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Le "tact" du polémiste : du local au mondial, trois œuvres de polémistes au début du XXe siècle (Charles Péguy, Karl Kraus, Lu Xun) / The “tact” of the polemist : from local chronicle to world history, three works of polemicists at the beginning of XXth century (Karl Kraus, Charles Péguy, Lu Xun)Barral, Céline 02 November 2015 (has links)
À l’ère de la spécialisation, des sciences sociales et de l’autonomisation de la littérature, la langue du polémiste s’attaque à « l’universel reportage » (Mallarmé). Les Cahiers de la quinzaine de Charles Péguy (1900-1914), la revue Die Fackel (le Flambeau) de Karl Kraus (1899-1936) et les « écrits divers » (zawen) des années 1920-1930 de Lu Xun représentent trois tentatives pour situer l’œuvre littéraire dans une frange critique de l’actualité, à distance du journalisme et du feuilleton. Le texte du polémiste est un discours sans autorisation sur les phénomènes politiques, sociaux et culturels de son temps. Il exalte un « je » souverain, qui porte le masque de Timon, de Thersite ou de Xing Tian, le combattant acéphale de la mythologie chinoise. Rejeté hors de la littérature ou du champ de la création par ses contemporains et par l’histoire littéraire, le polémiste perturbe les catégories génériques et l’idée même d’œuvre. La thèse propose de réinterroger le statut de l’œuvre polémique dans la littérature. Elle examine les différents lieux et temps d’inscription propres au polémiste (discours social, revue, recueil, œuvre complète, anthologie…) et tente de poser les jalons d’une poétique de la polémique. La constitution d’une telle poétique passe par la ressaisie des interdits relatifs à la polémique. Au polémiste, il est reproché de manquer de tact. La thèse inverse ce reproche en édifiant la catégorie paradoxale de « tact du polémiste », à partir de la pensée critique allemande en particulier (Walter Benjamin, Theodor W. Adorno). La parrêsia du polémiste n’est pas tant le tout-dire, qu’une certaine optique, un art de l’exagération et de la déformation : une souveraineté abusive sur le détail. La thèse ouvre sur l’enjeu de la mémoire de ces œuvres : les textes de polémistes deviennent des sismographes de la littérature mondiale, eux qui ne circulent pas facilement au-delà des frontières nationales et n’ont pas la lisibilité des fictions. / At a time of specialization of professions and autonomization of literature, the language of the polemicist attacks the “universal reportage” (Mallarmé). The Cahiers de la quinzaine of the French writer Charles Péguy (1900-1914), the anti-journal Die Fackel of the Viennese satirist Karl Kraus (1899-1936) and the “miscellaneous texts” (zawen) written by the Chinese author Lu Xun in the 1920s and 1930s represent three attempts to write a literary work on the fringes of the conventional categories of journalism or “feuilleton”. The text of the polemicist is a non-authorized discourse on current political, social and cultural events. It exalts a sovereign “I”, who wears the mask of Timon, Thersites or Xing Tian, the beheaded rebel in Chinese mythology. Rejected from literature by his contemporaries and literary history, the polemicist upsets the well-established literary categories as well as the understanding of what a writer’s work is.This thesis analyzes the different dimensions of the way the polemicist writes about his time (social discourse, magazines, collection, books, complete works, anthologies) and draws the outline of a poetic of the polemic. This attempt implies to reconsider what the literary tradition blames the polemicist for, especially his lack of “tact”. This blaming is here reversed, as we try to develop the paradoxical category of the “tact of the polemicist”, inspired by the German critical thinkers (Walter Benjamin, Th. W. Adorno). For the polemicist, the parrhesia does not consist in saying everything but rather in trying to find the right perspective. It is above all an art of exaggeration and distortion: a sovereign use and abuse of details. This thesis leads to the question of the memory of these works: while polemicists do not easily cross national borders and do not offer the readability of fictions, their texts paradoxically become a kind of seismograph of “world literature”.
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