L'aménagement du territoire est défini comme une action volontaire de l'État dans le but de planifier l'affectation du territoire, de contrôler les usages du sol, d'établir l'équilibre territorial et de répondre aux besoins de développement du territoire et des populations. Cependant, la pratique de l'aménagement du territoire évolue constamment, de même que les concepts et les politiques supportant la planification territoriale, la décentralisation et le rôle des collectivités territoriales, la participation des acteurs locaux et régionaux et l'élaboration des instruments d'intervention publique. Dans le contexte de la mondialisation et de la décentralisation, sous la houlette de la pensée néolibérale, les politiques publiques d'aménagement du territoire sont devenues plus conflictuelles, surtout quand elles sont appliquées sans la participation des acteurs sociaux. Ces pratiques, tout en générant de nouvelles inégalités spatiales, tendent vers un retour de l'emprise du pouvoir central et vers la mise en œuvre des politiques de non-aménagement du territoire, tacitement ou intentionnellement. Comme dans le cas anglais sous le gouvernement de la première ministre Margaret H. Thatcher, le non-aménagement du territoire, concept central de notre thèse, est interprété comme le démantèlement des institutions locales et infrarégionales d'aménagement du territoire, la dérèglementation du marché foncier, l'assèchement des moyens financiers octroyés par le pouvoir central aux collectivités territoriales et la marginalisation des espaces non convoités par le marché. Également, le non-aménagement est conceptualisé au prisme du jeu d'acteurs marqué par une vision dichotomique de l'espace national. Dans le cas d'Haïti, en considérant notre période d'étude allant de 1960 à 2017, les chercheurs se réfèrent généralement à l'absence de politique d'aménagement du territoire, de planification et d'urbanisation. Quant à nous, nous articulons notre recherche autour de la thèse centrale du non-aménagement. Nous définissons le non-aménagement du territoire, non comme une absence de politique, mais comme un choix volontaire de l'État haïtien mis en œuvre depuis le règne des Duvalier (père et fils) jusqu'aux années 2000, en dépit de l'adoption d'un cadre institutionnel et légal d'aménagement du territoire et en dépit de l'aggravation de la vulnérabilité des territoires et des populations. Et méthodologiquement, la région Nord d'Haïti a été choisie comme cas d'étude. À partir de l'approche qualitative, interprétative et phénoménologique, une enquête de terrain a été menée et dans treize (13) communes en comptant sur la participation de cent cinquante-neuf acteurs centraux, régionaux et locaux. Ces acteurs représentés par des maires, des membres des communautés ciblées et des experts de l'administration publique et de la société civile tant à Port-au-Prince que dans la région Nord d'Haïti, ont été rencontrés à travers les entretiens semi-directifs et les entretiens de groupe. Les résultats de l'enquête de terrain, ajoutés aux données documentaires, concordent à répondre positivement à la question de recherche, à savoir : de 1960 à 2017, est-ce qu'il n'y a jamais eu de véritables politiques publiques d'aménagement du territoire et de décentralisation en Haïti? En conclusion, il en résulte que la politique de non-aménagement du territoire haïtien est structurelle, chronique, spatialisée à tous les échelons territoriaux et administratifs et applicable aux autres régions du pays. Du règne des Duvalier (père et fils) à l'ère de la Constitution de 1987, le territoire a toujours été utilisé comme une ressource à des fins politiques et économiques en faveur du groupe ou du clan d'acteurs politiques au pouvoir et non à des fins de planification, d'aménagement et de satisfaction des besoins de la population. / Land use planning is defined as a voluntary action by the State with the aim of planning land use, controlling land use, establishing territorial balance and meeting the development needs of the territory and populations. However, the practice of spatial planning is constantly evolving, as are the concepts and policies supporting territorial planning, decentralization and the role of local authorities, the participation of local and regional actors and the development of public intervention instruments. In the context of globalization and decentralization, under the leadership of neoliberal thinking, public policies for spatial planning have become more conflictual, especially when they are applied without the participation of social actors. These practices, while generating new spatial inequalities, tend towards a return to the grip of central power and towards the implementation of policies of non-spatial planning, tacitly or intentionally. As in the case of England under the government of Prime Minister Margaret H. Thatcher, non-spatial planning, a central concept of our thesis, is interpreted as the dismantling of local and sub-regional spatial planning institutions, the deregulation of the land market, the drying up of the financial resources granted by the central government to local authorities, and the marginalisation of spaces not coveted by the market. Also, the non-development of the territory is conceptualized through the prism of the interplay of actors, marked by a dichotomous vision of the national space. In the case of Haiti, considering our study period from 1960 to 2017, researchers generally refer to the absence of a land use policy, planning and urbanization. For our part, we articulate our research around the central thesis of non-development. We define the non-development of the territory, not as an absence of policy, but as a voluntary choice of the Haitian State implemented since the reign of the Duvaliers (father and son) until the 2000s, despite the adoption of an institutional and legal framework for territorial planning and despite the worsening of the vulnerability of territories and populations. And, methodologically, the northern region of Haiti was chosen as a case study. Based on the qualitative, interpretative and phenomenological approach, a field survey was conducted in thirteen (13) municipalities with the participation of one hundred and fifty-nine central, regional and local actors. These actors, represented by mayors, members of the targeted communities, and experts from public administration and civil society both in Port-au-Prince and in the northern region of Haiti, were met through semi-structured interviews and focus group interviews. The results of the field survey, added to the documentary data, agree to answer positively the research question, namely: from 1960 to 2017, have there ever been real public policies for land use planning and decentralization in Haiti? In conclusion, Haiti's policy of non-development is structural, chronic, spatialized at all territorial and administrative levels and applicable to other regions of the country. From the reign of the Duvaliers (father and son) to the era of the 1987 Constitution, the territory has always been used as a resource for political and economic purposes in favor of the group or clan of political actors in power, and not for the purposes of planning, development and meeting the needs of the population.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/142764 |
Date | 26 April 2024 |
Creators | Bélizaire, Roland |
Contributors | Roy, Francis, Berthold, Étienne |
Source Sets | Université Laval |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | COAR1_1::Texte::Thèse::Thèse de doctorat |
Format | 1 ressource en ligne (xvii, 339 pages), application/pdf |
Coverage | Haïti -- Nord |
Rights | http://purl.org/coar/access_right/c_abf2 |
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