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Les 100 premières années de la charpenterie navale à Québec : 1663-1763

L'histoire de la charpenterie navale sous le régime français s'étend sur un siècle exactement: 1663-1763. Les premières activités de construction et de radoub de bâtiments de mer par des artisans charpentiers de navires sont enregistrés à partir de 1663 avec la venue des «charpentiers du roy» de Rochefort et de La Rochelle. Auparavant, seules des relations de voyage de missionnaires ou d'explorateurs font allusion à quelques embarcations de fortune fabriquées à la hâte par des ouvriers non qualifiés pour faire face surtout à des situations d'urgence. Entre 1663 et 1763 (cette dernière date correspondant à la cession de la colonie française aux autorités anglaises), trois phases déterminent le cheminement et l'évolution de l'industrie navale canadienne. La première période marquante débute sous l'intendance de Jean Talon. Plusieurs ouvriers canadiens vont profiter du séjour des maîtres charpentiers français à Québec pour parfaire leur éducation professionnelle maritime souvent amorcée au foyer. S'ensuit dans le dernier quart du XVIIe siècle une activité maritime axée principalement sur la fabrication de petits bâtiments - barque, chaloupe et «bateau plat» - pour répondre aux besoins du commerce domestique et de circulation des denrées et des troupes du roi à l'intérieur du continent. Le tournant du XVIII° siècle entraîne une deuxième étape significative pour l'économie maritime coloniale. La guerre de succession d'Espagne s'est répercutée jusque dans les colonies d'Amérique et commande la construction de frégates et de brigantins pour faire la chasse aux Anglais qui entravent le commerce en haute mer au large des côtes canadiennes. Cette période-tremplin permet aux charpentiers de navires canadiens d'accéder à un plus haut niveau de compétence technique et architectural. Pour la première fois, ils construisent des bâtiments de haute mer sans l'aide des spécialistes français. Forts de ce nouveau savoir acquis progressivement tout au long du conflit intercolonial qui prend fin avec le traité d'Utrecht en 1713, ils se permettent de varier leur production navale par la suite en fournissant, tant aux bailleurs de fonds locaux qu'étrangers, en plus des habituels bâtiments, des goélettes, corvettes et autres navires de trois cents tonneaux et plus pour le grand commerce. Avec l'ouverture prolongée des marchés français et surtout antillais, la colonie canadienne s'arrache à son isolement et conséquemment la construction navale privée connaîtra sa période la plus stimulante. Le dernier jalon déterminant survient au moment de l'implantation des chantiers navals de l'État à la Saint-Charles en 1738 et au Cul-de-Sac en 1747. Les effectifs maritimes locaux sont alors mis au service de la guerre. Pour la construction des flûtes de plus de 500 tonneaux de même que des vaisseaux de troisième ligne, la cinquantaine de charpentiers de navires de Québec seront appuyés, bien que de façon inconsistante, par des maîtres contractuels français plus au fait des dernières méthodes et connaissances navales. Moins de cent ans séparent les artisans pionniers fabriquants de chaloupes du XVII° siècle des maîtres constructeurs de bâtiments de mer du siècle suivant. Période suffisante pourtant pour caractériser les habitudes de travail, les procédés de construction à partir de l'outillage par exemple ou encore certains comportements professionnels et familiaux propres au milieu maritime colonial canadien. Attitudes et mentalités ne cessent d'évoluer et de s'adapter aux nouvelles situations sociales et professionnelles provoquées par les soubresauts conjoncturaux. Le contraste est manifeste entre le charpentier généraliste du XVII° siècle travaillant en solitaire sur une petite grève de Rivière du-Sud ou de l'Ile d'Orléans et le chef de chantier entrepreneur du XVIIIe siècle évoluant au sein d'une équipe multidisciplinaire dans l'un des chantiers de la basse-ville de Québec. Autant de différences dans les contraintes et exigences professionnelles engagent pour chacune des périodes une définition distincte du statut et de l'identité des artisans charpentiers de navires. La nature de la pratique fixe les choix d'un habitat de même que la place que ces derniers vont occuper dans la hiérarchie des travaux et des rôles en milieu de travail. Enfin, la forte hérédité professionnelle peut inciter les jeunes apprentis et compagnons hors caste à s'associer aux grandes familles de la charpenterie navale qui détiennent généralement le monopole des marchés maritimes les plus importants et les plus payants sur l'ensemble du territoire canadien. À cet effet, l'histoire professionnelle de la famille Badeau étalée sur trois générations de charpentiers de navires pratiquants entre 1680 et 1730 peut servir d'exemple. De 1663 à 1763, plus de cent vingt charpentiers de navires canadiens auront laissé suffisamment de traces de leur vécu économique, familial et professionnel pour autoriser une reconstitution conforme et ponctuelle de l'industrie navale tant royale que privée fournissant ainsi un volet indispensable à la compréhension globale de l'économie maritime coloniale canadienne sous le régime français. / Québec Université Laval, Bibliothèque 2013

Identiferoai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/28892
Date25 April 2018
CreatorsBrisson, Réal
ContributorsMathieu, Jacques
Source SetsUniversité Laval
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
Typemémoire de maîtrise, COAR1_1::Texte::Thèse::Mémoire de maîtrise
Formatviii, 412 f., application/pdf
CoverageQuébec (Province), 17e siècle., 18e siècle.
Rightshttp://purl.org/coar/access_right/c_abf2

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