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Démocratie arithmétique, démocratie algébrique : Rousseau, la volonté générale et les petites différences

Depuis plus de 200 ans, la distinction rousseauiste entre volonté de tous et volonté générale est au cœur de toute théorie démocratique. Mais si Rousseau nous a légué comme tâche réflexive le travail de cette distinction fondatrice, la manière dont il l'a lui-même pensée est restée largement incomprise. La fameuse analogie mathématique à laquelle il fait recours brouille plus qu'elle n'éclaire la distinction qu'elle est censée introduire et illustrer : la volonté générale serait une intégrale, la somme algébrique des nombreuses petites différences des vouloirs individuels, la volonté de tous - la somme arithmétique des mêmes différences intersubjectives, leur découpage massif en petit nombre de grandes différences, sinon en grande différence unique. Si cette nébuleuse solution mathématique a brouillé bien des interprètes du Contrat social, c'est aussi parce qu'elle y est à son tour brouillée par trois autres pistes/solutions contradictoires : rustique (l'unanimité spontanée des troupes paysannes), épistémique (la majorité a toujours raison) et épistocratique (le Législateur). Cette thèse a pour objectif principal d'éclairer ce passage réputé impénétrable dans ses rapports à ces autres pistes. Le procédé algébrique (la volonté générale comme intégrale) doit être rigoureusement dégagé dans le raffinement de l'interprétation (lumineuse mais insuffisante) donnée par Philonenko (1968, 1984, 1986), son opérationnalisation comme procédure (à suivre dans une délibération possible), plus difficile encore à saisir vu que ni Rousseau ni Philonenko n'en disent un mot, doit être imaginée, pensée, construite - et ce, dans la confrontation avec les procédés/procédures arithmétiques propres à la volonté de tous et surtout avec les autres scénarios délibératifs, alternatifs et concurrents, présents dans le Contrat social. Mais résoudre le redoutable casse-tête rousseauiste de l'analogie mathématique n'a pas qu'un intérêt philologique. Une fois restituée, l'intuition inaugurale de Rousseau permet de resituer toute théorie démocratique post-Rousseau, à commencer par les deux tentatives actuelles (délibérative, épistémique) de dépasser la volonté de tous (libérale) pour retrouver une volonté générale formée discursivement ou/et condorcetienne. Confrontés à la distinction rousseauiste enfin comprise et surtout opérationnalisée, les débats en cours autour de la démocratie peuvent être replacés dans un horizon qui serait plus intimement le leur, repensés et relancés, sinon refondés - selon l'espacement oppositif de l'arithmétique et de l'algébrique.

Identiferoai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/19014
Date12 April 2018
CreatorsDobrescu, Radu
ContributorsLaforest, Guy
Source SetsUniversité Laval
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
Typethèse de doctorat, COAR1_1::Texte::Thèse::Thèse de doctorat
Format350 f., application/pdf
Rightshttp://purl.org/coar/access_right/c_abf2

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