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Poétique de l'élégie moderne, de C.-H. de Millevoye à J. Reda / The Poetics of modern elegy, from Ch.-H. Millevoye to J. Réda

Galand, David 12 June 2015 (has links)
L’élégie connaît une vogue manifeste à l’aube de notre modernité, au sein de ce qu’il est convenu d’appeler le préromantisme et le romantisme. Mais cet engouement ne va pas sans susciter de profondes interrogations sur la dimension générique de l’élégie. En effet, depuis son acclimatation en français, l’élégie ne peut plus être définie par le seul critère formel, devenu douteux. En outre, dès l’âge classique, deux dangers minent le genre : sa variété thématique qui gêne sa définition et une évolution sclérosante qui le fige en clichés. Émerge donc le souci de rédimer un certain babélisme de l’élégie et d’en refonder le pouvoir expressif par le recours à la notion plus souple d’ « élégiaque ». La modernité de l’élégie s’adosse à cet héritage problématique et réclame une perspective d’étude résolument historique : la vitalité de l’élégie au seuil du XIXe siècle s’autorise d’une nouvelle saisie du genre, qui promeut l’élégiaque au rang de critère premier, ramenant peu à peu l’étiquette d’élégie à la portion congrue. L’œuvre de Millevoye permet de dater ce point de bascule, qui ouvre la voie à l’élégie romantique, attachée à la notion naissante de « lyrisme » et magnifiée par Lamartine sous les auspices de la méditation. Mais en refondant l’élégie sur l’expressivité élégiaque, la modernité romantique l’a soumise aux aléas des sollicitations du sujet par l’histoire, qui le déstabilisent. D’où un déplacement de l’écriture élégiaque durant la seconde moitié du XIXe siècle, dans le repliement intimiste, le dédoublement parodique et humoristique, ou encore la polyphonie, manifestations diverses d’une remise en cause de la source subjective de la plainte élégiaque. Quand revient à la surface du champ littéraire l’élégie revendiquée comme telle, à l’occasion du traumatisme de la Seconde Guerre mondiale, c’est pour cristalliser en un genre labile les doutes, les deuils et les sourires d’un lyrisme incertain de son propre chant comme de l’existence du sujet qui le hante plus qu’il ne le chante. / The elegy was fashionable at the dawn of modernity, during the periods which are known as Pre-Romanticism and Romanticism. But this infatuation with elegy was not without raising deep questioning on its generic dimension. Indeed since the French had appropriated the genre, the elegy can no longer be just defined by a formal criterion which has become disputable. Furthermore, as early as the classical period, two dangers have been subverting the genre: its wide range of themes which is an obstacle to our grasping its quintessence and an evolution at a standstill condemning it to stereotyped perceptions. And from this came the worry to amend the confusion existing around the elegy as well as the urge to revivify its expressive power around the more flexible notion of "elegiac". The modernity of the elegy relies on this problematic heritage and requires a study in historical perspective: the vitality of the elegy at the beginning of the XIXth century allowed itself to provide a new interpretation of its genre that promoted the elegiac as a decisive criterion. Millevoye’s works enables us to date this turning point which paved the way to the romantic elegy linked to the rising notion of "lyricism" and glorified by Lamartine under the auspices of meditation. But while revivifying the elegy on elegiac expressiveness, romantic modernity compelled with the subject having to respond to historical vagaries that were eventually unsettling. Hence a shifting away from elegiac writing during the second half of the XIXth century into intimist withdrawal, parodic splitting or polyphony, all of them being various utterances of a questioning of the elegiac complaint’s subjective source. When the elegy as such resurfaced the literary scene owing to the trauma of the Second World War, it featured a shifting genre to crystallize the doubts, mournings and smiles of a lyricism as uncertain of its own song as the very existence of a subject that haunted its lines more than he inhabited them.

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