Return to search

Designs des accords internationaux : la flexibilité institutionnelle dans les négociations à l'Organisation mondiale du commerce (OMC)

La flexibilité institutionnelle favorise-t-elle la coopération internationale? Le concept de flexibilité institutionnelle sert à décrire les caractéristiques qui rendent un accord international plus ou moins contraignant. Cette flexibilité peut prendre la forme d’exceptions négociées au sein d’engagements contraignants, de souplesse permise dans l’interprétation des règles ou de mécanismes échappatoires. La littérature dominante, raisonnant en termes fonctionnalistes, voit dans le recours à la flexibilité institutionnelle le moyen d’étendre la portée de la coopération internationale, en mettant l’accent sur la relation complémentaire entre engagements contraignants et non-contraignants. Il y aurait complémentarité institutionnelle lorsque l’objectif visé par l’adoption d’un instrument juridique non contraignant est d’interpréter ou d’appliquer des engagements fixés dans un accord contraignant. La flexibilité institutionnelle rendrait ainsi le système international plus stable, contribuant à l’avancement du droit international. Or, il y a lieu de se demander si le recours à la flexibilité, surtout dans un système international où interagissent de nombreux accords internationaux, ne contribue pas parfois à réduire la portée de la coopération internationale. Des études récentes ont tenté de démontrer que l’interaction entre instruments de niveaux de flexibilité différents peut également être « conflictuelle ». Une interaction institutionnelle conflictuelle s’observerait lorsque les normes portées par un accord non contraignant nuisent à l’effectivité des règles plus contraignantes. Le débat académique sur la relation complémentaire ou conflictuelle entre accords plus ou moins flexibles s’est surtout intéressé aux rapports entre traités au sein d’un même régime international. N’est-il pas possible de penser que, de la même manière qu’une interaction puisse être conflictuelle entre accords contraignants et non-contraignants, l’introduction de mécanismes de flexibilité puisse créer une interaction conflictuelle au sein d’un même accord? Cette thèse innove en cherchant à voir si l’introduction de mesures de flexibilité lors de la renégociation d’un accord existant peut mener au phénomène que nous appelons « la flexibilité conflictuelle intra-institutionnelle » en raison de l’introduction de normes opposables à celles qui sous-tendent le corpus institutionnel initial. Comprendre le mécanisme causal derrière ce phénomène nous permet d’expliquer pourquoi le recours à des mesures de flexibilité institutionnelle, supposé favoriser la coopération, peut, dans certains cas, mener jusqu’à l’échec des négociations. À l’approche fonctionnaliste dominante, nous opposons une approche distributive selon laquelle la participation accrue des puissances émergentes modifie les rapports de force et accentue la divergence des intérêts au sein des institutions internationales. Pour les nouvelles puissances émergentes qui désirent modifier les termes de coopération qui ont été décidés sans eux, le recours à la flexibilité intra-institutionnelle pourrait offrir un moyen peu coûteux de modifier le statu quo de l’intérieur, surtout si les possibilités de faire du forum shopping sont limitées en raison de l’absence d’autres options institutionnelles. Face aux puissances traditionnelles enclines à vouloir sauver des acquis inscrits dans un accord contraignant, le contexte de la renégociation d’un accord devient alors un site de contestation, ce qui pourrait expliquer, en partie, l’émergence de la flexibilité conflictuelle. Le cas des négociations sur l’agriculture à l’OMC nous permet d’analyser et de décortiquer le phénomène de la flexibilité conflictuelle intra-institutionnelle. Nous démontrons que les nouvelles mesures de flexibilité proposées par certains États lors des négociations sur l’agriculture de juillet 2008 avaient comme objectif de nuire à l’effectivité des principes de non-discrimination et du traitement national qui sous-tendent le régime commercial de l’OMC, contribuant ainsi à l’impasse de la Ronde de Doha. / Does institutional flexibility promote international cooperation? The concept of institutional flexibility is used to describe the features that make an international agreement more or less binding. This flexibility can take several forms, either as exceptions negotiated within binding agreements, flexibility in the interpretation of rules and commitments or special safeguard mechanisms. The dominant literature, reasoning in functionalist terms, sees the use of institutional flexibility as a way to expand international cooperation, thus making the international system more stable and contributing to the advancement of international law. However, some question if the use of institutional flexibility does not, at times, reduce the scope of cooperation, especially in an international system where many legal instruments interact. The dominant functionalist research program has focused on the “complimentary” interaction between binding and non-binding agreements. Soft law can be a complement to hard law when the purpose of a non-binding instrument is to lead to a harder legal agreement or when it is used to interpret commitments of binding instruments. Recent studies, however, have attempted to show that the interaction between binding and non-binding agreements can also be “confrontational”. Conflicting institutional interactions were observed when the standards which are carried by binding agreements are undermined by the principles underlying the non-binding instrument. This is especially true in an international context marked by the absence of a normative hierarchy for establishing what commitments take precedence over others. Institutional flexibility can therefore be called upon to play a role other than that of guide or precursor to hard law: sometimes it may undermine the effectiveness of more stringent rules. The academic debate on the complimentary or conflicting relationship between more or less binding agreements focuses on the interaction between treaties within an international regime. This thesis breaks new ground by seeking to see if the introduction of flexibility mechanisms during the renegotiation of an existing agreement can sometimes lead to a situation of intra-institutional conflictuality when new norms aim to change or reorient the legal provisions of the initial binding agreement. In the same way that an interaction may be conflictual between binding and non-binding agreements, could the introduction of flexibility mechanisms create a conflictual interaction between norms within the same agreement? A phenomenon we call “intra-institutional conflictual flexibility”. Understanding the causal mechanism behind this phenomenon allows us to explain why the use of institutional flexibility, supposed to promote cooperation, can in some cases lead to the failure of negotiations. I propose a distributive approach whereby the increased participation of the emerging countries on the international institutional stage modifies the balance of power and accentuates conflicts of interests. For the emerging economies who wish to modify terms of cooperation that were decided without them, the use of intra-institutional conflictual flexibility could offer a way to change the status quo at low cost, especially if they are limited in their ability of forum shopping because of the absence of other institutional options. For the traditional powers, likely to want to save the gains registered in a binding agreement, renegotiation becomes a site of potential conflict, which may explain in part the emergence of confrontational flexibility. The case of the negotiations on agriculture at the World Trade Organisation (WTO) allows us to analyze the phenomenon of intra-institutional conflictual flexibility. I demonstrate that the new flexibility mechanisms proposed by some States during the negotiations in July 2008 were intentionally used to undermine the effectiveness of two underlying principles of the WTO regime, namely national treatment and non-discrimination, hence contributing to the stalemate of the Doha Round negotiations.

Identiferoai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/28094
Date24 April 2018
CreatorsFontaine-Skronski, Kim
ContributorsBélanger, Louis, Ouellet, Richard
Source SetsUniversité Laval
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
Typethèse de doctorat, COAR1_1::Texte::Thèse::Thèse de doctorat
Format1 ressource en ligne (xii, 226 pages), application/pdf
Rightshttp://purl.org/coar/access_right/c_abf2

Page generated in 0.0171 seconds