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L'action stratégique des artistes en arts visuels et de leurs collectifs en contexte de précarité du travail : quel(s) rôle(s) pour les centres d'artistes autogérés situés à Montréal?

Derouin-Dubuc, Laurence 03 1900 (has links)
Cette thèse s’intéresse à l’action stratégique des artistes en arts visuels qui est dédiée à l’amélioration de leurs conditions de travail. Elle cherche à comprendre comment les centres d’artistes autogérés (CAA) situés à Montréal participent au développement, par les artistes, de stratégies visant à leur permettre de se maintenir dans des carrières marquées par la précarité. Cette recherche s’inscrit dans la problématique entourant l’émergence de nouvelles formes d’action collective qui visent à contrer la précarisation croissante des marchés du travail et de l’emploi. Sur le plan théorique, elle s’appuie sur trois grandes approches sociologiques : la sociologie interactionniste des mondes de l’art de H. S. Becker (1982), la sociologie structuraliste du champ de la production culturelle de P. Bourdieu (1993) et la socio-économie interactionniste des champs d’action stratégique de N. Fligstein et D. McAdam (2011). La posture épistémologique de cette recherche consiste à restituer la parole aux acteurs afin de cerner le sens qu’ils accordent à la précarité de leur travail et d’identifier les stratégies d’amélioration du travail dans lesquelles ils sont engagés. En nous appuyant sur des sources qualitatives, nous avons réalisé une étude de cas multiples correspondant à quatorze CAA situés à Montréal. Au total, cinquante-cinq personnes ont participé à cette recherche. Cette recherche souligne les effets structurants de l’encastrement du champ culturel dans le champ étatique sur les systèmes de distribution des ressources et des inégalités qui affectent les artistes intégré·e·s et les CAA. Elle montre aussi comment le passage du temps influence (1) le rapport que les artistes entretiennent face à la précarité de leur travail et (2) leurs stratégies d’amélioration du travail. Celles-ci revêtent généralement une nature spontanée et éphémère et elles mobilisent peu les outils formels de régulation prévus à cet effet, incluant la Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d’art et de la littérature, ainsi que sur leurs contrats avec les diffuseurs (RLRQ, S-32.01). Leur impact sur l’amélioration durable et significative des conditions de travail des artistes apparaît limité. Cette recherche montre aussi que les CAA participent plus ou moins aux stratégies d’amélioration du travail des artistes. La nature et le degré de leur soutien varie notamment en fonction de leurs structures et de leurs politiques organisationnelles, ainsi que de la volonté des artistes de les impliquer dans ces processus. Plusieurs centres expérimentent cependant de nouvelles formes de soutien économiques et relationnelles aux artistes dans les limites de leurs contraintes organisationnelles. Au sein de ces CAA, on observe un recours croissant à des pratiques plus ou moins institutionnalisées qui relèvent de l’éthique féministe du soin. Les acteurs communautaires tels que les CAA, les associations professionnelles, les mouvements sociaux, etc., sont appelés à réfléchir à de nouvelles manières de générer des formes de solidarité et d’appartenance entre les artistes à partir des facteurs de précarité qui ont été identifiés dans cette recherche. Ce travail doit aussi prendre acte du fait que les artistes qui s’identifient à des groupes historiquement marginalisés rencontrent des enjeux de précarité spécifiques. Notre recherche révèle en effet la pertinence de procéder à la déconstruction des grandes catégories analytiques sur lesquelles se fonde l’analyse des mondes de l’art comme les « artistes intégré·e·s » (Becker, 1982), de manière à tenir compte de la manière dont les facteurs sociaux comme le genre, l’âge, la race, une situation de handicap, l’orientation sexuelle, etc., ont un impact sur les trajectoires de carrière des artistes en arts visuels. / This thesis investigates artists and art collectives’ strategic action aiming at the improvement of their working conditions. It studies how Montreal’s artist-run centres (ARCs) participate (or do not participate) in the development of « better work » strategies put in place by artists in order to persevere in their precarious careers. This research engages with the larger problem of increasingly precarious labour markets and employment, and with the new forms of collective action that are emerging in reaction to it. It draws on three theoretical approaches: the interactionist sociology of the art worlds (H. S. Becker, 1982), the structuralist sociology of the field of cultural production (P. Bourdieu, 1993) and the interactionist socio-economy of strategic action fields (N. Fligstein and D. McAdam, 2011). From an epistemological standpoint, our approach draws on pragmatism. It gives a voice to the actors to elevate their own perceptions of their precarity. This allows us to grasp its meaning and to identify the « better work » strategies in which they engage. This research draws on qualitative sources and corresponds to a multiple case study constituted of fourteen ARCs located in Montreal. A total of fifty-five persons participated in this research. This research highlights the structuring effects of the cultural field’s embeddedness in the state field on the distribution systems of resources and inequalities impacting artists and ARCs. It also reveals the importance of mobilizing a micro lens to study strategic action repertoires to consider the actors’ desires, values, and perceptions. Finally, it shows how the passage of time contributes to transforming how artists perceive their labour precarity. The prolonged experience of precarity shapes the « better work » strategies that are developed by artists. In general, these appear to be more of a spontaneous and ephemeral nature. Most of them do not draw on formal regulations such as the Act respecting the professional status of artists in the visual arts, arts and crafts and literature, and their contracts with promoters (RLRQ, S-32.01). Overall, their impact on a significative and sustainable improvement of artists’ working conditions appear to be limited. Our analysis also shows that ARCs participate in these strategies to various degrees. Their support depends on several factors, including ARCs’ organizational structure and politics, and the artists’ propensity to involve them in these processes. Several ARCs are experimenting with new forms of economic and relational support within the limits of their organizational constraints. Within those ARCs, we observe a increasing tendency to put in action more or less institutionalized practices associated with the feminist ethics of care. Community actors such as ARCs, professional associations, social movements, etc., are invited to (re)think about innovative ways to generate solidarity and belonging within artists by building on the precarity factors that have been in this research. This work should take into consideration that artists identifying to historically marginalized groups encounter specific forms of precarity to this day. This research also highlights the necessity to deconstruct the large analytical categories traditionally used to study the art worlds such as « integrated professionals » (Becker, 1982), to account for the influence of social factors such as gender, age, race, disability status, sexual orientation, etc., on visual artists’ career trajectories.

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