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Le droit au respect des modes de vie minoritaires et autochtones dans les contentieux internationaux des droits de l'homme

La présente recherche a pour objectif d’expliquer et d’évaluer le processus d’émergence du droit au respect des modes de vie minoritaires et autochtones, qui se manifeste devant deux juridictions et une quasi-juridiction : les cours européenne et interaméricaine des droits de l’homme et le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, dont les jurisprudences feront l’objet d’une comparaison.
Un tel sujet soulève plusieurs questions, dont celles de savoir à quel stade de ce processus nous en sommes, quel est le niveau de juridicité de la norme, mais aussi, quelle est la signification de ce droit, quels en sont les apports et comment se produit sa mise en œuvre. En proposer une interprétation éclairée suppose d’évaluer la référence au concept de mode de vie faite par les requérants, les juges et les experts. Cette démarche implique d’avoir recours à l’interdisciplinarité, plus précisément à certaines études anthropologiques. Cela requiert également un examen du discours des juges, des experts et des requérants pour en observer les convergences et les décalages.
Quant aux résultats de recherche, le rôle de plusieurs acteurs au processus d’émergence de la norme nouvelle – les requérants, les juges ou les experts et les États – est souligné. Cela confirme la théorie de la polycentricité en matière de construction de certaines règles de droit international. La juridicité du droit au respect des modes de vie minoritaires et autochtones et sa force varient en fonction des systèmes, mais il possède toujours les caractéristiques propres à la norme juridique internationale. Cette dernière consacre un droit spécifique appartenant aux peuples autochtones et tribaux ou aux membres de peuples autochtones et minoritaires. Elle protège un rapport au territoire, soit un mode d’appréhension et d’exploitation, mais aussi de circulation et d’établissement sur celui-ci, ainsi que des activités.
Les requérants roms, tribaux ou autochtones participent, bien qu’officieusement, à la définition juridique de leurs modes de vie, puisque les requêtes qu’ils déposent devant les juridictions supranationales constituent le fondement des interprétations judiciaires. Malgré ce processus de codétermination, certains décalages persistent entre les positions des divers acteurs impliqués dans la détermination du sens de la norme. Ils sont liés à l’impossibilité pour les juges d’appliquer au cas d’espèce une protection de leurs modes de vie, à l’éloignement entre la position des requérants et celle de l’État défendeur ou encore à la protection des droits des tiers.
Une double surdétermination de la norme est donc constatée, par les conceptions des juges ou des experts, mais aussi par celles des requérants. Elle comporte certains risques d’essentialisation et d’idéalisation des modes de vie minoritaires et autochtones, de paternalisme, de victimisation ou de discrimination vis-à-vis des requérants ou de leurs communautés, sachant que ces risques sont tous à même de dénaturer le sens et la portée de la norme.
Pour autant, cette dernière est porteuse d’avancées théoriques. Celles-ci ont trait à la coexistence, au sein de territoires identiques, entre groupes aux identités différentes, à l’amélioration de la qualité de vie des requérants et au processus de reconnaissance.
La place occupée par la volonté des États, l’importance pour les juges de préserver leur légitimité, de même que le caractère idéaliste ou dogmatique de l’interprétation proposée, en limitent les apports théoriques.
Il ressort de cette réflexion que la bonne articulation des divers discours en présence et l’émergence d’une norme efficace tiennent d’abord à l’énonciation et à la clarté des revendications des requérants minoritaires et autochtones. Elles tiennent ensuite à la réceptivité des agents qui les reçoivent – juges et experts – ainsi qu’au contexte politique, social et culturel qui les entourent. Cette analyse met ainsi en évidence l’importance d’exploiter la marge de manœuvre dont dispose chaque acteur du processus d’émergence dans la détermination du sens et de la portée des normes. / This research aims to explain and evaluate the emergence of a right of minorities and indigenous peoples to the respect of their ways of life, appearing before the European court of human rights, the Inter-American court of human rights and the United Nations Human rights Committee. The decisions and communications stemming from these tribunals will be analyzed and compared.
This topic raises several questions regarding the legality of this norm, its meaning, effectiveness and limits, but also its implementation. In order to offer an interpretation of the content of that right, we need to evaluate the references made to it by the claimants, the judges and experts, which implicates an interdisciplinary approach focused on anthropological studies of law. This leads us to examine the discourses of judges, experts and claimants, to compare them and to observe their confluences and discrepancies.
The results of this study show us that the emergence of this new norm is dependent upon the intervention of several agents – the claimants, the judges, the experts of the Committee and the States. This observation therefore confirms the polycentric process of construction of international legal rules. As to the legality and the effectiveness of the right of minorities and indigenous peoples to their ways of life, they vary according to the legal system, even if this right always corresponds to a legal rule. This rule consecrates a specific right belonging to indigenous and tribal people or to the members of indigenous people and minorities. It protects a relationship to the territory, i.e. a way to comprehend and to exploit it, to circulate on it and to inhabitate it. It also protects some activities.
The indigenous, tribal and romas applicants unofficially take part in the legal definition of their ways of life, as the requests they submit to the international tribunals are cornerstones of judicial interpretations. In spite of a process of co-determination of the norm, gaps are observed between the positions of the different actors participating to the determination of the norm. They are either related to the impossibility for some judges to apply the right to a way of life to the case, to the distance between the positions of the claimants and the states, or to the protection of third parties.
Consequently, a process of double distortion of the content of the norm appears, due to the judges’ or experts’ conceptions, but also to those of the claimants. It leads to the emergence of several problems, such as essentialism and the idealization of minorities and indigenous ways of life, paternalism, victimization or discrimination towards the claimants or their communities. These problems can alter the meaning and the impact of the norm.
Nonetheless, the right to the respect of those ways of life has some theoretical effects related first to the coexistence, on a same piece of land, of different groups possessing diverse identities. They are also related to the improvement of the applicants’ quality of life and to the recognition process.
However, the State’s willingness still occupies a large space in international law, as does the importance, for judges, to protect their own legitimacy. Moreover, some decisions seem too ideal or dogmatic. Those factors limit the effect of the norm.
Thus, the articulation of judicial discourses and the efficiency of the norm are first contingent to the enunciation and to the clarity of the claimants’ requests. They are dependant of the receptivity of the agents whose role it is to receive them (judges and experts) and to the political, social and cultural context within which they take place. This last factor brings to light the importance for each agent participating to the elaboration of the norm to use, as much as he can, the margins he possesses. / Thèse de doctorat réalisée en cotutelle avec la Faculté de droit de l'Université Aix-Marseille 3.

Identiferoai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QMU.1866/4518
Date07 1900
CreatorsFarget, Doris
ContributorsGaudreault-Desbiens, Jean-François, Scoffoni, Guy
Source SetsLibrary and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypeThèse ou Mémoire numérique / Electronic Thesis or Dissertation

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