Aujourd’hui, un discours dominant affirme que le travail humanitaire est devenu dangereux. Face à l’insécurité croissante, les organisations humanitaires ont développé de nouvelles politiques de sécurité afin de mieux protéger le personnel et les infrastructures. En se fondant sur la sociologie des professions d’Abbott, ainsi que sur la théorie du pouvoir de Bourdieu, cette thèse propose une sociologie politique internationale de la professionnalisation de la sécurité humanitaire. Afin de combler les lacunes des explications et des critiques de la sécurité humanitaire, ce travail examine les conditions de possibilités à l’émergence d’un microcosme de professionnels. Du fait de cette transformation de la division du travail, les humanitaires considèrent désormais que certaines des populations les plus nécessiteuses se trouvent au-delà des limites raisonnables du sacrifice. En comparant le coût de la perte d’une « vie d’humanitaire » à la valeur potentielle du sauvetage des vies, les humanitaires participent à l’intensification des inégalités mondiales. Les humanitaires ne contentent plus seulement d’atténuer la souffrance de lointains étrangers, mais ils contribuent aussi à redéfinir la notion de « populations dans le besoin », en les étiquetant comme « populations dangereuses ». Ainsi, la mise en place de la sécurité comme sens pratique de l’humanitaire inverse les impératifs humanitaires fondés sur le sauvetage des vies et sur la défense d’une humanité partagée. Tout en contribuant aux débats sur la sécurité humanitaire, cette thèse participe également à faire avancer les études sur les élites transnationales, sur la sécurité et sur les organisations internationales. / In recent years, a dominant discourse has emerged asserting that humanitarian work has become a dangerous profession. In response to growing insecurity in the field, humanitarian organizations have developed new security policies to better protect humanitarian staff and infrastructures. Drawing from Andrew Abbott’s historical sociology of professions and Pierre Bourdieu’s social theory of power, this thesis proposes an international political sociology of the professionalization of humanitarian security. To address the shortcomings of normative-functionalist explanations and poststructuralist critiques of humanitarian security, this thesis examines the conditions of possibility fostering the emergence of a microcosm of humanitarian security professionals. As a consequence of this transformation in the division of humanitarian labor, humanitarian organizations now classify some of world’s neediest populations as beyond the limits of reasonable sacrifice. In the production of this exclusion, humanitarian actors reconstruct “populations in need” as “dangerous populations.” By weighing the cost of the loss of a “humanitarian life” against the potential value of saving the lives of needy others, humanitarian actors contribute to the intensification of global divides in their quest for a common humanity. In sum, the imposition of security as a humanitarian logic of practice is analyzed as a driving force of the inversion of the humanitarian imperative to save lives and act in defense of a shared humanity. Contributing to debates on humanitarian security, this thesis also advances the study of international organizations, security, and transnational power elites.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2017IEPP0033 |
Date | 01 December 2017 |
Creators | Beerli, Monique J. |
Contributors | Paris, Institut d'études politiques, Université de Genève, Bigo, Didier, Giugni, Marco |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | English, French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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