Nous avons rencontré Augustin dans les Confessions , pour la première fois, au milieu des années 90.Nous avons été conquise par le style, le ton, mais ce qui nous a le plus frappée, c'est l'impression de transparence, d'authenticité qui s'en dégage. Cependant, des lectures subséquentes révèlent des contradictions, des emprunts et des omissions dérangeantes. Cette constatation nous a paru paradoxale, compte tenu qu'Augustin se pose lui-même comme chercheur de vérité. C'est pourquoi nous avons décidé que notre mémoire de maîtrise porterait sur Augustin et son rapport à la vérité. Il peut sembler un peu inhabituel de traiter d'un problème philosophique à partir d'une autobiographie. Une justification conjointe de la problématique et de la source s'imposait. Il est généralement admis qu'Augustin est le maître à penser de l'Occident, il est le seul Père de l'Église de son époque qui ait été l'auteur d'une école de pensée : l'augustinisme. Or, la recherche de la vérité est le domaine par excellence de la philosophie. Plusieurs philosophes de tous les temps admettent avoir été sous influence augustinienne. Lui-même a été influencé par la philosophie platonicienne et par le néoplatonisme, sans oublier les oeuvres de Cicéron. Il est donc, bien incontestablement, un philosophe. Par ailleurs, la teneur philosophique des Confessions est indéniable, bien qu'on lui assigne un classement d'autobiographie. Les neuf premiers livres sont plus évidemment autobiographiques, mais ils contiennent néanmoins beaucoup d'éléments philosophiques. Cependant, les trois derniers livres sont absolument philosophiques. Si donc, Augustin est un philosophe, s'il se proclame un chercheur de vérité et si, par ailleurs, il prend des libertés avec la vérité dans les Confessions , nous avons indubitablement un problème. On pourrait nous objecter que dans une autobiographie, malgré l'existence d'un pacte autobiographique, la vérité fait problème et cela pour plusieurs raisons : l'éloignement temporel, une défaillance de la mémoire, le désir de plaire, de se montrer autre que l'on est. Mais nous pensons qu'Augustin savait qu'il introduisait des distorsions dans son oeuvre et qu'il savait également pourquoi il le faisait. Augustin est un rhéteur. Il a enseigné la rhétorique pendant de nombreuses années. La rhétorique est l'art de persuader et les moyens pour le faire sont parfois discutables. Deux axiologies gouvernent la vie d'Augustin : l'ambition matérielle et le désir de réformer ses frères dans une perspective de salut. Nous pensons que le pragmatisme d'Augustin lui fait voir dans le catholicisme, le moyen de réaliser ses deux objectifs. Ambroise le convainc qu'il existe certaines similitudes entre le néoplatonisme et le christianisme et Augustin croit qu'une conversion au christianisme ne fera pas obstacle à son adhésion à la philosophie néoplatonicienne. Devenu prêtre et évêque d'Hippone, Augustin devra se conformer à la ligne de pensée du christianisme, participer à l'élaboration des dogmes et de l'orthodoxie catholique, assujettir la philosophie à la théologie chrétienne, dont il se fera le défenseur contre les hérésies. Cette charge de l'évêque d'Hippone et la responsabilité qui en découle lui interdisent de faire valoir son approbation et son attachement à la philosophie. Pour toutes ces raisons, nous pensons qu'Augustin a dit trafiquer la vérité, écrire entre les lignes, pour rejoindre un auditoire d'initiés dans une période de persécution tout en restant loyal envers l'Église.
Identifer | oai:union.ndltd.org:usherbrooke.ca/oai:savoirs.usherbrooke.ca:11143/5656 |
Date | January 2011 |
Creators | Bélisle, Liette |
Contributors | Valevicius, Andrius |
Publisher | Université de Sherbrooke |
Source Sets | Université de Sherbrooke |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Mémoire |
Rights | © Liette Bélisle |
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