De nombreux critiques avaient détecté chez Jean Giono (1895-1970) la présence d’un vide affectant non seulement le sujet de son oeuvre mais aussi sa poétique. L’ennui, cette « brusque et radicale conscience du rien », le mensonge qui « reconstruit un monde au-dessus de l’abîme » (R. Ricatte) ou bien encore le « travail des sensations » vécu comme un « barrage contre le vide » (S. Vignes) sont des effets parmi d’autres d’un manque et d’une absence déterminante. Le vide explique aussi l’anonymat et les lacunes biographiques de ses personnages, les nombreux blancs et silences, les ellipses narratives et sémantiques, les césures et les discontinuités narratives... Il ne suffisait cependant pas de reconnaître l’existence d’un vide, d’un manque originaire dans cette oeuvre. Il fallait encore connaître sa nature. De quoi le monde gionien est-il vide ? La réponse se trouve paradoxalement dans ce que l’auteur s’est efforcé de ne jamais décrire ou plutôt dans ce qu’il a toujours décrit « en blanc » (J. Giono). En nous penchant sur ce qui, dans ses romans, était toujours décrit sans l’être, nous nous sommes aperçus que rien ne manquait davantage que Dieu. Dieu brille par son absence dans son oeuvre. Il est celui qu’il se refuse à décrire positivement car il est pour lui « le néant absolu », « l’absence de tout » (J. Giono). La théologie imprimée dans ses romans est une ‘‘théologie blanche’’. Sa vision du monde et de l’homme est toujours, et très délibérément, sans dieu/Dieu. Comme le dit le narrateur du Déserteur à propos des peintures pieuses et des ex-voto de son personnage : « il n’y a pas de dieu dans tout ça ». En analysant l’oeuvre gionienne à la lumière de cette absence, quatre ensembles de romans se sont dégagés selon un ordre qui dépasse les distinctions classiques établies, d’une part, entre une première et une seconde « manières », d’autre part, entre le « Cycle du Hussard » et les « Chroniques romanesques ». Ces quatre ensembles romanesques sont autant d’itinéraires de l’homme sans dieu/Dieu. Nous avons distingué celui de « l’humanisme païen », celui de l’héroïsme sublime, celui tragique voire tragi-comique des hommes condamnés à la chute, celui enfin des « âmes fortes » qui veulent se faire dieux en l’absence de dieu/Dieu. L’immense « chasse au bonheur » dont l’oeuvre romanesque de Giono est l’expression a rapport avec le ciel, un ciel sans dieu/Dieu. / Many critics spotted in Giono’s novels (1895-1970) the presence of a kind of emptiness which affected both his main topic and his poetry. Boredom « this sudden and drastic consciousness of nothingness », lie « which rebuilts a world on top of despair » (R. Ricatte) or « the work of sensations » (S. Vignes) felt as « a barrier against nothingness » reflect a void and a defining absence among other effects. This emptiness gives an explanation to his characters’ anonymity and gaps in biography, to the many gaps and silences, narrative and semantic ellipses, narrative caesura and discontinuities. Acknowledging the existence of a void, of an original emptiness, was not enough, its specific nature must be defined. What is missing in Giono’s world ? What is his world made of ? Paradoxically speaking the answer lies in what the author struggled not to describe or more precisely in what he described « en blanc » (J. Giono). Analysing what is described in his novels without really being described, I have realized that the One who is missing is God. God is conspicuous by his absence in his works. He is the one he refuses to describe positively as he is « the absolute absence ». The theology expressed is a ‘‘white theology’’. His view of the world and his vision of mankind, are always and in their tiniest details a vision without God. As the narrator of Le Déserteur puts it when he alludes to his main character’s votive offerings : « God is absent from all this. » Studying Giono’s works in the light of this absence, four collections of novels emerged according to an uncommon classification : on the one hand between a first and a second « manner » and on the other hand between « le Cycle du Hussard » and « les Chroniques romanesques ». These four collections of novels are routes taken by mankind without God. I have set apart : « a pagan humanist » route, a « sublime heroic » route, the tragic if ever tragicomic route of mankind doomed to their downfall, the last one the route of « strong souls » who strive to turn gods without God. The huge « quest for happiness » which is at the heart of Giono’s novels is related to heaven but a heaven without God.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2019BOR30019 |
Date | 24 June 2019 |
Creators | Perrin, David |
Contributors | Bordeaux 3, Benoit, Eric |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
Page generated in 0.0026 seconds