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L’exercice du jugement éthique en milieu policier québécois : origine d’un paradoxe

Roy, Robert January 2010 (has links)
À la fin des années 1990, les organisations policières ont demandé à l’Université de Sherbrooke d’offrir des formations visant à développer le jugement éthique des policiers québécois. À titre de formateur impliqué dans la réponse à cette demande, nous avons rapidement été frappé par le fait que les institutions policières ne favorisaient pas l’exercice de ce jugement, le sanctionnant même à l’occasion. La présente recherche a pour but de mettre en lumière l’origine d’un tel paradoxe. Nous soutenons que deux conceptions opposées de la Raison pratique animent le milieu policier québécois. La première, pragmatique et dialogique, est à l’origine de la demande de formation adressée à l’Université de Sherbrooke. La seconde, conformément au jugement déterminant propre à la Raison pratique moderne, préside à l’évaluation des actes posés par les policiers en fonction des décisions prises selon la formation reçue. Pour soutenir cette thèse nous devons démontrer l’existence de ces deux conceptions en milieu policier québécois et les associer respectivement à la formation dispensée par l’Université de Sherbrooke et aux deux instances chargées de l’évaluation des actes policiers soit : l’appareil déontologique policier et les instances de direction des organisations policières. Sur le plan méthodologique, cette thèse est subdivisée en trois grands volets. Le premier démontre que les formations offertes par l’Université de Sherbrooke sont en rupture avec la Raison pratique moderne et s’inspirent d’une conception pragmatique et dialogique de l’éthique. Pour ce faire, nous présentons notre propre conception de l’éthique en montrant en quoi elle est redevable de celles proposées par Jean-François Malherbe et Georges A. Legault qui, chacun à leur façon, marquent une telle rupture avec la Raison pratique moderne. Tous deux défendent une approche dialogique. Cependant, la pensée de Legault est nettement plus pragmatique que celle de Malherbe. Une analyse des plans de cours révèle la conception éthique présentée. Cette partie de thèse établit également une typologie des conceptions éthiques, en mettant en évidence le mode de raisonnement pratique propre à chacun des quatre types qui la compose : finalisme des vertus, déontologisme, conséquentialisme et pragmatisme dialogique. La deuxième partie montre que les institutions politiques d’une époque sont intimement liées à l’une ou l’autre des quatre conceptions éthiques de la typologie proposée et, qu’à ce titre, elles sont animées par la conception de la Raison pratique qui leur est associée. Pour ce faire, nous nous appuyons sur le cadre théorique développé par les chercheurs du Centre de Philosophie du Droit de l’Université catholique de Louvain, ayant pour principaux animateurs les auteurs Jacques Lenoble, André Berten et Marc Maesschalck. Les aristocraties et monarchies pré-modernes y sont associées à l’éthique finaliste des vertus, les démocraties modernes au conséquentialisme et au déontologisme. Ces deux dernières conceptions, bien que très différentes sur le plan éthique, sont animées par une même théorie de la norme, marquée par une conception déterminante de la Raison pratique, qui constitue un des facteurs à l’origine de l’actuelle crise politique des sociétés démocratiques. Toujours selon ces auteurs, pour sortir de cette crise, de nouveaux mécanismes institutionnels sont en émergence. Ces derniers seraient cependant animés par une conception pragmatique et dialogique de la Raison pratique exigeant une réorganisation importante des institutions démocratiques. Il nous faudrait abandonner le mode régulatoire actuel, basé sur le jugement déterminant, pour une conception de la gouvernance plus soucieuse des limites de la Raison et plus apte à prendre en compte les capacités effectives des contextes d’action. La troisième partie de cette thèse aborde la lutte entre conceptions divergentes de la Raison pratique, mise à jour par les chercheurs du Centre de Philosophie du Droit. Cette lutte contribue à expliquer les grandes transformations survenues en milieu policier québécois depuis le début des années 1990. D’une part, l’État québécois, dans une démarche très caractéristique de la Raison pratique moderne, a confié à une série de groupes d’experts le mandat d’analyser les facteurs permettant d’expliquer différents dérapages survenus en milieu policier. De ces rapports ont découlé plusieurs recommandations, s’adressant à l’appareil administratif d’État. Ce dernier a soumis au législateur un ensemble de projets de loi et règlements exigeant, selon la logique propre du jugement déterminant, trois grandes modifications du milieu policier : la mise en place de divers mécanismes de contrôle civil sur le travail policier, la professionnalisation de la fonction et la régionalisation des forces policières. D’autre part, les milieux policiers, par un mouvement réflexif sur les problèmes issus de leurs pratiques, ont développé une approche en police communautaire fortement marquée par une conception pragmatique et dialogique de la Raison pratique. La première tendance explique l’exigence faite aux organisations policières d’accorder une plus grande importance aux questions éthiques. La seconde permet de comprendre pourquoi les organisations policières s’adressent à l’Université de Sherbrooke pour leurs besoins de formation. Or, lorsque les policiers s’appuient sur la conception pragmatique et dialogique de l’éthique pour prendre leurs décisions, ils aboutissent parfois à des solutions que réprouvent les instances de direction ou les instances déontologiques, plus fortement marquées par le jugement déterminant propre aux conceptions déontologiques et conséquentialistes. Ce qui permet de comprendre l’existence du paradoxe observé. En conclusion de cette thèse, nous présentons les modifications apportées à nos pratiques d’intervention en éthique, comme conséquence de notre reconnaissance de la pertinence des positions des chercheurs du Centre de Philosophie du Droit sur les modifications à apporter aux modèles de gouvernance démocratique. Nous ouvrons également certaines pistes de recherche sur les relations entre valeurs, normes et vertus.
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Portrait et causes des abus d'autorité commis par les policiers québécois - Étude exploratoire

Théroux, Monique 08 1900 (has links)
Mémoire numérisé par la Direction des bibliothèques de l'Université de Montréal. / Parallèlement à la recherche de l'efficacité et de l'efficience, le monde du travail développe aussi une réflexion sur l'aspect éthique des décisions prises et des actions posées. Certains secteurs d'activités font l'objet d'une attention particulière, et le milieu policier est sans doute l'un des plus visés à cause du potentiel élevé des possibilités de déviance, de la gravité des conséquences et du rôle, tant réel que symbolique, de l'institution policière au sein de la société. Les manquements commis par les policiers, qu'ils soient disciplinaires (fautes à l'égard des normes de l'employeur) ou déontologiques (fautes envers les citoyens) sont traités selon une approche individuelle, réactive et punitive. Les circonstances sont prises en compte pour déterminer la culpabilité du policier et la sanction, mais les causes profondes des manquements et le rôle de l'organisation policière ne sont pratiquement pas questionnés. Compte tenu de ces faits, notre étude a pour objectifs 1- de colliger et d'analyser des données sur les manquements déontologiques des policiers afin d'en dégager les grandes tendances puisqu'un tel portrait n'existe pas au Québec, 2- de tenter d'identifier des causes individuelles, circonstancielles et organisationnelles des abus d'autorité, et 3- de vérifier la présence et l'influence de la culture policière dans l'action quotidienne. Pour ce faire, nous analysons les décisions du Comité de déontologie policière, tribunal administratif chargé de déterminer le bien fondé d'une plainte à l'égard d'un policier, relativement aux abus d'autorité, soit les fautes les plus fréquentes. Tous les dossiers (octobre 1992 à juin 1998) avec abus physiques, psychologiques ou légaux sont retenus, de même qu'un groupe témoin composé d'un nombre identique de dossiers (88), choisis de façon aléatoire, dans lesquels l'abus n'a pas été prouvé. Les résultats des analyses univariées, bivariées et multivariées n'ont pas permis de faire ressortir des causes liées aux caractéristiques des policiers compte tenu de limites méthodologiques, peu d'éléments pouvant être observés dans les décisions du Comité. Quant aux circonstances, les variables relatives au contexte de l'intervention policière, aux éléments conjoncturels et aux caractéristiques des citoyens n'ont pas montré de relations avec les abus, à l'exception du type d'événement et de l'exigence de l'intervention qui sont faiblement corrélées avec la variable dépendante. Par contre, les variables circonstancielles relatives aux attitudes et comportements du policier et du citoyen, et celle indiquant qui, de l'un ou de l'autre, a entraîné la dégradation de la situation (souvent le policier lors d'abus, le citoyen lorsqu'il n'y a pas faute) peuvent être retenues comme composantes d'un futur modèle explicatif Il en est de même de l'encadrement offert par les organisations policières et des variables concernant les manifestations dune culture professionnelle mal encadrée, particulièrement un sens exagéré de la mission, une utilisation abusive de la force et une solidarité excessive. Ces variables organisationnelles sont celles possédant les plus hauts coefficients explicatifs des abus dans notre recherche. Cette étude, par l'observation de 38 variables indépendantes, permet donc de dégager les grandes tendances des caractéristiques des policiers visés par les abus, des circonstances dans lesquels ils se produisent, des problèmes organisationnels et culturels alors présents et des causes potentielles. Elle permet aussi de proposer des pistes de recherches futures. Enfin, cette étude apporte aussi des avenues pour une approche intégrée de la prévention de la déviance policière, approche visant autant l'importance de la cueillette et de l'analyse de données à cet égard que les activités de sélection, de formation, dévaluation et d'encadrement du personnel, de traitement des manquements, de même que l'attention accordée à un climat éthique de travail et à l'ouverture au monde extérieur.

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