L'éducation à la prévention du sida a fait son entrée dans les classes de sciences de la vie et de la terre (SVT) du secondaire au Gabon par décret gouvernemental. Du jour au lendemain, les enseignantes et enseignants ont dû prendre en charge cette question qui, comme toutes les questions socialement vives et les 'éducations à', implique de ne pas s'en tenir au seul regard disciplinaire mais de s'ouvrir à d'autres formes de connaissance et aussi à des approches éducatives plus participatives. Comment ces derniers se sont-ils appropriés cette nouvelle réalité éducative? Prenant appui sur la perspective de l'interactionnisme symbolique et sur la problématique du rapport au savoir, j'ai exploré, dans le cadre de quatre entrevues collectives, les points de vue de 20 enseignants et enseignantes sur le sujet. Il ressort de l'analyse, qui a combiné une approche thématique du contenu à une approche conversationnelle, que ces acteurs et actrices, loin de se confiner à leur seule identité disciplinaire, adoptent des postures diverses, allant d'approches disciplinaires à des approches multiréférentielles. Ils prennent en compte dans leurs pratiques éducatives, outre les connaissances biomédicales, des connaissances du milieu local (ses coutumes, habitudes et pratiques sociales) ainsi que les situations de vie des jeunes (pauvreté, domination masculine, prostitution, etc.), composant ainsi avec les contraintes institutionnelles, tels que les contenus prescrits et le temps d'enseignement. Toutefois, les approches d'enseignement adoptées, au regard de l'urgence de la situation et des multiples problèmes de société convoqués, ont tendance à émouvoir, voire bouleverser, les élèves afin qu'ils adoptent des conduites qui les protègent plutôt qu'à les amener également à développer un rapport critique à l'égard des conceptions et des pratiques sociales ambiantes et des compétences de vie pour agir sur celles-ci. D'où la pertinence de fournir l'occasion à ces enseignants et enseignantes de s'initier à une éducation critique au sida.