Lorsqu'il parcourt l'Abrégé d'histoire de la littérature portative et Bartleby et compagnie d'Enrique Vila-Matas, le lecteur ressent un malaise à l'endroit des informations biographiques et historiques que ces œuvres contiennent. En effet, celles-ci présentent au lecteur certaines informations erronées. Ce mémoire pose l'hypothèse qu'un tel malaise vient de ce que ces textes seraient des mystifications et rend compte des moyens par lesquels elles adviennent. Le premier de ces moyens est l'hybridité générique constitutive des œuvres. Celle-ci est définie par la présence dans un même texte littéraire de plusieurs genres. Elle se manifeste surtout dans Bartleby et compagnie. Elle a lieu à travers la juxtaposition et la superposition des différents genres qui la forment. L'entrelacs des genres ainsi produit fait en sorte que le lecteur reste confus et ne parvient plus à distinguer les informations appartenant, d'une part, à la fiction et, d'autre part, au factuel. La mystification naît à ce moment.
La deuxième voie par laquelle la mystification prend forme est l'hybridité des discours. Elle se manifeste surtout dans l'Abrégé d'histoire de la littérature portative et se présente sous trois formes différentes. Elle est d'abord la présence dans un même énoncé de deux discours différents; elle s'apparente à la polyphonie telle qu'elle est présentée par Mikhaïl Bakhtine et reprise par Oswald Ducrot. La deuxième forme d'hybridité des discours se manifeste à travers l'abrégé en tant que genre du discours parasité par les genres littéraires. Enfin, c'est l'hybridité des discours propres à la fiction et au factuel qui produit la mystification : des informations volontairement erronées s'insèrent dans le discours factuel. Du coup, le lecteur reçoit ces informations mensongères comme vraies. Selon la définition qu'en donne Jean-François Jeandillou, pour qu'il y ait mystification, la victime doit s'apercevoir qu'elle a été jouée. Dans l'Abrégé d'histoire de la littérature portative, l'on est à même de repérer les traces de la mystification à travers le travestissement de certaines informations historiques et biographiques. Pris d'un doute sur leur authenticité, le lecteur cherche à les valider (ou à les invalider). Pour ce faire, il doit sortir du texte et interroger différentes sources. La mystification devient formatrice grâce à cet effort demandé au lecteur. Montrer qu'il y a mystification dans Bartleby et compagnie constitue une tâche plus difficile. En effet, il n'y a pas, comme dans l'Abrégé d'histoire de la littérature portative, d'indices probants d'un tel jeu. Bartleby et compagnie exploite une forme postmoderne de la mystification qui joue avec l'incertitude de son propre statut mystifiant. Le lecteur ne peut jamais savoir avec certitude s'il est devant une mystification. De telles mystifications redisent l'impossibilité pour la littérature et les discours de savoir (biographie, histoire) de rendre compte de la totalité du monde. Elles manifestent aussi le discours autoréflexif d'une littérature qui se dévalue elle-même. Elles redisent cependant tout le plaisir qu'il reste à fréquenter cet art.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Enrique Vila-Matas, Mystification, Hybridité générique, Hybridité discursive
Identifer | oai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QMUQ.4262 |
Date | 08 1900 |
Creators | Ouellet, Dominic |
Source Sets | Library and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada |
Detected Language | French |
Type | Mémoire accepté, NonPeerReviewed |
Format | application/pdf |
Relation | http://www.archipel.uqam.ca/4262/ |
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