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Devenir-paysage de la scène contemporaine. Le dépaysement du drame. / When the contemporary stage becomes landscape. The disorientation of drama

Guimaraes Ferrer Carrilho, Maria Clara 09 December 2014 (has links)
En écho avec la réflexion de Gertrude Stein sur le théâtre, la présente thèse explore l’idée de paysage comme moteur, dissident de la trame d’une histoire, de l’action scénique et de l’émotion du spectateur. Quoique récurrente dans le discours théâtral actuel, l’association entre théâtre et paysage ne va pas de soi. Il y a là comme des « noces contre nature » entre deux règnes et deux échelles différentes : la scène théâtrale, règne du drame, bâtie poétiquement et architecturalement à l’échelle de l’homme, et le paysage, règne de la nature qui ne peut se concevoir qu’à l’échelle de l’infini. Des « noces contre nature » qui, pour être fécondes, exigent une double émancipation : celle de la paysagéité hors du cadre pictural d’où elle est née en même temps que celle de la dramaticité hors de la matrice aristotélicienne qui l’a forgée.En partant de l’étude du concept de paysage et de l’évolution du genre pictural paysager, la thèse cherche à mettre en perspective la façon dont la paysagéité s’est immiscée dans l’art théâtral. Dans le sillage du concept de pièce-paysage introduit par Gertrude Stein en 1934, l’écriture théâtrale contemporaine, libérée de la nécessité de raconter une histoire, convoque une scène mentale pour une action qui ne peut se projeter que dans l’espace infiniment petit et infiniment grand de la pensée. Cristallisant les intuitions dramaturgiques steiniennes, l’œuvre de Robert Wilson fonctionne comme un prisme à travers lequel s’affirme l’esthétique scénique paysagère: l’homme et sa parole sont décentrés au sein d’un espace qui s’ouvre vers l’horizon. On en trouve l’écho dans une série d’œuvres scéniques contemporaines – Claude Régy, Maguy Marin, Joël Pommerat, Heiner Goebbels, François Tanguy – qui déclinent à leur façon les critères esthétiques d’un spectacle-paysage que le théâtre de Robert Wilson aura permis de forger.Le devenir-paysage de la scène s’accomplit au prix d’un dépaysement du drame et de son spectateur. / The present thesis falls within Gertrude Stein’s legacy and explores the concept of landscape as a driving force of scenic action and audience emotion that is independent of the plot.Although it is now common in the theatrical discourse, the association between theatre and landscape is not a given one. It is a sort of “counter-natural alliance” between two different realms and scales. The stage, which belongs to the realm of theatre, is built both poetically and architecturally to the human scale, whereas a landscape, which belongs to the realm of nature, can only be conceived of on an infinite scale. This “counter-natural alliance” can only be fertile if two emancipations occur: that of the landscape from the pictorial frame from which it was born, and that of drama from the Aristotelian matrix which constructed it.The thesis starts from a study of the evolution of the pictorial genre of the landscape and the concept of the same to examine how it infiltrated theatrical art. Contemporary theatrical writing followed in the footsteps of Gertrude Stein’s concept of the landscape play introduced in 1934 and was free of the necessity to tell a story. It conjures up a mental stage for actions which can only be envisaged in the infinitely small and infinitely large spaces of thought.Robert Wilson’s work crystallized Stein’s dramaturgic intuitions. It acted as a prism through which the stage esthetics of landscape was focused; therein, man and speech are decentralized within a space which opens towards the horizon. Many contemporary scenic works echo this, including those of Claude Régy, Maguy Marin, Joël Pommerat, Heiner Goebbels and François Tanguy, who play with the esthetic criteria of the landscape play which Robert Wilson’s work initially forged.The stage becomes a landscape through the disorientation of drama and its audience.
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Poétiques de la crise dans les dramaturgies européennes des XXe et XXIe siècles / The poetics of crisis in european drama (20th and 21th centuries)

Diaz, Sylvain 24 November 2009 (has links)
Notion dramaturgique majeure au vu de la récurrence de son emploi dans les traités d’esthétique, la crise souffre toutefois d’un déficit théorique : ignorée par Aristote dans La Poétique, par Corneille dans ses Discours sur la tragédie ou encore par Hegel dans son Cours d’esthétique, la crise est une notion encore à construire. C’est à partir du XIXe siècle qu’est développée une interprétation de la tragédie classique comme crise : il s’agit alors de penser en quoi la représentation de dérèglements tant intimes que politiques participe d’une remise en cause de la conception classique du monde fondée sur un principe d’ordre et d’harmonie. Résolument, la crise se donne à penser, à partir de la tragédie classique, comme mise en crise. Une telle conception se trouve toutefois contestée dans le drame bourgeois qui conçoit la crise comme état de crise : dans le prolongement de l’esthétique du tableau que développe Diderot, il s’agit en effet de dépeindre sur scène des situations critiques qui ne menacent en aucun cas la conception bourgeoise du monde.C’est dans une hésitation face à ces deux définitions concurrentes de la crise que trouvent à s’inventer, aux XXe et XXIe siècles, des poétiques de la mise en crise et des poétiques de l’état de crise qui prétendent expliquer le monde ou simplement l’explorer, l’élucider ou simplement l’étudier. Pour Bertolt Brecht, Peter Weiss ou encore Edward Bond qui ont une approche processuelle de la crise, il s’agit en effet de susciter chez le spectateur un ébranlement qui lui permettra d’envisager à nouveaux frais la réalité et de déterminer comment agir pour pouvoir la transformer. À l’inverse, pour Ödön von Horváth, Michel Vinaver ou encore Martin Crimp qui ont une approche contextuelle de la crise, il s’agit d’inventer une situation à partir de laquelle il devient possible d’explorer de manière inédite la relation de l’homme à lui-même, aux autres et au monde, d’explorer la « condition de l’homme moderne », pour reprendre la formule d’Hannah Arendt. Dès lors, l’étude de ces poétiques de la mise en crise et de l’état de crise se révèle déterminante en ceci qu’elles sont fondatrices de deux traditions dramatiques qui structurent intégralement l’histoire du théâtre occidental : celles du théâtre critique et du théâtre clinique. / The dramaturgic notion of crisis recurrently appears in aesthetic treatises, which attests its importance in the frame of theatre theory. Nevertheless, a definition of this notion is still missing : crisis is not even mentionned in Aristotle's Poetics, in the Discourses on tragedy by Corneille, or in Hegel's Lectures on Aesthetics. Theatrical crisis therefore needs to be thoroughly examined and defined. From the 19th century, French neoclassical tragedy has been read as a theatre of crisis : attention was then drawn to the way the disorders depicted on stage – on intimate as well as political level – put into question a classical conception of a world based on order and harmony. From this startpoint, theoricians resolutely use the notion of crisis to think this undermining questioning of the world. However, this definition of crisis is not relevant to the 18th century drame bourgeois, in which crisis is only used as a dramatic plot device : in line with the tableau in his Aesthetics, Diderot calls for a theatre of critical situations, which do not however threaten a bourgeois conception of the world. The gap between these two definitions of theatrical crisis has left a space for invention in the 20th and 21th centuries : dramatists have used crisis in various ways to explain the world, or simply explore it, to decifer it, or simply reflect upon it. Bertold Brecht, Peter Weiss and Edward Bond have shaped crisis as a process of involvement of the audience : they aim to shake spectators to make them consider real life with new eyes, and to ask themselves how they can transform it. On the opposite, Ödön von Horvath, Michel Vinaver and Martin Crimp have used crisis as a contextual device : they invent a situation which allows them to explore in a totally new way how man behaves towards himself, towards the others, and towards the world, that is, to explore the modern « Human Condition » according to the words of Hannah Arendt. The study of these two different poetics of crisis is therefore decisive, inasmuch as they have given birth to two different dramatic traditions which structure the whole history of Western theatre : on the one hand, the critical theatre, on the other, the clinical theatre.

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