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Une femme d'affaires en Nouvelle-France, Marie-Anne BarbelPlamondon, Lilianne 11 April 2018 (has links)
De nombreuses études privilégient le rôle des femmes dans la colonisation de la Nouvelle-France mais la plupart d'entre elles s'inscrivent dans un courant historiographique qui favorise l'image de la sainte et de l'héroïne, ou celle de la mère. Les noms de Marguerite Bourgeoys, Marie de l'Incarnation, Jeanne Mance, Marguerite d'Youville et Madeleine de Verchères sont les plus connus. Marie de l'Incarnation, à elle seule, a suscité l'attention d'une quarantaine de biographes, surtout des religieuses. Quand les historiens se détachent de la sainte et de l'héroïne, ils se tournent vers la mère. Elle devient à son tour un objet de vénération comme le proclame Monseigneur Albert Tessier: "Recueillons-nous devant les visages apaisés des mamans dont l'influence continue de s'exercer sur nos façons de penser, de vivre, d'accepter les joies ou les épreuves. Toutes les femmes qui ont aimé, souffert, prié, nous demandent de nous souvenir de la beauté de leur vie, da la droiture de leur âme, de la haute qualité de leur esprit. Ouvrons nos coeurs au message qu'elles nous envoient par-delà l'espace et le temps." Le chanoine Lionel Groulx, pour sa part, parle du prestige de la mère dans la famille à cause "du rôle considérable tenu alors par la femme dans la société de France et même dans la société religieuse. Dans une description frappante, Jean Lemoyne souligne ce mythe de la mère canadienne-française marquant l'univers culturel du Québec jusqu'aux années I960: "(...); la mère canadienne-française se dresse en calicot sur son "prélart", devant un poêle et une marmite, un petit sur la hanche gauche, une grande cuillère à la main droite, une grappe de petits aux jambes et un autre petit dans le ber de la revanche, là, à côté de la boîte à bois". Cette image de la mère canadienne-française est née au XIXe siècle; la religieuse, la dévouée mystique et l'héroïne ont été mises en relief dans une histoire qui se voulait une "épopée". Même si les "saintes" et les "héroïnes" ont joué un rôle indiscutable dans l'édification de la colonie française du Saint-Laurent, il n'y a pas eu que ce type de femmes en Nouvelle-France. Certaines femmes se sont lancées dans les activités commerciales et financières, à la suite de leur mari ou de leur propre initiative. C'est là qu'on retrouve entre autres les Thérèse de Couagne, veuve Poulin de Francheville, Madame de Repentigny, Madame et Mademoiselle de Ramezay, les célèbres demoiselles Desaulniers et Marie-Anne Barbel, veuve Fornel. Rares, très rares sont les historiens qui se sont attardés à l'étude de ces "femmes d'affaires". Parfois citées à l'intérieur d'un article, leurs activités n'ont jamais été l'objet d'une analyse systématique. Pourtant la vie de ces femmes ne présente pas moins d'intérêt; les événements qu'elles ont vécus de façon particulière jettent une lumière nouvelle sur leur milieu par le biais des pressions sociales, économiques et politiques qu'elles ont connues. La richesse de la biographie historique se situe dans cette perspective. Ainsi, l'étude de la vie d'une femme active en affaires comme Marie-Anne Barbel permettra de comprendre certaines facettes du monde colonial à travers ses relations sociales, le cadre juridique, la vie commerciale et financière de la Nouvelle-France. Une documentation assez abondante quoiqu'incomplète nous a assez bien servie* Les minutes de plusieurs notaires de même que les registres de la prévôté de Québec nous ont fourni la plupart des renseignements pertinents. Le fonds Fornel est très pauvre et ne recèle que des copies de quelques actes importants mais facilement retrouvés ailleurs dans leur version originale. Les ordonnances des intendants, les documents de la prévôté de Québec et deux séries des Archives des Colonies sont venus compléter les informations déjà recueillies. Il aurait été très intéressant de retrouver des livres de compte pour pouvoir dresser un tableau des activités marchandes de la veuve Fornel et de son mari. Peut-être ont-Ils brûlé avec la maison de Place Royale lors de l'incendie de 1759. De même n'avons-nous pu retracer aucun compte de gestion de la ferme de Tadoussac par la veuve Fornel et Cie, d'où l'impossibilité d'analyser en profondeur cette administration. Un seul document nous laisse entrevoir le montant des profits qui en ont été tirés. Comme femme active en affaires, Marie-Anne Barbel ne constitue certainement pas une exception pour l'époque. En France, les femmes de marchands bourgeois secondaient assez souvent leur conjoint, et même dans la colonie, des femmes se sont occupées de commerce et d'industrie. Louise Dechêne nous dit d'ailleurs que ce type de femmes existait déjà au XVIIe siècle à Montréal: "Laissées seules, elles se révèlent souvent d'excellentes administratrices, ce qui prouve qu'elles étaient déjà très mêlées à l'entreprise familiale qu'il s'agisse d'un bien rural ou d'un commerce." Marie-Anne Barbel appartient à cette catégorie* Elle s'en distingue cependant par l'ampleur et la variété de ses activités. Marier-Anne Barbel n'est pas seulement femme de bourgeois mais aussi femme d'affaires, ou du moins une femme active en affaires. Son héritage social et économique représente un solide point de départ d'où elle se lance dans des activités commerciales et financières. Les liens étroits entre le politique, l'économique, le social et le juridique tissent la trame sur laquelle s'enfilent les événements de sa vie. La faveur des gens en place dans l'administration coloniale a toujours été une aide précieuse pour les ambitieux: François-Etienne Cugnet, directeur du Domaine d'Occident, le savait; Marie-Anne Barbel l'a appris. Les activités des marchands reposaient en grande partie sur le commerce des fourrures. L'exploitation des postes de l'Ouest ou de la côte du Labrador en attirait plusieurs et l'obtention de ces postes était de loin facilitée quand le marchand ou le négociant avait de bonnes relations avec l'intendant ou le gouverneur. Les relations sociales que se créait un individu avaient aussi une grande importance. Enfin le cadre juridique imposé par la Coutume de Paris laissait, à la femme célibataire et majeure ou à la veuve, un éventail assez vaste de possibilités. Il s'agit d'abord de situer le cadre social et économique dans lequel a vécu Marie-Anne Barbel jusqu'à la mort de son mari. Puis, l'analyse portera sur la nature, la variété, l'ampleur et le degré de succès des activités auxquelles elle s'est consacrée ainsi que sur les causes qui l'ont conduite à se retirer d'une vie commerciale et financière active. Enfin, en examinant les différents aspects de la liquidation de la communauté, il sera possible de saisir la richesse des Fornel que Marie-Anne Barbel a contribué à établir pendant les quinze à vingt années de sa vie de "femme d'affaires". L'histoire retiendra donc le nom de Marie-Anne Barbel, veuve Fornel comme celui d'une femme qui s'est attachée plus particulièrement à la vie commerciale et financière de la Nouvelle-France. / Québec Université Laval, Bibliothèque 2012
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