L'idée de "système" considérée ici se définit non pas comme un ensemble de notions scientifiques ou philosophiques logiquement solidaires en tant qu'on les considère dans leur cohérence plutôt que dans leur vérité, mais bien comme un ensemble concret d'éléments en interaction qui du fait de l'importance de ces interrelations ne peut être saisi comme tout au moyen de la simple sommation des propriétés de ses éléments, chacun pris séparément. Or, bien que cette idée paraisse à tous les tenants de la Théorie générale des systèmes (TGS) signifier quelque chose de tout à fait essentiel, le rôle qu'elle peut assumer de droit dans notre saisie du monde demeure encore très imprécis. Le sens de cette doctrine est par le fait même confus et il est l'objet d'opinions très diverses. En effet, certains croient discerner en elle une théorie proprement scientifique qui en tant que telle a une portée très limitée quoique certainement importante; d'autres, par ailleurs, y voient une métaphysique "exacte" digne de remplacer les doctrines philosophiques qualifiées de subjectives; plusieurs, encore, la comprennent plutôt comme une épistémologie qui jette sur nos connaissances une lumière inédite et irréductible au réalisme tout autant qu'a l'idéalisme; quelques-uns, enfin, s'y réfèrent comme si ses assertions constituaient des dogmes absolument irréfutables. La définition de l’idée centrale du discours systémique proposée dans la présente thèse vise essentiellement â dégager ce qui est fondamental dans cette problématique et ce qui pourrait constituer le point de départ le plus opportun pour en saisir le sens premier. En considérant dans son contexte propre l'idée de système qui a présidé â l'institution de ce courant de pensée, nous montrons qu'elle doit se définir d'abord et avant tout comme le signe d'une certaine organisation commune des êtres complexes. L'intérêt marqué pour l'idée de système dans le discours scientifique contemporain est vu en d'autres termes procéder fondamentalement de la mise en évidence par Bertalanffy d'une trace d'ordre insignifiante dans le cadre de la vision du monde acceptée au début du siècle, mais dont la réalité comme signe scientifiquement important paraît indéniable. Ce point de vue inédit confère à la doctrine systémique une signification globale vraisemblable et très instructive : les théories générales des systèmes peuvent être comprises comme diverses entreprises destinées à interpréter en tel ou tel sens le signe système et comme des interprétations par ailleurs satisfaisantes selon tel ou tel critère. Cette définition permet l'inclusion du discours systémique au cadre plus large de toute entreprise scientifique reconnue; ceci, en retour, fournit la justification à un examen des développements de la TGS effectués par Bertalanffy et poursuivis par Laszlo selon une approche plus systématique que celles présentées dans les introductions habituelles de leur doctrine. Au cours de cet examen, nous montrons que l'expression TGS nomme très mal ce qu'ils ont effectivement élaborés : deux doctrines bien distinctes sont en réalité présentées, l'une constituant plutôt une règle méthodologique, l'approche systémique, tandis que l'autre est en réalité un projet, encore peu fondé, d'explication globale des phénomènes systémiques. Enfin, nous concluons cette thèse par la présentation d'une interprétation alternative à l'indéniable signe système.