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Participation et verrouillage technologique dans la transition écologique en agriculture. Le cas de l'Agriculture de Conservation en France et au Brésil. / Participation and Technological Lock-In in the Ecological Transition for Agriculture. The case of Conservation Agriculture (CA) in France and Brazil.

Landel, Pauline 16 April 2015 (has links)
Les modèles techniques agricoles fondés sur l’utilisation de produits phytopharmaceutiques (pesticides) ont des impacts environnementaux et sanitaires face auxquels les pouvoirs publics affichent la volonté d’une « transition écologique ». Dans ce contexte, on s’interroge de plus en plus sur la notion de verrouillage technologique pour comprendre la persistance de ces modèles et les obstacles au développement d’alternatives techniques moins consommatrices de ces produits (Cowan, Gunby, 1996 ; Vanloqueren, Baret, 2008). Les analyses mettent en avant l’importance des dimensions cognitives pour expliquer les situations de verrouillage (influence des cadres cognitifs et normes pour l’action, dispositifs matériels d’accès aux connaissances techniques – Stassart, Jamar, 2009 ; Labarthe, 2010). Parallèlement, la « participation » est souvent invoquée comme un moyen d’améliorer la mobilisation des connaissances dans les situations de choix technologiques (Barber, 1984 ; Callon et al., 2001…).L’objectif de cette thèse est de mettre à l’épreuve cette conviction sur la participation, à partir de l’étude du cas de l’agriculture de conservation (AC) en France et au Brésil. L’AC est un modèle technologique innovant qui émerge comme « candidat » à l’agriculture durable dans le débat public, en dépit de la dépendance de certaines techniques à l’utilisation d’herbicides.Pour comprendre les effets de la participation sur la capacité des acteurs à accéder aux connaissances et à faire des choix technologiques, la thèse analyse la façon dont l’idée de participation se décline concrètement dans le régime d’accès aux connaissances en agriculture. L’évolution de la politique agricole en France et le passage d’un référentiel « modernisateur » à un « référentiel de marché » (Muller, 2000) a fait l’objet de nombreuses études, mais peu souvent menées depuis le point de vue des connaissances. Or, de profonds changements sont en cours, suite au tournant libéral des années 1990 et à la transformation du rôle de l’Etat vers la mise en œuvre d’une régulation par l’information (Majone, 1996). L’analyse de ces transformations en France révèle que l’Etat ne s’est pas doté des dispositifs institutionnels et matériels adéquats pour assurer cette fonction de régulation dans le domaine de l’agriculture et de l’utilisation des pesticides. Dans ce contexte, la participation est invoquée pour organiser de grandes consultations nationales (Grenelle de l’Environnement) visant à produire du consensus sur des sujets controversés, tandis que les moyens matériels d’accès à des connaissances adéquates pour évaluer et débattre des options technologiques font défaut dans les services de l’Etat et auprès d’autres acteurs du débat public. adéquats La participation est aussi utilisée pour renvoyer l’innovation à des dispositifs locaux « en partenariat » ou « en réseaux » associant public et privé (et notamment les firmes d’amont fournisseuses de produits phytopharmaceutiques, porteuses de conflits d’intérêt), où les moyens mutualisés pour l’accès aux connaissances manquent. L’analyse des réseaux d’action publique impliqués dans le développement de l’AC confirme cette fragmentation croissante des conditions d’accès aux connaissances, entre accumulation des ressources cognitives par les firmes, et inégalités d’accès aux connaissances entre agriculteurs développant des alternatives. Dans ce contexte, la référence à « la participation » ne permet pas de compenser ces changements structurels à l’œuvre, et masque au contraire le retrait de l’Etat d’une politique volontariste en faveur de la réduction de pesticides et la perte d’un certain nombre de ses prérogatives liées aux connaissances. La dimension comparative avec le Brésil permet de confirmer l’existence de tels effets « pervers » en termes de dépolitisation des débats sur les évolutions du régime d’accès aux connaissances. / Intensive use of pesticides in agriculture has environmental and sanitary impacts that led to the need for less harmful techniques. Policy makers are claiming for an “ecological transition” of the sector but they are facing technological lock-ins : pesticides-based solutions remain dominant because of institutional and cognitive factors that prevent the development of other alternatives (Cowan, Gunby, 1996; Vanloqueren, Baret, 2008…). In this context, the idea of enlarging the participation of new actors in technological decisions has gained success as it is supposed to enlarge the range of available evidence and lead to better and fairer technological choices (Barber, 1984; Callon et al., 2001; Elgert, 2010)This PhD research aims at questioning the idea of participation as a way to unlock technological lock-ins , using the case of Conservation Agriculture (CA) in France and Brazil, an innovation presented as based on participatory dynamics of R&D and a way to achieve sustainable agriculture, in spite of the dependence of some practices on an intensive use of herbicides. Data was collected from academic literature, documentary analysis, and semi directive or collective interviews with 51 actors both in France and Brazil. Results show the deep changes the regime of knowledge in agriculture has undergone in the last decades under the liberalization of the sector- and why referring to the idea of participation is unefficient to counterbalance these structural changes, or can even have perverse effects.Academic literature described the evolution of agricultural policies, at the international, European and French levels, analyzing the “environmental” turn of the 1980s and the “liberal” turn of the 1990s-2000s (Fouilleux, 2003; Muller, 2000; Trouvé, 2007). But few studies focused on the impacts these changes had on how decision makers and farmers have access to scientific and technical evidence to innovate and cope with new situations. This PhD research shows how the regime of knowledge in France evolved from the modernization period (1960s) - when access to reliable evidence was an issue of public concern and funding in the State administrations and extension services; to a turning point in the 2000s when the State progressively disengaged from the debate on the technological trajectory of the sector and private firms became more and more implicated. In the case of CA, the results of a policy networks analysis show the concentration of material resources to produce robust evidence (R&D, extension services, databases ) in the hands of private firms wishing to develop technological packages based on the use of pesticides. On the other hand, local farmers trying to reduce their consumption of pesticides lack resources to systematically evaluate the innovations they produce.In this context, the idea of participation refers to organizing big national consultations (as the Grenelle de l’Environnement) that rather aim at producing consensus than shedding light on existing controversies and alternatives. It is also used to discharge the responsibility for producing pesticide-less alternatives to different kinds of partnerships at a local level (sometimes associating private firms with commercial interests in selling pesticides).This research therefore shows that, besides other institutional and cognitive factors, the issue of accessing adequate evidence is of crucial importance to understand changes in policy making and the State and at the heart of great economic and socio-political conflicts. It also highlights the importance of taking into account structural determinants and evidence-related power games in order to evaluate the impacts of “participation” on improving technological choices.

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