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L'alphabétisation de la Côte-du-Sud, 1680-1869

Hamelin, Pierre 25 April 2018 (has links)
L'alphabétisation peut se définir comme un moyen de communication entre les individus ou les groupes d'individus basé sur l'apprentissage des techniques de la lecture, de l'écriture et du calcul. La diffusion de ces techniques, enseignées séparément et non simultanément jusqu'au XIXe siècle, dépend de multiples facteurs. La situation géographique et climatique du pays ou de la région, son type d'économie, sa structure politique, sociale et religieuse, l'existence ou non d'un réseau d'écoles et la mentalité populaire favorable ou hostile à l'instruction influencent grandement le développement de l'alphabétisation. La Côte-du-Sud est une de ces régions où l'alphabétisation de la population subit ou profite de la conjoncture générale. Situé sur la rive sud du Saint-Laurent, ce territoire s'étend grosso modo de Berthier à Rivière-du-Loup (ouest-est) et du fleuve aux frontières américaines (nord-sud). Son économie repose essentiellement sur l'agriculture. Les ressources de la pêche et de la forêt sont également exploitées. Quelques industries se retrouvent à Rivière-Ouelle (huiles de poisson), mais surtout à Saint-Thomas. La colonisation de la Côte-du-Sud a commencé au milieu du XVIIe siècle, les bonnes terres de la région de Québec étant rapidement occupées. Saint-Thomas deviendra d'ailleurs renommée pour le rendement et la qualité de ses récoltes de blé. Entre 1680 et 1869, l'alphabétisation de la Côte-du-Sud ne diffère pas beaucoup de celle de la province de Québec. Peu de gens signent les registres paroissiaux à l'occasion de leur mariage (moins de 20%). Sur les cinq paroisses que nous avons étudiées, Saint-Thomas, L'Islet et Berthier possèdent les meilleurs résultats (18.9% â Berthier et 21.8% dans les deux autres localités). Cap Saint-Ignace et Rivière-Ouelle suivent avec respectivement 14.1 et 12.6%. Les habitants de ces deux paroisses vivant dispersés sur un territoire assez grand, il leur est plus difficile d'envoyer leurs enfants à l'école, quand il y en a. Les femmes possèdent une alphabétisation presque aussi bonne que celle des hommes (18.3% contre 18.4%). Leur force musculaire étant généralement considérée moins grande que celle des hommes, elles sont davantage disponibles pour aller à l'école. Le garçon, lui, travaille. Aussi, peu à peu, les filles surpassent leurs homologues masculins (XIXe siècle). Seuls les hommes de Berthier signeront toujours plus que leur épouse. L'alphabétisation varie également selon le métier ou le groupe socioprofessionnel des conjoints. Les gens pratiquant une profession qui exige une solide instruction (professions libérales, marchands, etc.) savent très majoritairement signer. Par contre, ceux qui effectuent des travaux manuels (cultivateurs, journaliers, etc.) ignorent pour beaucoup l'usage de l'écriture. Le degré d'alphabétisation d'une personne correspond donc à l'utilité qu'une telle technique, coûteuse et ardue (savoir écrire demande beaucoup d'effort), peut avoir dans la vie quotidienne. L'âge et la nationalité des individus jouent aussi un rôle important dans le développement de l'alphabétisation. Les jeunes filles et les hommes adultes signent d'ailleurs plus que les autres. L'origine ethnique nous montre de son côté des différences de comportement face à l'alphabétisation. Ainsi les Anglais et les Français signent plus que les Canadiens français. Les pays perçoivent plus ou moins bien l'importance de l'alphabétisation et favorisent l'instruction de leurs populations au gré des intérêts nationaux. En Nouvelle-France, l'instruction est laissée entre les mains du clergé, suivant ainsi la tradition venue d'Europe. Il n'existe pas d'écoles à cette époque sur la Côte-du-Sud. Quelques maîtres ambulants et les curés éduquent les enfants. Les premières législations scolaires (1801: Institution Royale, 1824: Loi des écoles de Fabrique) ne donnent pas les résultats escomptés. L’apathie générale n'est guère secouée. La loi de 1829 augmente le nombre des écoles, mais la qualité de l'enseignement demeure médiocre. Il faut attendre 1841 et 1846 pour que le système scolaire prenne forme et dure jusqu'à nos jours. Au début, la population de la Côte-du-Sud, et du Québec en général, a mal accueilli ces lois, surtout à l'imposition d'une taxe pour le maintien des écoles (Guerre des Eteignoirs). Peu à peu, les mentalités se sont cependant transformées et les gens ont perçu l'importance d'instruire leurs enfants. L'alphabétisation populaire en a évidemment beaucoup profité. / Québec Université Laval, Bibliothèque 2013

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