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Quantification des flux sédimentaires et de la subsidence du bassin Provençal

Leroux, Estelle 14 May 2012 (has links) (PDF)
Le Golfe du Lion et le Bassin Provençal sont l'objet de recherche intensive à toute échelle de temps et d'espace. Cependant, les budgets sédimentaires et les mouvements verticaux depuis la formation de la marge étaient restés inconnus ou sources de controverses. Ce travail se propose d'aborder leur quantification à partir de l'interprétation de nombreux profils sismiques, d'après les concepts de stratigraphie sismique et séquentielle [Vail et al., 1977], complétée par des données de forages et de sismique réfraction, et validée par des modélisations stratigraphiques avec Dionisos [Granjeon and Joseph, 1999]. L'établissement d'une continuité stratigraphique entre le domaine de plate-forme et le bassin profond offre une vision complète du remplissage sédimentaire de la marge. Les repères stratigraphiques du Plio-Pléistocène (2.6 Ma, 1.6 Ma, 0.9 Ma et 0.45 Ma) ont en effet été corrélés jusqu'au pied de pente. Les jalons messiniens, établis lors des travaux précédents [Bache, 2008] ont également été étendus et précisés localement. La mise en évidence d'une nouvelle unité, interprétée comme les résidus de l'abrasion lors de la transgression mettant fin à la célèbre crise, permet d'apporter des arguments pour l'établissement d'un nouveau scénario de l'évènement [Bache et al., 2012a](soumis). Des lois de conversion en profondeurs (métriques) des différentes unités chronostratigraphiques ont ensuite été établies en 3D à partir de l'ensemble des données de forage et de réfraction (ESP) et appliquées pour chacune de nos unités. Les profondeurs de l'ensemble des jalons plio-pléistocènes et messiniens ont ainsi pu être cartographiées, ainsi que les épaisseurs de chacune des unités définies depuis le substratum jusqu'à l'actuel (1 au Miocène, 6 au Messinien, 5 au Plio-Pléistocène). Les épaisseurs et volumes sédimentaires déposés ont alors pu être quantifiés sur chaque intervalle stratigraphique. Les séries sédimentaires ont été par la suite décompactées et les volumes "vrais" de dépôts et flux sédimentaires recalculés. Il en résulte une augmentation très forte (X2) des apports détritiques autour de 1 Ma en liaison avec les changements climatiques de la révolution Mi-Pléistocène, et le changement de fréquence et d'amplitude des cycles eustatiques. L'accélération mondiale (par 3) des flux terrigènes il y a 5 Ma, défendue par de nombreux auteurs et corrélée avec un soulèvement des grandes orogènes (ici en liaison avec les Alpes), est également observée dans notre bassin, même si la célèbre crise de salinité messinienne tend à perturber le signal. On suggère qu'elle soit en partie responsable de ce pic détritique à 5 Ma. La chute du niveau marin (estimée à 1500 m par [Clauzon, 1982]) et l'érosion qui lui est associée entraînent en effet un transfert considérable de sédiments d'amont en aval. Les flux détritiques sont ainsi multipliés par 15 pendant le Messinien par rapport au Miocène. Nos modélisations stratigraphiques de la crise messinienne ont par ailleurs permis de démontrer la validité de l'hypothèse de [Bache, 2008], [Bache et al., 2012b] quant à l'ampleur des dépôts détritiques issus de l'érosion et du démantellement de la marge. La géométrie des dépôts nous a également fourni de précieux indicateurs des mouvements verticaux ayant affectés les sédiments depuis le rifting. Trois domaines différents de subsidence sont distingués : les domaines de plate-forme, de pente (où la subsidence prend la forme d'un basculement) et le bassin profond (qui s'affaisse de façon purement verticale). Trois lignes charnières ou hinge-line sont ainsi définies : - la première située entre 15 à 20 km en amont du trait de côte actuelle, au début de l'amincissement de la croûte (première remontée du Moho) - la deuxième au niveau de la rupture de pente de l'actuel plateau au-dessus à la transition avec un domaine de croûte continentale plus fortement amincie au sein duquel un sous domaine anomalique à fortes vitesses sismiques est observé, - la troisième à l'aplomb de la transition entre le domaine à croûte continentale fortement amincie et le domaine à croûte atypique. Sur la plate-forme, le basculement plio-pléistocène quantifié par [Rabineau, 2001], [Rabineau et al., soumis), est démontré constant dans le temps et globalement dans l'espace et estimé à 0,16°/Ma et validée par des simulations en 2D. La subsidence post-rift moyenne (depuis 20 Ma) du plateau, quant à elle, apparaît inférieure et variable dans le temps et l'espace. Elle est estimée à 0,11°/Ma sur la plate-forme occidentale, à 0,06°/Ma sur la plate-forme orientale, impliquant une subsidence miocène quasi-nulle sur la plate-forme rhodanienne. La subsidence post-rift moyenne est cependant mesurée sur des réflecteurs qui ont probablement subi des réajustements isostatiques liés à l'événement messinien. Quantifier l'ampleur de ces réajustements isostatiques s'avère donc essentiel pour mieux contraindre la subsidence. L'ordre de grandeur de ces réajustements a été mesuré à 1300 m sur la plate-forme externe occidentale au niveau des canyons de la zone Aude-Hérault, se rapprochant de l'estimation de [Mauffret et al., 2001]. Dans le bassin profond, la subsidence post-rift verticale (depuis 20 Ma) est, elle, estimée à 500 m/Ma. Une simulation préliminaire avec Dionisos, incluant les lignes charnières définies, et considérant un taux de basculement constant de 0,16°/Ma sur le plateau, une subsidence verticale de 500 m/Ma dans le bassin, et un basculement constant sur la pente accommodant les subsidences de part et d'autre, reproduit l'architecture sédimentaire de la marge à partir d'une topographie initiale plane. Elle montre donc que l'hypothèse d'une subsidence post-rift constante du bassin de 500 m/Ma depuis 20 Ma (similaire à celle indiquée par [Séranne, 1999]) est possible, même si un taux de subsidence miocène plus faible n'est pas à exclure. L'enregistrement sédimentaire permet donc de décrypter les lois de subsidence qui semblent corrélées aux diffé- rents grands domaines structuraux sous-jacents : (1) le domaine à croûte continentale, (2) celui à croûte continentale amincie et (3) le domaine à croûte intermédiaire. La position haute de la plate-forme pendant le rifting [Bache, 2008], [Bache et al., 2010], les taux de subsidence particulièrement forts calculés dans cette étude, ainsi que le mouvement subsidant purement vertical dans le bassin ne correspondent pas à l'évolution attendue d'après les modèles conservatifs d'extension des marges. De précédentes études menées sur les marges atlantiques [Moulin et al., 2005], [Aslanian et al., 2009], [Labails et al., 2010] avaient déjà mis l'accent sur ce point. Les résultats de nos travaux confirment donc la nécessité de considérer de nouveaux modèles d'évolution des marges dites passives [Aslanian et al., 2009], [Bache et al., 2010].

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