Une plate-forme carbonatée urgonienne s'est développée au Barrémien et à l'Aptien sur la marge passive septentrionale de la Téthys entre les Pyrénées et les Alpes suisses. La partie de cette plate-forme qui est localisée entre la Chartreuse et le Vercors septentrional (chaînes subalpines françaises) a fait l'objet d'études sédimentologiques, stratigraphiques et micropaléontologiques. L'étude sédimentologique détaillée des sédiments, de leur contenu faunique et de leurs relations, a permis de proposer le modèle d'une plate-forme qui, au maximum de son extension, était constituée des six ensembles suivants : - le talus externe, placé dans l'étage circalittoral et caractérisé par des sédiments argilo-carbonatés, vaseux et sableux fins, abritant une faune vasicole de Spatangidés, Lamellibranches fouisseurs et petits Foraminifères à test arénacé ; - la bordure de la plate-forme, zone très agitée située dans l'étage infralittoral et caractérisée par ses dépôts oolitiques, ses biohermes à Cnidaires et ses sédiments sableux grossiers dans lesquels se développait une microfaune de Foraminifères de grande taille (Orbitolinidés; coniques, Reophax ?; - le domaine interne de la plate-forme correspondait à des milieux plus abrités de l'étage infralittoral dans lesquels des sédiments calcaires sableux, moyennement grossiers, parfois envasés, toujours micritisés par les algues endolithes, abritaient des Rudistes et des Miliolidés ; - les chenaux, zones déprimées recoupant la plate-forme, drainaient des sédiments argilo-calcaires sablo-vaseux et renfermaient une microfaune extrêmement riche et diversifiée dominée par des Foraminifères à tests complexes (Orbitolinidés surtout) ; - le domaine marginolittoral correspondait aux plages, caractérisées par des sédiments calcaires sableux grossiers montrant de nombreuses figures sédimentaires (Keystone-vugs, ciment asymétrique, etc *** ) et aux marais maritimes de l'étage médiolittoral ou supralittoral dans lesquels se déposaient des vases calcaires presque azoîques renfermant presque exclusivement un seul genre de Foraminifère (Pseudotriloculina); - les zones émergées identifiées grâce aux phénomènes de dissolution précoce des sédiments. L'étude stratigraphique a permis de reconstituer l'évolution paléogéographique de cette plate-forme qui, apparue à la base du Barrémien supérieur, s'étendit progressivement au cours du Barrémien supérieur et du Bédoulien, malgré des périodes de crise - la première au sommet du Barrémien supérieur (épisode des calcaires marneux de la Rivière) et la seconde à la base du Bédoulien (épisode des couches inférieures à Orbitolines). Chacune de ces crises, traduite par l'arrivée de sédiments argileux, a perturbé le développement de la sédimentation carbonatée de la plate-forme. Au Bédoulien supérieur, une dernière crise plus importante que la précédente est responsable de l'interruption définitive de toute sédimentation carbonatée de plateforme dans la région étudiée. Cet épisode correspond au dépôt transgressif des marnes de la couche supérieure à Orbitolines. L'étude micropaléontologique comporte la description et la figuration de 213 espèces de Foraminifères benthiques dont 35 espèces et 4 genres sont nouveaux. La répartition quantitative et qualitative de ces Foraminifères dans les différents ensembles de la plate-forme a été examinée. Dans certains cas, cette répartition parait s'expliquer par l'influence dominante d'un facteur écologique (luminosité, température, salinité, apports détritiques, nature du substrat, etc *** ). La répartition stratigraphique des Orbitolinidés montre qu'il est possible d'utiliser ces organismes pour caractériser les sous-étages Barrémien inférieur, Barrémien supérieur et Bédoulien. En effet, chacun d'entre eux correspond à une période pendant laquelle les populations d'Orbitolinidés restent stables alors que les limites des sous-étages correspondent au contraire à des périodes plus ou moins longues pendant lesquelles les populations se renouvellent assez massivement.