Les pressions de sélection exercées par les parasites ont permis l’évolution de mécanismes complexes de défense chez les espèces hôtes qui limitent la transmission parasitaire. En complément de leur système immunitaire physiologique, les animaux ont développé un « système immunitaire comportemental » comprenant un ensemble sophistiqué de stratégies d’évitement parasitaire représentant une première ligne de défense pour diminuer la probabilité de rencontre avec différents parasites. Cependant, ces stratégies comportementales n’ont été que peu étudiées chez les espèces de mammifères vivant en milieu naturel. Au cours de ma thèse, j’ai donc étudié les stratégies d’évitement parasitaire dans une population sauvage de mandrills (Mandrillus sphinx), un primate de l’Ancien Monde vivant dans les forêts denses équatoriales d’Afrique et soumis à de forces pressions parasitaires. Je me suis en particulier intéressée aux différentes stratégies comportementales qui ont évolué en réponse au risque de contamination par deux types distincts de parasites gastro-intestinaux présentant des traits d’histoire de vie et des modes de transmission contrastés : les nématodes, transmis par l’environnement, et les protozoaires, transmis par contacts sociaux. A partir d’observations récoltées sur le long-terme, de test expérimentaux et d’analyses chimiques, mes études ont mis en évidence deux stratégies comportementales différentes, soulignant le lien étroit entre l’écologie des parasites et la réponse comportementale des hôtes. D’une part, les mandrills évitent les matières fécales lorsqu’ils fourragent et évitent également les habitats précédemment contaminés par des nématodes fécaux émis lors de la dernière visite de ces habitats. D’autre part, les mandrills évitent de toiletter leurs partenaires sociaux parasités par des protozoaires fécaux, particulièrement autour de la zone anale. Cette stratégie comportementale s’avère être efficace puisque les individus parasités présentent des kystes infectieux de protozoaires sur leurs corps, concentrés au niveau de la zone anale, et la richesse en protozoaire des individus augmente lorsqu’ils toilettent des congénères très parasités. De plus, nous avons montré que cet évitement des individus parasités était guidé par un mécanisme olfactif : les protozoaires influencent l’odeur des matières fécales et les individus discriminent et évitent l’odeur des matières fécales provenant d’individus parasités. Cette plasticité comportementale face au risque parasitaire pourrait constituer un des mécanismes majeurs permettant aux espèces sociales de diminuer le risque accru de contamination associé à la vie en groupe. L’ensemble de nos résultats permettent de mieux appréhender les conséquences évolutives des pressions de sélection exercées par les parasites sur différentes caractéristiques socio-écologiques des animaux, tels que l’utilisation de l’espace et les comportements sociaux. / Parasite-mediated selection has driven the emergence of complex hosts’ defense mechanisms to limit the spread of parasites. In addition to their physiological immune system, animals have developed a “behavioral immune system” comprising a sophisticated set of parasite avoidance strategies that represents a first line of defense to decrease parasite encounter rates. However, behavioral adaptations to the threat of parasites have been poorly investigated in wild populations of mammals. In an attempt to fill this gap, during my PhD, I studied parasite avoidance strategies in a wild group of mandrills (Mandrillus sphinx), an Old World primate inhabiting dense equatorial rainforests of Africa and facing intensive parasite pressures in its natural habitat. In particular, I investigated the different behavioral strategies of defense that evolved to decrease contamination risk by two different classes of gastro-intestinal parasites exhibiting contrasted life-history traits and modes of transmission: environmentally transmitted nematodes and socially transmitted protozoa. Based on long-term observations, controlled experiments and chemical analyses, my studies document two distinct behavioral strategies emphasizing the close relationship between parasites’ ecology and hosts’ behavioral responses. On the one hand, mandrills exhibit fecal avoidance behavior when foraging and also avoid ranging in habitats previously contaminated with fecal nematodes released during the previous visit. On the other hand, mandrills avoid grooming social partners highly parasitized with fecal protozoa, particularly around the peri-anal area. This behavioral strategy appears to be operational because parasitized individuals harbor infectious protozoan cysts on their body, concentrated on the peri-anal region, and individual’s protozoan richness increases when grooming highly parasitized conspecifics. We further found that avoidance of parasitized individuals is guided by an olfactory mechanism, as protozoa influence the host’s fecal odor and mandrills discriminate and selectively avoid olfactory cues from individuals parasitized with protozoa. Such parasite-induced behavioral plasticity could be one of the major mechanisms allowing social species to cope with the increased risk of parasitism associated with group-living. Altogether, these findings shed light on the evolutionary consequences of parasite-mediated selection on several socioecological characteristics of animals, including space use and social behavior.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2016MONTT166 |
Date | 18 November 2016 |
Creators | Poirotte, Clémence |
Contributors | Montpellier, Charpentier, Marie |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | English |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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