L'influence du président de la commission du Sénat américain sur les Relations extérieures (Senate Foreign Relations Committee ou CSRE) a-t-elle inéluctablement diminué depuis 1945? Le président de la CSRE joue-t-il toujours un rôle déterminant dans la formulation et la conduite de la politique étrangère américaine? Ces questions animent plusieurs experts du Congrès des États-Unis et guident notre thèse. Décrivant l'expérience de quatre sénateurs qui ont occupé la tête de la CSRE depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, soit Arthur Vandenberg (1947-1949), J. William Fulbright (1959-1975), Jesse Helms (1995-2001) et Joe Biden (2007-présent), nous recourons à une approche récente de la politique intérieure américaine - l'étude du développement politique américain (American Political Development) - pour formuler trois conclusions à propos de l'influence du président de la CSRE sur la politique étrangère américaine après 1945. D'abord, les experts du Congrès ont tort d'affirmer que l'impact du président de la CSRE sur la politique étrangère n'a cessé de diminuer depuis 1945. Non seulement ces experts n'offrent-ils pas d'indicateurs précis pour mesurer le déclin du président de la CSRE, mais nos propres indicateurs et observations contredisent leur thèse linéaire et simpliste. Vandenberg, Fulbright, Helms et Biden se sont effectivement démarqués par rapport aux autres sénateurs qui ont occupé la tête de la CSRE depuis 1945, ce qui mine l'argument voulant que l'influence du président de la CSRE a décru de manière inéluctable. Ensuite, à l'aide d'une approche à trois niveaux d'analyse, nous utilisons les cas de Vandenberg, Fulbright, Helms et Biden pour développer une théorie de l'influence du président de la CSRE. À notre avis, les expériences de ces quatre sénateurs sont comparables et démontrent que les présidents de la CSRE qui marquent le plus l'histoire possèdent les trois caractéristiques suivantes, sans exception: a) ils dirigent la CSRE lors d'une période cruciale de la politique étrangère américaine, c'est-à-dire lorsqu'un événement international d'envergure les incite à s'imposer dans les débats à Washington (niveau international); b) ils oeuvrent dans un environnement institutionnel et sociétal qui favorise leur réussite (niveau national); et c) ils ont les intérêts, les aptitudes et les convictions nécessaires pour exercer un fort leadership au Congrès et face au président américain (niveau individuel). À notre avis, l'histoire se souvient moins des autres présidents de la CSRE parce qu'ils ne répondaient pas à un ou à plusieurs de ces critères. Qui plus est, notre thèse porte à croire que les présidents de la CSRE qui risquent le plus de marquer la politique étrangère à l'avenir sont également ceux qui rempliront ces trois conditions. Enfin, faisant la distinction entre les actions législatives (introduction de projets de loi et d'amendements, adoption des budgets, votes législatifs, etc.) et non législatives (apparitions télévisuelles, lettres au président américain, conférences publiques, etc.) du président de la CSRE, nous démontrons que les experts du Congrès ont tort de croire que l'influence législative des sénateurs est plus importante que leur influence non législative. Certes, l'influence législative permet au président de la CSRE d'exercer un poids plus significatif et direct sur la politique étrangère que les apparitions télévisuelles, sites Internet ou encore discours au Sénat. Or, les présidents de la CSRE n'ont pas le choix de recourir aux outils non législatifs pour garantir l'adoption de leurs projets de loi. L'influence non législative est donc un préalable à l'influence législative. À ce titre, Fulbright, Helms et Biden ont marqué l'histoire parce qu'ils ont su faire preuve d'innovation: ils ont créé de nouveaux outils non législatifs qui, comme les apparitions télévisuelles, les manoeuvres dilatoires et les apparitions sur Internet, ont permis au président de la CSRE de continuer à s'imposer dans les débats à Washington malgré l'avènement de la
« présidence impériale » et l'évolution du contexte socio-politique américain. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Congrès des États-Unis, Sénat des États-Unis, Commission du Sénat sur les Relations extérieures, Politique étrangère des États-Unis, Politique intérieure des États-Unis, Arthur Vandenberg, J. William Fulbright, Jesse Helms, Joe Biden.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QMUQ.1275 |
Date | January 2008 |
Creators | Gagnon, Frédérick |
Source Sets | Library and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada |
Detected Language | French |
Type | Thèse acceptée, PeerReviewed |
Format | application/pdf |
Relation | http://www.archipel.uqam.ca/1275/ |
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