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Ambiguité et totalisation : aspects du problème moral chez SartreKnee, Philip, Knee, Philip 14 November 2024 (has links)
Le parcours de Sartre étant achevé, et surtout après la parution de L'Idiot de la famille, il s'agit de tenter une mise en perspective du fameux "problème moral" si souvent reconnu comme le nerf de sa pensée, en dégageant certaines articulations fondamentales à travers l'ensemble de l'œuvre. C'est à partir de l'ambiguïté qui définit la réalité humaine dans L'être et le néant que se structure ce cheminement sur la morale, celle d'une double exigence de la liberté comme effectivité et comme lucidité. Cette tension constitutive ouvre sur deux lectures complémentaires de l'œuvre qui sont comme les deux versants du problème moral : un élan de dépassement de l'échec et des contradictions de la réalité humaine vers une effectuation de la liberté dans le monde par l'action; et un élan d'assomption de cet échec où la liberté est envisagée dans sa dimension imaginaire. On peut discerner de cette manière une série de tensions théoriques: I) D'abord dans une exploration de la liberté au niveau du politique. La tentative d'articuler une morale de l'être-au-monde met en évidence les rapports difficiles entre l'ontologie et l'exigence d'engagement de la liberté dans l'après-guerre, comme le souligne la critique de Sartre par Merleau-Ponty. Ensuite, dans la recherche d'une morale concrète, émerge la tension d'une critique simultanée du moralisme et des écueils de l'efficacité politique. Enfin, les perspectives existentialiste et marxiste s'affrontent et s'interpénètrent dans la compréhension des fondements de l'aliénation et des possibilités de la lutte historique, tels qu'abordés surtout dans la Critique de la Raison dialectique. II) Puis dans une exploration de la liberté au niveau de l'esthétique. A partir des figures possibles d'une assomption du problème de la mauvaise foi, l'ambiguïté de l'imaginaire met en jeu la conquête d'une réciprocité authentique avec autrui par-delà les impasses de l'esthétisme, à travers les expériences des "héros esthétiques" de l'œuvre, avant tout Genet et Flaubert. La problématique de l'art enfin, se dévoile comme une tension toujours renaissante entre une littérature d'échec et une littérature de communication, où s'esquisse, par les écrivains étudiés et par la "névrose" littéraire de Sartre lui-même, une totalisation de la problématique morale â partir de leur "praxis littéraire".Sans vouloir résoudre ces tensions, le cheminement sartrien dessine ainsi un développement considérable, où est reprise en même temps qu'élargie et dépassée la problématique initiale de l'ambiguïté et de la réflexion purifiante, vers une problématique de la totalisation dialectique et de l'universel singulier qui trouve son expression dans L'Idiot de la famille. La place croissante de la biographie dans l'œuvre, l'imbrication des démarches littéraire et philosophique de Sartre qu'elle engendre, et l'élaboration d'une méthode qui totalise les dimensions historique et transhistorique de l'existence se veulent une prise en charge progressive quoique toujours inachevée de l'ensemble des composantes de la liberté en situation. Cette saisie synthétique fournit les instruments et la méthode d'une compréhension neuve du problème moral, particulièrement au niveau de la réciprocité possible qu'esquisse la démarche biographique.
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