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Un calcul cortical pour les systèmes situésFrezza-Buet, Hervé 16 September 2011 (has links) (PDF)
Depuis les années 50 sont apparues, comme domaine d'étude, ce que l'on appelle les sciences cognitives, qui ont fédéré des disciplines telles que, entre autres, la neurobiologie, la psychologie, la philosophie, la linguistique... et bien entendu l'informatique. Sans revenir sur l'historique de la constitution des sciences cognitives, nous en retiendrons qu'elles sont apparues à partir du moment o'u les sciences sont devenues capables d'aborder la question de la conscience, en décortiquant et objectivant les phénomènes de mémoire, de perception, de langage et d'émotions. Objectiver le sujet, qui est au cœur des sciences cognitives, est l'expression d'un paradoxe dont nous parlerons dans ce chapitre, et la science informatique y a pris toute sa part. L'Intelligence Artificielle (IA) a été le versant en informatique des sciences cognitives. Parler d'intelligence artificielle fait d'ailleurs toujours l'objet de polémiques, la question de savoir jusqu'où l'on peut dire qu'une machine est capable d'intelligence n'étant pas tranchée aujourd'hui. Face à cette indétermination, nous soutiendrons l'hypothèse dite de l'IA forte, qui propose de considérer que l'ensemble de ce que l'on peut observer chez l'homme en termes de langage, pensée, conscience, est strictement le fruit de son métabolisme, neuronal en particulier. Nous ne demanderons pas au lecteur d'adhérer à cette hypothèse, mais soulignons ici qu'elle motive les travaux et les orientations de recherches que nous présentons dans ce mémoire. L'hypothèse d'IA forte trouve un écho particulier en informatique pour les raisons suivantes. L'informatique est une discipline qui dès l'origine [Turing, 1936; Church, 1936] a su abstraire la mécanique du traitement de l'information de son support. En effet, les machines de Turing ont existé bien avant d'être instanciées sur support physique. Selon cette perspective, qu'un traitement soit effectué sur silicium, au sein d'une clepsydre améliorée, ou sur un support neuronal ne change rien à l'affaire. La métaphore de la chambre chinoise de John Searle [Searle, 1980] illustre cette indépendance au support. Elle compare l'ordinateur à une personne enfermée dans une salle qui manipule des symboles chinois auxquels elle ne comprend rien, suivant pour ce faire un système de règles. Si l'on adhère à l'hypothèse d'IA forte, ce que ne fait pas Searle, le système de règles pourrait décrire une intelligence, équivalente à celle de l'Homme, dont l'opérateur est le moteur. Ce qui motive notre recherche informatique est l'hypothèse de l'existence de ces règles, autrement dit, d'un programme qui conduise 'a ce qu'une intelligence de même nature que celle de l'Homme puisse être instanciée par une machine de Turing. Faire cette hypothèse, toutefois, ne permet pas de guider la conception du programme, ou plutôt d'un programme, qui puisse doter une machine d'intelligence. Il est alors nécessaire de trouver ailleurs les arguments permettant de concevoir ces programmes. Là encore, l'hypothèse d'IA forte joue un rôle central. Si on admet que l'intelligence dont l'Homme fait preuve n'est que le résultat de la mécanique de ses neurones, il devient pertinent de s'inspirer des neurones 1Chapitre 1. Préambule pour concevoir un programme intelligent. L'argument ici n'est pas de dire que la voie neuromimétique est la seule qui puisse permettre de concevoir des machines intelligentes, mais plutôt de souligner que, sous l'hypothèse d'IA forte, cette voie permettra d'aboutir. En plus de cette garantie de succès, toute théorique car rien ne dit que la technologie permettra d'instancier ces machines, l'inspiration des neurones a un autre avantage pour l'informatique, qui se défend sans recourir à l'hypothèse d'IA forte. En effet, qu'ils suffisent ou non à rendre compte de l'intelligence, les mécanismes neuronaux qui s'expriment au sein du système nerveux sont un exemple de traitement de l'information de nature foncièrement différente de ceux conçus par les approches classiques de génie logiciel. L'étude de ces systèmes est alors susceptible d'apporter à l'informatique des paradigmes nouveaux, et c'est ce que nous défendons le plus ardemment dans nos travaux de recherche. L'ensemble de ce chapitre consiste 'a préciser ces quelques lignes d'introduction, en abordant le talon d'Achille des sciences cognitives, 'a savoir la question de la définition de l'intelligence. Nous abordons ensuite la question de la pluridisciplinarité, saisie du point de vue de l'informatique, pour défendre l'apport des sciences dites " molles " à notre discipline. Nous nous trouvons en effet dans la situation où un recours aux sciences humaines et sociales peut être défendu comme une aide pour débloquer les difficultés que rencontrent des sciences pourtant " dures " lorsqu'elles abordent la question de l'intelligence.
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