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Rivalités et collaborations entre aînés et cadets sociaux dans les milieux associatifs islamiques en Côte d'Ivoire et au Burkina Faso (1970-2017)Madore, Frédérick 23 January 2019 (has links)
À première vue, les récentes actions terroristes en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso ont laissé croire à une radicalisation de l’islam dans ces deux pays. Cependant, la grande attention médiatique portée sur ces craintes et les nombreuses analyses qui ont été publiées sur les risques d’une montée de l’extrémisme, bien qu’elles soient importantes, éclipsent d’autres dynamiques récentes et plus anciennes caractérisant l’islam ivoirien et burkinabè. Il s’agit de présenter un portrait plus nuancé et dans la longue durée des réalités caractérisant ces communautés musulmanes, qui sont moins couvertes, mais plus prégnantes telles que la participation des musulmans issus de catégories sociales d’ordinaire marginalisées, principalement les jeunes et les femmes, dans les mutations de l’islam à travers leur engagement militant. À travers une étude comparative des cas ivoirien et burkinabè, cette thèse entend donc emprunter une avenue encore peu exploitée en proposant une recherche sur des cadets sociaux, appartenant à des modèles culturels différentiés (francophone/arabophone, islam fondamentaliste/réformiste, etc.). Nous verrons de quelles manières ces acteurs, depuis les années 1970, sont parvenus à renégocier les rapports de pouvoir et les modalités hiérarchiques, voire à les bousculer, pour revendiquer une place plus importante dans le champ religieux et la sphère publique au point de reconfigurer progressivement des associations islamiques nationales. Trois grandes hypothèses sont défendues. D’abord, la première hypothèse pose que jusqu’à la fin des années 1980, les cadets restèrent grandement en retrait des principales associations islamiques, qui étaient dominées par des ainés sociaux tant en Côte d’Ivoire qu’au Burkina Faso, sans que cela soit à l’origine de véritables tensions ouvertes ou de conflits intergénérationnels. Au cours de cette période, la prépondérance des rivalités sur la base de la « politique du ventre » entre dirigeants d’organisations islamiques des deux pays consolida la position des ainés, qui maitrisaient les procédures administratives de l’État tout en pouvant mettre de l’avant des stratégies d’extraversion. Dans ce contexte, l’émergence d’une nouvelle cohorte de jeunes arabisants ivoirien et burkinabè ne permit pas un renouvèlement des leaders associatifs malgré l’important capital religieux dont ils disposaient. Une deuxième hypothèse défend l’idée que des jeunes et des femmes jouèrent un rôle plus significatif au sein de l’islam associatif ivoirien et burkinabè à partir des années 1990 et 2000, à la faveur de négociations, de compromis et de coopération entre ainés et cadets dans le cadre d’un processus sinueux marqué par des avancées – beaucoup plus importantes en Côte d’Ivoire – et des reculs selon les structures associatives. Dans les deux pays, les cadets des organisations de musulmans francophones bénéficièrent d’un cadre particulièrement favorable pour exprimer leur agencéité. À partir des années 2000, les changements survenus dans les mouvements salafistes des deux pays et la grande place faite aux jeunes et aux femmes dans des radios islamiques, surtout en Côte d’Ivoire, illustrèrent bien le fait que les ainés furent aussi amenés à revoir les responsabilités dévolues aux cadets dans la da‘wa. Cependant, les relations entre les ainés et les cadets au sein des structures reconnues comme étant les principales interlocutrices des musulmans auprès de l’État furent particulièrement évocatrices du caractère encore grandement gérontocratique de l’islam au Burkina Faso contrairement à la Côte d’Ivoire. Enfin, la dernière hypothèse postule que la maitrise du langage de l’État et le savoir religieux ne sont plus suffisants pour s’affirmer dans le champ de plus en plus concurrentiel des associations musulmanes et revendiquer la légitimité de pouvoir s’exprimer au nom de la « communauté ». Si le savoir religieux demeure important, la légitimité et l’autorité des responsables d’organisations islamiques découlent de plus en plus de la capacité à véhiculer un « islam civil » et à s’engager sur le plan du développement socioéconomique. Ce phénomène, qui eut pour conséquence de favoriser entre autres la montée de jeunes scolarisés dans le système éducatif francophone, se manifesta beaucoup plus rapidement en Côte d’Ivoire qu’au Burkina Faso.
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