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La possibilité du choc : invention littéraire et résistance politique dans les oeuvres d'Olivier Cadiot et de Nathalie QuintaneFarah, Alain January 2009 (has links) (PDF)
Cette thèse de doctorat pose les linéaments d'une histoire de la littérature française contemporaine. Prenant pour objet d'étude une sphère très précise du champ poétique en étudiant les oeuvres d'Olivier Cadiot et de Nathalie Quintane, cette réflexion a pour point de départ le constat de la fin de la domination du modèle avant-gardiste dans le champ culturel à la charnière des années 1970 et 1980. Il s'agit de questionner la possibilité puis les modalités d'un renouvellement des formes après l'avant-garde. Cette problématique s'accompagne de deux autres interrogations sur la résistance au pouvoir et la traduction de l'expérience. S'articule ainsi une réflexion sur le devenir du travail de l'écrivain dans un contexte où les forces d'ordonnancement des corps, de la mémoire et du langage imposent des consensus qui réduisent la probabilité d'un surgissement de nouveauté, entendue ici comme puissance subversive capable de malmener nos représentations du monde. Cette réflexion débute en revisitant, dans une première partie intitulée « Des positions fugitives », plusieurs notions théoriques avec pour objectif avoué de voir en quoi elles peuvent être opératoires dans le contexte contemporain. En analysant les acceptions d'avant-garde (Poggioli, Bürger), de poésie (Gleize, Pinson), de champ (Bourdieu, Lahire) et de politique (Rancière), il s'agit de constituer le cadre intellectuel duquel émerge le corpus étudié. Cette première partie ne fait pas que l'état de la question critique et théorique, elle propose aussi l'étude de quelques textes d'Olivier Cadiot, de Nathalie Quintane et de Christophe Tarkos pour appuyer les démonstrations. « Jouer Gambit », deuxième partie, se consacre exclusivement à l'oeuvre d'Olivier Cadiot. Structurées autour de trois thématiques (la poésie, le pouvoir et la gravité), ces analyses montrent la complexité du travail de l'écrivain, notamment en expliquant, dans « Romaniser la poésie », que la migration que Cadiot opère vers le roman, loin d'être un acte de « haine de la poésie », est une manière pour lui de lui donner une nouvelle intensité. La mise en contexte de la création de L'art poétic' est suivie d'une présentation de la Revue de littérature générale. L'examen des « mises en abyme » de la poésie dans les romans de Cadiot dans Futur, ancien, fugitif; Retour définitif et durable de l'être aimé et Fairy queen explique les tenants et les aboutissants de ce déplacement générique. Dans « Singer le pouvoir », ce sont les nombreuses figures de la domination qui font l'objet d'un développement. L'usage de la métaphore militaire est aussi étudié, Cadiot parvenant par ce biais à déployer la question du politique en littérature. « L'archipel du goujat » se penche sur la question de l'expérience de la gravité, et explique que les différents Robinson de Cadiot opposent deux régimes d'atteinte: l'idiotie et la folie, deux rapports à la désorganisation qui sont aussi deux rapports aux formes et, plus largement, au politique. La deuxième partie se clôt sur une analyse de l'entreprise intertextuelle de Cadiot, qui compare son Robinson à ceux de Daniel Defoe et de Michel Tournier. La troisième partie, « Damer le pion », se consacre à l'oeuvre de Nathalie Quintane. Deux thématiques structurent nos analyses: le rapport à la poésie et le rapport à l'histoire. Le huitième chapitre, « Le mauvais genre », s'attaque à la question générique. Dans l'analyse de Remarques et de Chaussure, l'imperceptibilité de l'oeuvre, identifiée aussi bien, à ses débuts, à la sacralité du quotidien qu'à la littéralité, est mise de l'avant. La posture de l'écrivaine au sujet de la poésie est explicitée: elle résiste à l'idée de la densité comme étalon de valeur de la poéticité en lui opposant la surface, perçue notamment dans la distanciation des remarques qui mettent tout de même de l'avant un « je » qui expérimente avec le corps et la pensée, dans le but avoué d'en finir avec la grandiloquence. Quintane témoigne d'un nouveau parti pris des choses qui confirme l'énorme distance qui la sépare de toutes les pratiques « du soi » tout comme des lieux communs entourant la littérature de « femmes ». La posture faussement ingénue de Quintane se loge dans une pensée esthétique concernée par un travail sur le douteux, l'évènementiel, la surprise. Travaillant avec ce qui importune, ce qui est incongru, l'écrivaine réfléchit aux questions du sérieux, de l'idiotie, de l'absurde, de la fantaisie. « Repasser l'Histoire », neuvième chapitre, montre comment Quintane déplace la matière historique, la repasse, c'est-à-dire opère une mise à plat tout en la revisitant pour la faire voir autrement. L'écrivaine rencontre d'abord Jeanne d'Arc puis la station balnéaire de Saint-Tropez. Dans Cavale et Grand ensemble, elle affronte des sujets délicats -la Commune, la collaboration ou la guerre d'Algérie -à travers la reconstitution de « souvenirs live » qui érige un travail de rétrospection qui engage Quintane du côté de la confusion, perçue comme le moindre mal d'une époque où l'ordre déforme la mémoire. L'écrivaine invite à damer le pion des discours de légitimation tout en dressant une continuité entre un passé douteux et un présent qui de jour en jour nous prouve l'être tout autant. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Avant-Garde, Littérature contemporaine, Expérimentation, Poésie, Société, Politique, Sociocritique, Olivier Cadiot, Nathalie Quintane.
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