1- La spécificité du fait démographique régional. Le fait démographique régional constitue une variable significative, sinon fondamentale, dans l'étude du développement régional. A son sujet, Alfred Sauvy écrit : "Parce qu'elle conduit à la formulation systématique de problèmes dont l'explication relève d'autres disciplines, l'étude de la population occupe, peut-on dire, la place centrale dans l'analyse régionale " (l). Son étude ne se confond toutefois pas avec l'analyse de la réalité démographique provinciale : en se régionalisant, le phénomène change de nature et, de ce fait, la méthode d'analyse se modifie. En effet, l'analyse du fait démographique provincial, objet de la démographie, repose sur l'étude des variables strictement démographiques telles que la natalité, la mortalité, la nuptialité, la fécondité. A cette échelle, la mobilité géographique des effectifs de la population, c'est-à- dire les échanges démographiques avec le reste du monde, exerce une influence sur l'avenir du groupe humain provincial dont l'ampleur varie selon les époques mais qui demeure néanmoins relativement marginale. Au niveau de la région, la hiérarchie des deux facteurs de l'évolution démographique se modifie radicalement : l'influence de l'accroissement naturel s'amenuise considérablement alors que celle de la mobilité devient décisive. En d'autres termes, à la primauté des facteurs démographiques de l'évolution d'un grand ensemble humain se substitue, à l'échelle de la région, celle des facteurs extra-démographiques. En se régionalisant, l'étude du fait démographique se soustrait donc partiellement du périmètre d'investigation d'une discipline : la démographie, et devient un champ d'intérêt pour le géographe, la dimension "population" cédant le pas à celle du "peuplement". 2- L'esprit de l'étude : son cadre et ses limites. L'objet de notre étude est de rendre compte, à partir des statistiques disponibles, de l'inégale répartition des effectifs de la population québécoise sur l'ensemble du territoire et des tendances d'évolution de la redistribution géographique observables depuis 1941. Pour ce faire, l'ensemble du territoire de la Province a été fractionné en neuf régions, chacune d'elles constituant un sous-ensemble de l'espace démographique provincial. Le terme "région" désigne donc des zones géographiques dont le contenu territorial s'inspire de celui des régions administratives. Nos régions ainsi définies comme supports démographiques ne se confondent toutefois pas avec les régions administratives puisque, pour des raisons de commodité statistique, chacune d'elles représente un agglomérat de comtés entiers et que notre découpage ne tient pas compte de l'écartèlement né du rattachement de certaines fractions d'entre eux à des régions différentes (l). Le choix de la période d'observation a été déterminé par l'existence des données statistiques nécessaires. Si les renseignements concernant les tendances globales de l'évolution de la population sont publiés régulièrement à la suite des recensements généraux, ceux se rapportant aux facteurs de l'évolution et notamment aux migrations sont l'objet d'une estimation spécifique (2) et ne sont disponibles que depuis 1941. Nous croyons toutefois que l'observation du phénomène migratoire sur une période couvrant un quart de siècle est significative dans la mesure où elle permet de rendre compte des tendances lourdes du processus de redistribution géographique de la population. L'étude se divise en deux grandes parties : - dans un premier chapitre de nature introductive, nous avons tenté de rendre compte des faits majeurs qui constituent la toile de fond de tout le processus d'évolution du peuplement : il s'agit de l'exode rural qui alimente la croissance démographique urbaine, le centre de gravité du peuplement urbain se déplaçant des petites villes vers les grandes agglomérations, et tout particulièrement vers celle de Montréal. La participation à l'évolution de l'espace démographique provincial varie considérablement d'une région à l'autre, ce qui se traduit par des disparités inter-régionales d'évolution démographique croissantes. - les migrations intérieures de population, c'est-à-dire principalement les transferts inter-régionaux constituent le facteur décisif du remodelage de l'espace démographique et font l'objet du second chapitre. Deux aspects seront successivement abordés : celui concernant les rythmes et la variété des migrations en tant que facteur de la diversité des évolutions démographiques régionales, c'est-à-dire un aspect essentiellement quantitatif. Le second vise à compléter le premier en fournissant des indications sur les caractéristiques de la population migratrice et se consacre à l'étude de l'influence de la mobilité géographique sur l'évolution des structures démographiques régionales. / Québec Université Laval, Bibliothèque 2012

Les grands projets d’aménagement et de développement sont de plus en plus contestés au Québec. De l’ensemble de ces projets, ceux dans le secteur énergétique occupent une place à part. Par leur taille et leur portée, les projets énergétiques sont particulièrement sensibles. Ils sont porteurs de croissance économique et de progrès sociaux, mais aussi de nuisances et de risques. Comme tels, ils engendrent des discours concurrents, des représentations antagoniques et des intérêts contradictoires. Hier encore, ces grands projets faisaient l’objet de consensus et nourrissaient l’imaginaire collectif. Aujourd’hui, ils suscitent des épreuves de force et de la méfiance. Dans les dernières années, nombre de ces projets ont été contestés. Un des derniers en liste est le projet de développement de l’industrie des gaz de schiste. C’est sur ce projet que nous nous penchons dans ce mémoire. Nous avançons que les représentations des risques, portées par les acteurs, sont décisives dans ce conflit. À l’instar des travaux menés par l’école géographique, notre mémoire consiste à montrer que l’analyse des représentations est un outil indispensable d’une analyse géopolitique des projets d’aménagement et de développement au Québec. Elle permet d’appréhender les relations au territoire et surtout de comprendre la nature des rivalités rencontrées. Nous nous demandons : quelle est l’influence des représentations des risques sur le positionnement des acteurs ? Et, à l’aide des travaux de Philippe Subra, nous étudions ce cas par le biais d’une démarche qualitative et multiméthodologique alliant observation territoriale, entretiens avec les acteurs et cartographie mentale. En somme, nos données, issues de notre démarche empirique, nous permettent de conclure que les représentations antagoniques des risques influencent le positionnement des acteurs; bien qu’il existe aussi, dans le déploiement du conflit, une relation dialectique entre ces deux termes. / Large-scale planning and development projects are more and more contested in Quebec. Out of all these projects, those of the energy sector occupy a distinctive place. Due to their size and their reach, energy projects are particularly sensitive. They convey economic growth and social progress, but also disturbances and risks. As such, they engender competing discourses, antagonistic representations and contradictory interests. Only yesterday, these large-scale projects were the object of consensus and nourished collective imaginaries. Today, they generate feats of strength and suspiciousness. Over the past few years, a number of these projects have been contested. One of the latest ones is the development project of the shale gas industry. It is this project that we are addressing in this masters thesis. We propose that representations of risks, carried by the actors, are decisive in this conflict. Similarly to research endeavors led by the school of geography, our thesis consists of showing that the analysis of representations is an indispensable tool in the geopolitical analysis of planning and development projects in Quebec. It allows us to understand territorial relations and especially to understand the nature of the encountered rivalries. We ask ourselves : what is the influence of representations of risks on the positioning of actors ? Aided by Philippe Subra’s work, we study this case through a qualitative and multime thodological approach combining territorial observations, interviews with actors and mental cartography. In summary, our data, which resulted from our empirical approach, enabled us to conclude that antagonistic representations of risks influence the positioning of actors; whilst there also exists, in the conflict’s deployment, a dialectical relationship between these two terms.