Ce travail articule ensemble une étude sociolinguistique et un travail d'analyse syntaxique s'inscrivant dans la ligne du modèle des lexiques-grammaires élaboré par M. Gross. La première partie montre que le français de Côte d'Ivoire est fruit d'une situation complexe dans laquelle sont entrées en contact diverses variétés de français (tirailleur, colonial, populaire urbain, standard de France contemporain, etc.) et les langues ivoiriennes (notamment le dioula et le baoulé, à la fois vernaculaires et véhiculaires, largement répandus), supports de représentations et de comportements cognitifs que ne véhicule pas le français standard de France. Actuellement, le français de Côte d'ivoire est en cours de "nativisation" (R. Chaudenson) et les représentations des Ivoiriens confirment sa vernacularisation : le français ivoirien ne suscite pas de jugement de valeur de la part de l'interlocuteur ivoirien francophone. Il fait ainsi l'objet d'une appropriation (G. Manessy) par la communauté ivoirienne. La représentation homogène du français de Côte d'Ivoire, malgré la pluralité de ses formes, tout comme la confusion fréquente du nouchi avec le français populaire ivoirien, montrent le degré de cette appropriation identitaire du français. La première partie permet de resituer nombre de restructurations mises en évidence dans la seconde partie qui porte sur la description syntaxique de faits relevant de plusieurs variétés, orales comme écrites. L'étude, menée dans le cadre de la grammaire transformationnelle harrissienne, en contraste avec le français de France, et avec le dioula et le baoulé examine la syntaxe du verbe et de la phrase simple, puis la syntaxe du nom. La plupart des spécificités syntaxiques du français de Côte d'Ivoire s'analysent comme des omissions ou des variations de mots grammaticaux, essentiels en français de France : complémenteurs, déterminants, pronoms, complémenteurs, prépositions. D'autres faits se présentent comme une extension à d'autres éléments de propriétés existant en français de France dans certaines constructions (locatives, moyennes ou neutres, adjectivales). Certains phénomènes, enfin, atteignent des zones invariantes dans les variétés occidentales de français. C'est le cas de la création du complémenteur pour introducteur de verbe à l'infinitif, de la préposition locative avec, de la forme pro-nominale pour suivi d'un nom. La comparaison avec la syntaxe des langues ivoiriennes montre qu'il est souvent difficile d'expliquer l'élaboration de la variation du français de Côte d'Ivoire : des facteurs intra- inter- et extrasystémiques sont mêlés. Ces analyses linguistiques confirment l'existence de règles syntaxiques propres et rendent ainsi visible une norme endogène systémique qui ne jouit d'aucune portée prescriptive officielle, mais est largement utilisée par des journalistes, enseignants, politiciens, et est souvent la seule référence pour les autres locuteurs. Cette approche vise à objectiver la norme ivoirienne du français, préparant ainsi sa possible standardisation.
Identifer | oai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00736883 |
Date | 11 June 2002 |
Creators | Boutin, Béatrice Akissi |
Source Sets | CCSD theses-EN-ligne, France |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | PhD thesis |
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