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Les filatures de coton au Québec, 1900-1915Rouillard, Jacques 25 April 2018 (has links)
Le point de départ de notre recherche se voulait une étude détaillée des grèves survenues dans les filatures de coton entre 1900 et 1915. Notre attention déborda le cadre original de ce travail lorsque nous avons voulu approfondir les facteurs impliqués par un arrêt de travail. C'est que la grève ne nous est pas apparue comme un phénomène isolé. Elle est un fait social s'articulant dans un ensemble économique. Une analyse tant soit peu sérieuse nécessite donc l’étude du contexte économique et social dans lequel elle évolue. Ainsi, d'une description de grèves, notre travail est devenu une monographie industrielle ne négligeant ni l'évolution économique des filatures ni les conditions de travail des ouvriers du textile. Cette perspective nous semble d'autant plus souhaitable que l'histoire dans sa spécificité par rapport aux sciences sociales vise précisément à saisir la globalité des phénomènes passés. Nous ne sommes pas sans nous rendre compte cependant que notre étude risque de manquer de rigueur parce qu'elle fait appel à plusieurs disciplines dont nous ne manions pas toujours avec profit les méthodes et le bagage conceptuel. Toutefois, ces lacunes nous semblent largement compensées par la perspective globale avec laquelle nous envisageons notre analyse. Nous tenterons donc de conjuguer à l'histoire l'apport de l'économique, de la sociologie et des relations industrielles. Nous limiterons notre analyse aux seules filatures de coton, c'est-à-dire aux industries de transformation de la laine de coton en filés et tissus de cette fibre. Nous emploierons le terme général "industrie textile" dans le sens de "industrie textile du coton" ou de "filature de coton". La seule autre industrie textile existente au Québec à l'époque, celle de la laine, représente une très faible portion de la production totale, soit $200,000 en 1910. C'est pourquoi, ces trois termes seront pour nous synonymes tout au long de ce travail. Une monographie sur le textile nous a semblé intéressante puisque cette industrie est l'une des premières au Québec à manifester les caractères des grands ensembles manufacturiers. Au point de vue économique, on assiste à ce moment à une forte concentration des filatures entre les mains de quelques compagnies. Elles sont l'exemple parfait des grandes entreprises capitalistes: d'un côté, une foule d'actionnaires anonymes, de l'autre, la masse des travailleurs. La taille des manufactures suppose une division poussée des tâches avec tous les problèmes sociaux qu'entraîne le travail parcellaire. L'ouvrier en contact quotidien avec la matière besogne au rythme bien réglé des machines. Sa tâche fait peu appel à ses qualités intellectuelles; il devient un agent de la production, véritable prolongement de la machine. Cette perte lente d'une partie de son humanité provoque des réactions soudaines et violentes. Elles se traduisent par les grèves où se manifeste un fort sentiment de solidarité entre ouvriers. Le syndicalisme tentera de rationnaliser, de canaliser cette insatisfaction en un mouvement revendicateur. Comme la majorité des travailleurs du textile sont des ouvriers non-spécialisés, les organisations ouvrières auront du mal à prendre racine parmi eux. Leur niveau de vie est si bas qu'ils n'ont pas conscience d'avoir "toutes les possibilités, toutes les conditions nécessaires et suffisantes pour s'associer, pour s'organiser" (1). Pour croire en l'efficacité du syndicalisme, il faut avoir dépassé un certain palier de la misère que ouvriers du textile n'ont pas encore franchi durant la période étudiée. Même si notre étude porte sur le début du XXe siècle, nous nous référerons souvent à la situation de cette industrie au XIXe siècle. Il nous a été relativement facile de situer le textile dans le contexte économique général du Québec. L'intérêt apporté à l'histoire économique depuis quelques années a suscité des travaux qui ont facilité notre tâche. Il n'en va pas de même du côté des questions ouvrières. Ce champ de recherche demeure encore en friche. Sur les conditions de travail, les quelques travaux amorcés à l'Institut d'histoire de Laval restent les seules tentatives faites en ce sens. Et pourtant, les publications gouvernementales et les commissions royales recèlent une mine de renseignements dont nous avons tiré parti pour les ouvriers du textile. De plus, nous déplorons l'absence de travaux sur le syndicalisme québécois entre 1900 et 1915. Cette période de grande croissance économique provoque une intense agitation dans le monde ouvrier. Les syndicats internationaux et les Chevaliers du Travail se disputent l'affiliation des organisations ouvrières; les syndicats nationaux et catholiques apparaissent à ce moment; un parti ouvrier et un mouvement socialiste voient le jour à Montréal. En somme, les grandes orientations qui seront celles du monde ouvrier jusqu'à nos jours se manifestent durant ces quinze années. Nous aborderons les problèmes posés par l'organisation syndicale des ouvriers du textile en ayant soin de dégager les raisons qui ont motivé l'affiliation à l'une ou l'autre centrale syndicale. Derrière les problèmes particuliers posés par les ouvriers du textile, se dessinent les lignes de force du mouvement syndical québécois. Les grèves constituent un moment privilégié pour * déterminer les motifs qui guident le patronat et les syndicats dans les relations du travail. De plus, les conflits ouvriers mettent en cause l'intervention de la petite-bourgeoisie des localités où se déroulent les arrêts de travail. L’analyse des réactions de l'un ou l'autre groupe social permet de dégager les raisons qui motivent leur comportement. Notre étude peut apporter de la sorte une contribution à la connaissance des groupes idéologiques qui composent la société québécoise. / Québec Université Laval, Bibliothèque 2012
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