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Les flèches de galets de Bretagne : morphodynamiques passée, présente et prévisible

Stéphan, Pierre 09 December 2008 (has links) (PDF)
Dans l'optique d'une meilleure compréhension du fonctionnement des flèches de galets en Bretagne, la morphodynamique de ces formes d'accumulation a été étudiée à différentes échelles spatiales et temporelles. <br /><br />Sur le long terme, l'évolution des flèches au cours de l'Holocène a été reconstituée à partir d'une analyse stratigraphique des dépôts préservés au sein de trois marais maritimes situés en rade de Brest. En parallèle, les variations holocènes du niveau marin ont été reconstituées afin d'appréhender le rôle des mouvements eustatique dans l'évolution à long terme des flèches de galets. Quatre grandes phases dans les courbes des variations eustatiques peuvent toutefois être identifiées. Ainsi, un stationnement relatif du niveau marin à environ 5 m sous son niveau actuel est enregistré entre 5 500 et 4 800 BP. Cette phase de ralentissement important de la transgression holocène aurait favorisé la mise en place de tourbières au niveau de la ligne de rivage actuelle à la fin de l'Atlantique et au début du Subboréal. Un mouvement transgressif important semble s'opérer entre 4 800 et 3 000 BP, amenant la mer a un niveau proche, quoique légèrement inférieur à l'actuel à la fin du Subboréal. En rade de Brest, cette phase de remontée relativement rapide du niveau marin a vraisemblablement entraîné l'inondation des tourbières littorales ou dulçaquicoles par la mer et leur remplacement par des marais maritimes protégés de l'agitation des vagues par la présence de cordons littoraux. Ces cordons auraient progressivement reculé jusqu'à une position assez voisine de l'actuelle vers 3 000 BP. Ensuite, une petite régression marine se serait traduite par une baisse du niveau marin relatif de 2 à 3 m entre 3 000 et 2 700 BP, entraînant l'abandon temporaire des systèmes littoraux (marais maritimes/cordons littoraux) par la mer. Dans le nord du Finistère, cette régression aurait favorisé l'exondation de vastes surfaces sableuses sur lesquelles la déflation éolienne aurait favorisé la construction des grands massifs dunaires de la région (Guilcher et Hallégouët, 1991). Il convient toutefois de préciser que cet épisode régressif datant de la fin de l'âge du Bronze pose question dans la mesure où il n'est enregistré par aucune courbe construite sur les différentes façades maritimes françaises (Lambeck, 1997, Vella et Provansal, 2000), ni même sur les côtes de Belgique (Denys et Beateman, 1995) ou du sud de l'Angleterre (Long et al., 1999). Cette baisse du niveau marin, ne reposant que sur deux points, pourrait simplement être attribuée à un manque de précision des données (mauvaises datations, erreur de positionnement altitudinal). De toute évidence, il apparaît nécessaire de multiplier les études de cas afin de proposer une courbe beaucoup plus fiable des variations eustatiques holocènes dans le nord-ouest de la Bretagne. A partir de 2 700 BP, le mouvement transgressif reprend à un rythme décroissant jusqu'à nos jours. La mer réinvestit peu à peu les milieux littoraux et édifie, en rade de Brest, les principaux cordons et flèches de galets actuels, qui apparaissent comme de véritables héritages morpho-sédimentaires.<br /><br />Sur le moyen terme, la mobilité des flèches de galets de Bretagne a été retracée à partir d'un traitement numérique de cartes anciennes et de photographies aériennes. Une tendance au recul des flèches se dessine à l'échelle régionale au cours des trois derniers siècles. Près de 80% des flèches étudiées montrent des signes de cannibalisation, de recul relativement rapide par rollover, d'ouverture de brèches et de démantèlement. Ces évolutions traduisent un contexte d'érosion liée à une sous-alimentation sédimentaire résultant d'apports insuffisants en matériaux grossiers provenant du recul des falaises meubles quaternaires. Les flèches de galets constituent donc actuellement des héritages en cours de dilapidation. Par ailleurs, l'analyse des forçages météo-marins sur la période récente fait apparaître une différence de fonctionnement morphodynamique opposant les flèches de type SAB (swash-aligned barriers) orientées perpendiculairement aux houles incidentes et dont l'évolution récente est fortement contrôlée par les épisodes de submersion marine, et les flèches de type DAB (drift-aligned barrier) alignées dans le sens des vagues incidentes, peu influencées par les événements météo-marins. <br /><br />Sur le court terme, la mobilité des flèches de galets a été retracée à partir d'un suivi topo-morphologique réalisé entre 2002 et 2008, couplé à une analyse des conditions météo-marines. La mobilité des flèches présente un caractère spasmodique, marquée par des phases de stabilité permettant la consolidation des cordons et de brusques épisodes érosifs liés à l'intervention d'épisodes de submersion marine très morphogènes. Les méthodes d'analyse prévisionnelle utilisées (méthode historique, cartographie de la submersion, modèle de Sallenger (2000)) permettent de prévoir une poursuite du recul de ces édifices sédimentaires et, par endroits, l'exagération des phénomènes d'érosion. Dans ce contexte, se pose la question d'une éventuelle gestion de ces formes d'accumulation puisque ces flèches participent à la protection de marais maritimes à forte valeur écologique. En outre, ces flèches constituent des objets géomorphologiques à forte valeur patrimoniale, comme en témoigne le classement récent du Sillon de Talbert en Espace Remarquable de Bretagne.

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