoquent les perceptions, le vécu et les représentations subjectives qui sont associées à l’insécurité. Ainsi, le sentiment d’insécurité, la peur, la marginalisation, la violence et la criminalisation sont des phénomènes qui laissent entrevoir des populations défavorisées, victimes d’insécurité. C’est à côté de ces dernières que se manifestent les logiques d’acteurs associées à l’espace, qui ouvrent l’observation sur l’informalité et la ségrégation non seulement comme instruments de contrôle de l’espace urbain, mais également comme cadres de production d’espaces sécurisés. L’informalité et la ségrégation sont aussi favorables au développement des identités, à la construction d’utopies, ces visions mélioratives qui motivent et transforment les acteurs. Ce sont ces logiques d’acteurs dans leurs rapports avec l’espace qui justifient les initiatives de sécurisation. Finalement, c’est dans cette dynamique de transformation que les acteurs entrent en processus de subjectivation pour se produire comme sujets. Sur le plan méthodologique, cette thèse repose sur une ethnographie critique et comparative de la sécurité et sur l'approche de l’action sociale, qui invite à s'attarder aux interactions sociales, pour rendre compte de la rationalité sécuritaire. Étudier la sécurité requiert de s'attarder à l'échelle des quartiers, objets principaux de la sécurisation et espaces d’expression de l'informalité. Les quartiers sont encadrés par les chefferies urbaines, dont les systèmes de gestion constituent la gouvernance locale. Face à la question de la sécurité, cette gouvernance se prononce entre autres en fonction de son identité, de sa culture et de ses représentations. Elle côtoie les logiques étatiques dont les techniques et les stratégies d’organisation matérialisent les politiques de sécurité. Douala et Yaoundé présentent des approches populaires de sécurisation qui diffèrent sur le plan de l’organisation locale des quartiers et du tempérament populaire. Elles se rapprochent par les logiques d’acteurs et la motivation que ces derniers ont à se produire en sujets. La recherche a permis de constater qu'une forme de rationalité régit l’ensemble des dynamiques et des stratégies de production de la sécurité qui ont cours à Douala et Yaoundé. Cette rationalité passe par une pluralité de logiques de sécurité, elles-mêmes tributaires de nombreux phénomènes qui contribuent à la production de l'insécurité, mais aussi à celle de la sécurité. En effet, les migrations de la campagne vers la ville, l’informalité, la ségrégation et la présence de gangs locaux sont des réalités urbaines qui donnent une forme particulière à l’insécurité, mais invitent également à une réadaptation des techniques et des groupes d’acteurs impliqués dans la production de la sécurité. Il ressort que la rationalité sécuritaire, cette intelligence de gouvernement qui s’organise dans les dispositifs de l’offre publique de sécurité, suscite aussi dans les procédés des acteurs populaires, des techniques d’identification aux forces de l’ordre. Dans son processus, elle aboutit à la production de sujets sécurisés et de sécurité. En saisissant les productions humaines comme des activités innovantes, nous comprenons que la sécurisation procède par rapprochement entre les forces de l’ordre et les populations, par la mise en oeuvre de mécanismes mis en place pour répondre à la menace mais aussi par la « confiscation de la sécurité » pour les besoins d’une élite. Ensuite, elle représente une instance de subjectivation où l’innovation se matérialise et où les acteurs se réalisent, créent la sécurité et recréent la ville. Finalement, cette thèse révèle une pluralité de logiques de sécurité construites autour d’une même rationalité sécuritaire. / This thesis focuses on the security rationality, which organizes Douala and Yaoundé cities. In fact, urban insecurity is becoming a serious concern of developing countries cities mainly in Cameroonian cities where the rise of criminality and violence have generated popular and state initiatives of security. Regarding theory, several approaches have been employed in order to display the security environment of the concerned cities. We consider Douala and Yaoundé cities as cultural production places where many forms of hybrid identities and diverse urban territories are constructed through migrations, different cultures and behaviors coming from home villages. Then, one should think about the modes of local governance, in order to understand the framing conditions of this urban cultural dynamics. In the same vein, local governance involves actor roles and logics. Those logics can be observed by considering their cognitive dimension and relation to space. Cognitive dimensions are related to perception, experience and subjective representation associated with insecurity. Thus, insecurity feeling, fear, marginalization, violence and criminalization are phenomena involving disadvantage people, who are victims of insecurity. This context is propitious to the unfolding of actor logics, informality, and segregation not only as tools controlling urban spaces but also as an environment of secure spaces production. Informality and segregation are also favorable for the development of identities, for the construction of utopias, these ameliorative visions that motivate and transform actors. Actor logics justify security initiatives. Finally, actors go through out a subjectivation process to be transformed and to perform as subjects. Methodologically, this thesis is based on a critical and comparative ethnography of security and also on the social action approach, which consider social interactions to explain security rationality. By studying security, we suppose look at neighborhood level, which is the main purpose of securing and expression domain of informality. The neighborhoods are surrounded by urban chiefdoms whose management systems has been identified by the expression of local governance. Faced with the security issue that governance acts with its identity, its culture and its representations. It rubs with the state, whose logics, technical and organizational strategies materialize security policies. Douala and Yaoundé cities have popular security approaches that differ each other in terms of their local organization of neighborhoods and their popular temperament. Those cities are close by their actor logics and motivations used to perform as subjects. This research has found that there is a form of rationality which governs the production of all the dynamics and security strategies that prevail in Douala and Yaoundé. This rationality get through a plurality of security logics related either to security or insecurity. Definitely, migration from the countryside to the city, informality, segregation and the presence of local gangs are urban realities that give a particular form to insecurity, but also invite to a rehabilitation of techniques and actor groups involved in the security production. It appears that the security rationality, this intelligence of government, observed in the public security devices, also creates in the popular actor processes, identification techniques to law enforcement. In its process, this rationality leads to the production of secure and security subjects. By entering human productions as innovative activities, we understand that security proceeds by rapprochement between the police and the people, for the implementation of mechanisms to respond to the threat and also the «confiscation of security» for an elite purposes. Then it represents an instance of subjectivity where innovation is materialized and where the actors perform, create security and recreate the city. Finally, this thesis reveals a plurality of security logics constructed around the same security rationality.

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