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L'exemple d'une polémique médicale au XVIe siècle : médecins contre apothicaires, une querelle de corporations / An example of a medical controversy in the 16th century : doctors against apothecaries, a corporate polemicDi Paolo, Gaëlle 22 September 2018 (has links)
Ce travail de recherche s’appuie sur un corpus de cinq ouvrages de médecine, publiés entre 1532 et 1558. Ces ouvrages sont porteurs d’une dimension polémique en opposant deux corporations médicales : les médecins et les apothicaires. En 1532, un célèbre médecin lyonnais, Symphorien Champier, fustige les erreurs des apothicaires sur les simples médecines dans son Myrouel des appothicaires. En 1553, un médecin poitevin, Sébastien Colin, dénonce à son tour, dans sa Declaration des abuz et tromperies que font les Apothicaires, le manque de connaissances des apothicaires et s’indigne de leur peu de moralité. Face à l’animosité de cette deuxième attaque, l’apothicaire Pierre Braillier s’attèle à défendre l’honneur de ses pairs. Il publie en 1557 sa Declaration des abus et ignorances des Medecins, […] Pour responce contre Lisset Benancio dans laquelle il reprend point par point les accusations de Colin pour les retourner contre les médecins. En 1558, le médecin Jean Surrelh cherche alors à redorer l’image écornée de sa corporation dans son Apologie des medecins contre les calomnies, & grand Abus de certains Apothicaires. Pierre Braillier lui répond quelques mois plus tard dans ses Articulations […] sur l’apologie de Jean Surrelh. En parallèle du projet d’édition des cinq textes du corpus qui constituent le second volume de cette thèse, le premier volume propose une analyse de cette polémique médicale. Nous avons voulu observer comment le discours de chacun de ces quatre auteurs est influencé par son appartenance à la corporation des médecins ou bien à celle des apothicaires. Pour ce faire, nous avons privilégié trois angles d’analyse : un premier sur l’ancrage du discours des auteurs dans le contexte scientifique et idéologique de la Renaissance, un deuxième axé sur les divergences des pratiques entre ces deux corporations concurrentes et un dernier davantage orienté sur l’intérêt lexical et linguistique de cette polémique corporatiste. La contextualisation a ainsi permis d’observer comment chaque auteur se positionne en tant que professionnel par rapport aux principes fondateurs de l’art de médecine. Chacun revendique la vertu et la grandeur de sa corporation en s’appuyant sur la référence des auctoritates ou sur la Bible, ou bien au contraire en dénigrant les sources citées comme autorité par l’adversaire. Par la même occasion, chaque participant à cette polémique cherche à se construire un ethos positif tant comme professionnel que comme auteur, tout en discréditant les membres de la corporation adverse. Si l’apothicairerie est distincte de la médecine à la Renaissance – tant au niveau des pratiques, que du domaine d’intervention et du cadre légal d’exercice des professionnels – les pratiques concurrentielles entre médecins et apothicaires perdurent à la Renaissance et entachent les relations de ces collègues. Dans le corpus d’étude, l’intérêt du patient devient un objet secondaire du discours puisqu’il s’agit pour chaque auteur de blâmer la corporation adverse afin de défendre la légitimité de la sienne. Le lecteur se voit par la même occasion attribuer une place de choix puisqu’il est présenté comme juge de cette querelle, dans un double intérêt. En plus de revendiquer à la face du monde la reconnaissance sociale méritée, chaque auteur se justifie des traitements reçus, enjoignant de facto de potentiels patients à préférer sa corporation. L’appartenance corporatiste marque également le lexique scientifique et technique. Nous avons aussi interrogé le rapport de chaque auteur à la langue latine, tenue encore comme langue européenne du savoir à la Renaissance, et au français, langue dominante du corpus. Si les médecins utilisent encore un lexique scientifique en latin, l’apothicaire Pierre Braillier revendique l’usage exclusif du français, circonscrivant par la même occasion le latin à un usage parodique. / This research is built on a corpus of five medicals books, published between 1532 and 1558. The corpus takes a polemical dimension by opposing two medicals guilds: the doctors and the apothecaries. In 1532, a famous doctor from Lyons, Symphorien Champier, criticizes the apothecaries’ errors concerning the simples in his book, Myrouel des appothicaires. In 1553, a Poitevin doctor, Sébastien Colin, in his Declaration des abuz et trumperies que font les Apothicaires, also denounces the apothecaries’ absence of knowledge and deplores their lack of ethics. Facing the hostility with this second offensive, the apothecary Pierre Braillier wants to defend the honour of his peers. In 1557, he publishes his Declaration des abus et ignorances des Medecins, […] Pour responce contre Lisset Benancio. In his book, he takes the same criticisms as Colin has, but in order to charge the doctors. In 1558, doctor Jean Surrelh wants to restore the doctors’ reputation in his book, Apologie des medecins contre les calomnies, & grand Abus de certains Apothicaires. Pierre Braillier responds to him a few months later in his Articulation […] sur l’apologie de Jean Surrelh. In parallel with the edition of the five texts which constitute the second volume of this research, the first volume is a global study of this medical polemic. We have wanted to examine how the discourse of each of these authors is impacted by his corporate belonging. To that end, we have chosen three focuses: the first is about the anchoring of the authors’ discourse in the scientific and ideological environment, the second is focused in the divergent practices between the two guilds, and the third is about the lexical and linguistic interest of this corporate polemic. The contextualisation reveals how every author positions himself as a professional against the founding principles of the art of medicine. Building on the auctoritates or Bible references or denigrating the sources referred to by the opponent, everyone claims the morality and the greatness of his corporation. At the same time, each author wants to build a positive image of his corporation, discrediting the members of the opposing corporation. During the Renaissance, the apothecary is distinct from the medicine, concerning the activities as well as the legal framework of the exercising of the professionals. Indeed, the competitive practice between doctors and apothecaries continues and tarnishes the relations between these colleagues. In the corpus, the interest of the patient becomes a secondary object of the discourse, because every author wants to blame the opposing guild, in order to defend the legitimacy of her own. The reader is then assigned an important place because he’s presented as a judge in this polemic with a double interest. In addition to relying on the well-deserved social acknowledgement, every author wants to justify his treatments and enjoins the future patients to turn over his corporation. The corporatist affiliation also haunts the scientific and technic lexicon. We have also examined the relationship of every author with the Latin, still considered as the European language of knowledge in the 16th century, and the French, prevailing language in the texts’ corpus. The doctors use a scientific lexicon in Latin, but the apothecary, Pierre Braillier, claims the exclusive use of the French and he confines the Latin to a parodic use.
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