Pour assurer leur survie, les plantes ont développé au cours du temps une gamme de mécanismes de défense leur offrant une protection contre plusieurs organismes herbivores. Un de ces moyens de défense consiste à produire des inhibiteurs de protéases de classes variées, incluant les cystatines, actives contre les protéases digestives de type cystéine utilisées par plusieurs herbivores (Haq et al, 2004). Chez les plantes, les cystatines sont impliquées dans plusieurs processus importants incluant l'organogenèse, la mort cellulaire programmée, le recyclage des protéines de réserve et la défense directe contre les insectes herbivores (Arai et al, 2002; Belenghi et al, 2003). Des travaux récents réalisés dans notre laboratoire ont permis de détecter au niveau moléculaire des événements de sélection positive documentant l'évolution des cystatines végétales (Kiggundu et al, 2006). Les données obtenues indiquaient que des mutations survenant à certains sites des gènes cystatine pourraient permettre de générer une grande variabilité fonctionnelle utile pour l'inhibition des protéases digestives des herbivores. D'un point de vue biologique, l'existence de ces régions hypervariables chez les cystatines serait vraisemblablement un processus clé expliquant l'évolution adaptative de ces protéines au cours du processus de coévolution entre la plante hôte et ses ennemis herbivores (Rausher, 2001). Dans le cadre de ce travail, nous avons formulé une première hypothèse selon laquelle l'existence de régions hypervariables chez les cystatines végétales, expliquée par un processus de sélection positive, favorise la génération de diversité fonctionnelle contre les protéases de type cystéine. En complément, nous avons aussi posé l'hypothèse selon laquelle cette diversité fonctionnelle pourrait permettre la génération d'inhibiteurs de protéases à la fois plus efficaces contre les protéases digestives des insectes et moins actifs contre les protéases endogènes de la plante. Des variants cystatine mutés à des sites hypervariables ont été développés en utilisant comme modèle la 8'^ unité de la multicystatine de tomate, S'/CYSS. La multicystatine de tomate, d'une masse moléculaire de 88 kDa, comprend huit unités fonctionnelles pouvant lier la papaïne, une protéase modèle de type cystéine (Wu and Haard, 2000). Pour nos travaux, trois codons identifiés statistiquement comme étant soumis à la sélection positive et deux codons soumis à la sélection neutre ont été soumis à la mutagenèse dirigée. Les variants correspondants ont été ensuite exprimés chez E. coli et purifiés à l'aide du système d'expression glutathione S-transférase (Michaud et al, 1994). Leur activité inhibitrice a été mesurée par fluorimétrie contre différentes protéases modèles de type cystéine d'intérêt médical, industriel ou agricole. Le potentiel d'inhibition des variants iS/CYS8 a aussi été testé par fluorimétrie contre les protéases endogènes de la pomme de terre et les protéases digestives de larves de doryphores de pomme de terre. Ce ravageur important en agriculture utilise une panoplie de protéases digestives, certaines sensibles, d'autres insensibles aux cystatines végétales. En bref, l'analyse des différents variants 5/CYS8 a permis de confirmer que l'existence de sites hypervariables chez les cystatines était corrélée à une diversification fonctionnelle de ces inhibiteurs contre les protéases modèles étudiées. Nos analyses ont aussi permis de mettre en évidence certaines contraintes pour la sélection positive, liées notamment aux altérations structurales et chimiques créées par certaines mutations. Suite aux résultats obtenus dans la première partie du projet, nous avons voulu vérifier si cette variabilité fonctionnelle pouvait s'appliquer à un système biologique d'intérêt agronomique, en l'occurrence, l'interaction doryphore/pomme de terre. En combinant les résultats des différents tests effectués, nous avons pu confirmer que certains inhibiteurs montraient effectivement une activité accrue contre les protéases de l'insecte tout en montrant une activité diminuée contre les protéases endogènes de la plante. Cette nouvelle stratégie d'amélioration moléculaire, combinée à d'autres stratégies comme la confection d'inhibiteurs de protéases hybrides, pourrait s'avérer très prometteuse dans les années à venir pour le développement d'outils utiles en phytoprotection. D'une manière plus générale, la variabilité fonctionnelle générée par mutagenèse des cystatines à des sites soumis à la sélection positive confirme l'utilité possible de modèles évolutifs statistiques pour l'amélioration dirigée des protéines de défense.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/19130 |
Date | 12 April 2018 |
Creators | Goulet, Marie-Claire |
Contributors | Michaud, Dominique |
Source Sets | Université Laval |
Language | English |
Detected Language | French |
Type | mémoire de maîtrise, COAR1_1::Texte::Thèse::Mémoire de maîtrise |
Format | xi, 87, x f., application/pdf |
Rights | http://purl.org/coar/access_right/c_abf2 |
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