L'étude des dépôts de l'Hauterivien-Aptien du Jura a permis de mettre en évidence le caractère discontinu de la sédimentation carbonatée en domaine de plate-forme. Dans cette région en effet, les niveaux de l'Urgonien se composent de plusieurs séquences de dépôt superposées, fréquemment limitées par des surfaces émersives et érosives. L'étude sédimentologique et microfaciologique de détail a conduit à l'élaboration d'un modèle d'agencement de microfaciès et a permis également de mieux comprendre l'évolution verticale des milieux de dépôt de chaque coupe. L'analyse d'un grand nombre de coupes dans cet intervalle permet enfin de connaître précisément l'importance des variations latérales de faciès. L'étude minéralogique fait ressortir que les intervalles riches en kaolinite coïncident plutôt avec les faciès de transgression (FT) et les faciès de plate-forme. La présence de pyrophyllite dans toutes les séquences de dépôt rencontrées et de la paragonite dans les niveaux de la séquence de dépôt Ju6 n'avaient jusqu'alors jamais été mises en évidence dans les séries du Jura neuchâtelois et vaudois. Un inventaire micropaléontologique systématique de toutes les faunes de cet intervalle a été entrepris ainsi qu'une analyse critique permettant de rejeter la lignée phylétique proposée par Schroeder [1994]. Les données micropaléontologiques et sédimentologiques ont permis de caractériser précisément sept séquences de dépôt. La comparaison des répartitions des faunes jurassiennes avec celles du Vercors, chronostratigraphiquement calées par ammonites, permet d'attribuer les deux premières séquences à l' Hauterivien (Ju1, Ju2) ; les séquences Ju5, Ju6 sont attribuées au Barrémien supérieur et Ju7 à l'Aptien inférieur. La présence de niveaux du Barrémien supérieur dans le Jura est maintenant prouvée. En revanche, l'âge des séquences Ju3 et Ju4 n'est pas précisément connu, en raison de leur pauvreté en éléments de valeur chronostratigraphique. La séquence Ju4, qui peut manquer totalement par érosion dans la plupart des coupes étudiées, pourrait être placée soit dans la partie élevée de l'Hauterivien, soit dans la partie inférieure du Barrémien. L'analyse séquentielle a permis de plus de démontrer que les corrélations lithostratigraphiques antérieurement proposées sont, dans la plupart des cas, erronées sur le plan chronologique. Le découpage en séquences de dépôt permet de reconnaître quatre épisodes paléoenvironnementaux dans cet intervalle stratigraphique : - le premier se compose de niveaux calcaréo-mameux d'environnements circalittoraux ouverts d'âge clairement Hauterivien (séquences Jul-2), fréquemment marqués par des surfaces d'érosion majeures; - le second se compose de niveaux essentiellement carbonatés, d'environnements de lagon d'âge inconnu (séquences Ju3-Ju4) ; - le troisième épisode, situé au-dessus d'une surface d'érosion d'extension verticale pluridécamétrique, se compose de faciès calcaires de lagon ouvert et de lagon à rudistes fréquemment émergés, d'âge Barrémien supérieur (séquences Ju5 et Ju6), qui forment l' Urgonien jurassien; - le quatrième épisode, qui marque l'interruption brutale de la sédimentation carbonatée et la fin des dépôts urgoniens dans cette région (séquence de dépôt Ju7) est d'âge Aptien inférieur. Les sédiments de l'Urgonien jurassien, de puissance réduite, ne représentent en réalité que des séquences partielles de l'Hauterivien et du Barrémien supérieur pro parte, documentées par l'interprétation des données sédimentologiques, diagénétiques, et micropaléontologiques.