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La dimension temporelle chez Emil Cioran

Chelaru, Nadia-Irina 27 April 2012 (has links)
En étudiant quatre aspects du temps (le temps historique, le temps mythique, le temps existentiel, et le temps eternel) chez l’essayiste et le philosophe roumain d’expression française, Emil Cioran (1911-1995) en m’appuyant sur les théories de Nietzsche, Bergson et Eliade, nous arrivons à la conclusion que la construction et la déconstruction des temps historique, mythique, existentiel et éternel traversent toutes les œuvres de mon corpus. Le je-cioranien ne s’intéresse ni à la durée, ni au temps, ni à l’éternité, ni à la vie. La vie en soi est détruite et méprisée et sa durée est déconstruite ; l’essayiste préfère au contraire la durée pure de l’instant, qui vaut « plus qu’une éternité » ; c’est dans l’instant qu’il trouve la temporalité bergsonienne et une éternité plus « positive ». L’histoire est également déconstruite et considérée comme un spectacle qui n’a ni but, ni sens. La seule dimension utilisée de manière positive et admirée par Cioran reste le mythe, dont les héros (Jésus, Bouddha, Prométhée) et les personnages mythologiques (Phénix, Sisyphe, Atlas, Ulysse) représentent les modèles à suivre dans la vie quotidienne. Le mythe sauve d’ailleurs l’humanité et son histoire. Le retour aux origines, même avant la naissance, est le grand but cioranien, le trajet à rebours de ce « héros négatif » (David, 2006 B : 253) par le biais duquel il voudrait rejoindre l’éternité mythique. La conscience du je-personnage est poussée (par le biais de la mémoire) dans le passé, en évoquant l’enfance (donc la vie) et ce retour suppose la décomposition de l’être, « un être éparpillé » (EC) dont le moi se décompose « en mille souvenirs », état d’âme qui caractérise la plupart de ses aphorismes. Ainsi, en ayant plutôt situé le passé dans le futur, l’être cioranien vacille, décomposé, malade avec de rares étincelles de lucidité. Cette thèse montre dans ses sept chapitres l’attachement cioranien au temps et en même temps son drame personnel, le fait que l’essayiste se situe « en dehors du temps », bien qu’il ne puisse vivre que « par le temps ». Cette existence « par le temps » suppose un double aspect : d’abord, c’est le temps qui représente le je-narrateur et il ne peut ni ne veut s’en débarrasser (comme la mère de ses enfants) et d’autre part il ne peut vivre que dans des parcelles de temporalité, comme si le temps était le labyrinthe où le narrateur se cacherait toujours. Cioran joue ainsi un rôle médiatique entre la conception du temps dans le monde ancien et le monde moderne, comme un acteur qui entre sur scène et répète sans cesse des fragments anciens de la pièce (sur son enfance et sur son passé) et qui regrette d’être obligé de sortir de la scène si vite et donc de ne pas rester jusqu'à la fin de la pièce. L’aphorisme, cette forme d’écriture fragmentaire, est aussi une manière formelle et philosophique par laquelle Cioran répond aux exigences du temps et sa décomposition de la vie : d’une manière facile (par la forme) mais philosophique et ironique (par son contenu).
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La dimension temporelle chez Emil Cioran

Chelaru, Nadia-Irina 27 April 2012 (has links)
En étudiant quatre aspects du temps (le temps historique, le temps mythique, le temps existentiel, et le temps eternel) chez l’essayiste et le philosophe roumain d’expression française, Emil Cioran (1911-1995) en m’appuyant sur les théories de Nietzsche, Bergson et Eliade, nous arrivons à la conclusion que la construction et la déconstruction des temps historique, mythique, existentiel et éternel traversent toutes les œuvres de mon corpus. Le je-cioranien ne s’intéresse ni à la durée, ni au temps, ni à l’éternité, ni à la vie. La vie en soi est détruite et méprisée et sa durée est déconstruite ; l’essayiste préfère au contraire la durée pure de l’instant, qui vaut « plus qu’une éternité » ; c’est dans l’instant qu’il trouve la temporalité bergsonienne et une éternité plus « positive ». L’histoire est également déconstruite et considérée comme un spectacle qui n’a ni but, ni sens. La seule dimension utilisée de manière positive et admirée par Cioran reste le mythe, dont les héros (Jésus, Bouddha, Prométhée) et les personnages mythologiques (Phénix, Sisyphe, Atlas, Ulysse) représentent les modèles à suivre dans la vie quotidienne. Le mythe sauve d’ailleurs l’humanité et son histoire. Le retour aux origines, même avant la naissance, est le grand but cioranien, le trajet à rebours de ce « héros négatif » (David, 2006 B : 253) par le biais duquel il voudrait rejoindre l’éternité mythique. La conscience du je-personnage est poussée (par le biais de la mémoire) dans le passé, en évoquant l’enfance (donc la vie) et ce retour suppose la décomposition de l’être, « un être éparpillé » (EC) dont le moi se décompose « en mille souvenirs », état d’âme qui caractérise la plupart de ses aphorismes. Ainsi, en ayant plutôt situé le passé dans le futur, l’être cioranien vacille, décomposé, malade avec de rares étincelles de lucidité. Cette thèse montre dans ses sept chapitres l’attachement cioranien au temps et en même temps son drame personnel, le fait que l’essayiste se situe « en dehors du temps », bien qu’il ne puisse vivre que « par le temps ». Cette existence « par le temps » suppose un double aspect : d’abord, c’est le temps qui représente le je-narrateur et il ne peut ni ne veut s’en débarrasser (comme la mère de ses enfants) et d’autre part il ne peut vivre que dans des parcelles de temporalité, comme si le temps était le labyrinthe où le narrateur se cacherait toujours. Cioran joue ainsi un rôle médiatique entre la conception du temps dans le monde ancien et le monde moderne, comme un acteur qui entre sur scène et répète sans cesse des fragments anciens de la pièce (sur son enfance et sur son passé) et qui regrette d’être obligé de sortir de la scène si vite et donc de ne pas rester jusqu'à la fin de la pièce. L’aphorisme, cette forme d’écriture fragmentaire, est aussi une manière formelle et philosophique par laquelle Cioran répond aux exigences du temps et sa décomposition de la vie : d’une manière facile (par la forme) mais philosophique et ironique (par son contenu).

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