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L'évolution de la prime associée aux qualifications et son implication quant aux changements de la structure des salaires

Béjaoui, Ali 11 1900 (has links)
Les années quatre-vingt ont été particulièrement marquées par un élargissement des inégalités salariales par niveau de scolarité ou par groupe d'âge. Plusieurs facteurs interdépendants ont été évoqués pour expliquer cette tendance, à savoir les changements technologiques, la libéralisation du commerce international ainsi que des facteurs institutionnels tels que le taux de syndicalisation et le salaire minimum. Par ailleurs, les recherches empiriques montrent que les changements technologiques plus intensifs en main-d'œuvre qualifiée (Skill-Biased Technological Change) ont joué un rôle prépondérant dans cette tendance. Cette forme de changement technologique aurait entraîné une augmentation relative de la demande de la main-d'œuvre qualifiée, les qualifications étant mesurées par le niveau de scolarité et d'expérience (estimé par l'âge). Particulièrement aux États-Unis, cette augmentation de la demande relative des qualifications s'est traduite par une augmentation de la prime associée au niveau de scolarité et d'expérience. L'augmentation de ces primes est avancée comme argument de base pour justifier l'hypothèse de l'émergence d'une économie du savoir et la pénurie de la main-d'œuvre qualifiée qui en découle. Bien que le passage de l'économie canadienne vers une économie du savoir ait été bien établie, la prime à la scolarité n'a pas pour autant augmenté. Par ailleurs, l'accroissement de l'écart salarial entre les jeunes et les plus âgés a dominé les changements de la structure salariale observés durant les années quatre-vingt. La stabilité de la prime à la scolarité au Canada a engendré une divergence d'opinion quant à la manière dont le marché du travail s'est ajusté. Certains expliquent cette stabilité par l'augmentation de l'offre des qualifications qui est venue compenser l'augmentation de la demande, alors que d'autres rejettent l'hypothèse du changement technologique et favorisent l'hypothèse d'un ajustement de la demande à une offre de main-d'œuvre qualifiée plus abondante. Ces deux points de vue débouchent sur des recommandations différentes en matière d'investissement. Ceux qui défendent l'hypothèse du changement technologique plus intensif en main-d'œuvre qualifiée préconisent l'investissement dans le capital humain comme moyen de se tailler une place dans une économie basée sur le savoir. Cette position n'est pas partagée par les tenants de l'ajustement de la demande étant donné qu'ils considèrent que l'offre de la main-d'œuvre qualifiée est déjà assez abondante. Ces derniers favorisent plutôt l'investissement dans les nouvelles technologies afin de compenser la fuite des iv investissements vers les formes d'organisation du travail qui utilisent d'une façon plus intensive la main-d'œuvre qualifiée. Quant à l'attribution de l'élargissement de l'écart salarial entre les jeunes et les plus âgés au développement d'une prime à l'expérience, elle a été mise en doute par des études longitudinales. Ces dernières attribuent cette tendance à une baisse du profil par âge des revenus. Les cohortes qui sont entrées sur le marché du travail durant les années 1980 et 1990 gagnent des salaires plus faibles par rapport aux cohortes précédentes. Le débat sur la manière dont le marché du travail canadien s'est ajusté est basé sur une mesure approximative des qualifications, à savoir le niveau d'instruction et d'expérience (estimé par l'âge). La présente étude introduit une mesure multidimensionnelle des qualifications requises par les professions (l'aptitude cognitive, l'aptitude à communiquer, l'aptitude motrice fine, l'aptitude motrice brute et l'aptitude à exercer l'autorité et à gérer) afin d'analyser les changements de la prime associée à ces dernières et améliorer ainsi notre compréhension de la manière dont le marché du travail s'est ajusté. Entre 1981 et 1991, nous avons observé une augmentation de la part de l'emploi dans les professions qui exigent un niveau élevé d'aptitude cognitive, d'aptitude à exercer l'autorité à gérer, d'aptitude à communiquer et d'aptitude motrice fine. Par contre, une baisse de l'emploi a été enregistrée dans les professions qui requièrent un niveau élevé d'aptitude motrice brute. Ceci corrobore les prédictions de la thèse de requalification des changements technologiques et le passage vers une économie du savoir. Suite à cette tendance, nous avons vérifié l'hypothèse suivante : si le marché du travail s'ajuste par les quantités alors la prime associée à ces qualifications resterait constante. En utilisant une méthode d'estimation qui contrôle les caractéristiques socio-économiques et la distribution géographique des individus, nous avons montré que la prime associée aux qualifications requises par les professions est restée stable. Cette stabilité est expliquée en partie par l'augmentation de l'offre des qualifications (mesurée par le niveau de scolarité). L'augmentation de la proportion des femmes et celle des travailleurs à temps partiel dans les professions qui exigent des niveaux élevés d'aptitude cognitive, d'aptitude à exercer l'autorité et à gérer, d'aptitude à communiquer et d'aptitude motrice fine aurait contribué à la stabilité de la prime associée à ces aptitudes. Cependant, la prédominance des travailleurs syndiqués dans les professions qui requièrent un niveau élevé d'aptitude motrice brute aurait contribué au maintien de la prime associée à cette aptitude malgré la baisse de la demande qui lui est adressée. Ceci nous a amené à conclure qu'aussi bien l'augmentation de l'offre des qualifications que les facteurs institutionnels ont joué un rôle dans la stabilité des primes associées aux qualifications durant les années quatre-vingt. Contrairement à la prime associée aux différentes qualifications, la prime à l'âge est plus prononcée. Cette prime est relativement plus élevée dans les professions qui exigent un niveau élevé d'aptitude à exercer l'autorité et à gérer ainsi que dans celles qui exigent un niveau élevé d'aptitude à communiquer. De plus, c'est au sein de ces professions que la prime à l'âge a augmenté le plus. Ceci laisse croire que cette augmentation de la prime à l'âge est due à une augmentation de la prime à des aptitudes acquises avec l'expérience (aptitude à exercer l'autorité et à gérer et l'aptitude à communiquer). Or, nous avons montré que la prime associée à ces aptitudes est restée stable entre 1981 et 1991. Ceci nous a amené à favoriser l'hypothèse selon laquelle l'accroissement de l'écart salarial par groupe d'âge serait dû au fait que les jeunes, qui jouissaient d'un avantage comparatif en terme du niveau de scolarité atteint par rapport aux plus âgés, font face à des travailleurs plus âgés, aussi instruits qu'eux et ayant davantage d'expérience. Cependant, les hommes jeunes font face à une concurrence supplémentaire, à savoir l'afflux des femmes sur le marché du travail. L'augmentation du taux de participation des femmes durant les années quatre-vingt aurait contribué à l'élargissement de l'écart entre les jeunes et les plus âgés.

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