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Implications éthiques, sociales et légales de l'épigénétique : perspectives rhétorique, dialectique et réflexive sur l'application des connaissances scientifiques

Cette thèse a été réalisée dans le cadre d'une formation doctorale en bioéthique au département de médecine sociale et préventive à l'École de santé publique de l'Université de Montréal (ESPUM). Elle a été complétée grâce au soutien financier des Fonds de recherche du Québec - Santé (FRQS) et des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). / L’épigénétique est un champ de recherche qui s’intéresse aux variations dans l'activité des gènes n’impliquant pas de modification de la séquence d'ADN et pouvant être transmises lors des divisions cellulaires. Les chercheurs dans ce domaine se penchent principalement sur le rôle de changements très précis dans la structure 3D de l’ADN, qui sont imposés par la méthylation de l’ADN et d'autres réactions biochimiques et qui ont pour effet de contraindre ou de faciliter la lecture des gènes en fonction du besoin des cellules. De nombreuses maladies ont été associées à une perturbation des mécanismes épigénétiques, comme les cancers, les maladies cardiovasculaires, les désordres hormonaux et métaboliques, les maladies inflammatoires chroniques et les troubles neuropsychologiques.
Au cours des quinze dernières années, l’épigénétique a connu un essor fulgurant. Elle fut particulièrement propulsée par la recherche en épigénétique environnementale, une spécialité qui s’intéresse aux causes externes de l’altération des mécanismes épigénétiques. Cette branche de la recherche a récemment suscité une vive attention de la part des médias et des chercheurs en sciences sociales et humaines, parce qu’elle met en évidence, au niveau moléculaire, l’influence critique de l’environnement physico-chimique et psychosocial des personnes sur leur santé. Elle apporte ainsi un éclairage supplémentaire sur la relation étroite qui existe entre les inégalités sociales et les inégalités de santé. L’épigénétique environnementale pourrait donc nous encourager, non seulement à imaginer des technologies biomédicales capables de renverser les perturbations acquises, mais aussi à élaborer des stratégies de santé publique préventives, soucieuses des considérations de justice sociale qui affectent la santé des personnes et des populations.
Dans cette thèse, nous proposons une exploration des implications éthiques, légales et sociales de l’épigénétique (EpigELS). Nous présentons d’abord une revue exhaustive des différentes observations, interprétations et spéculations exprimées dans la littérature en sciences sociales et humaines au sujet des conséquences épistémologiques et normatives de ce jeune champ de recherche. Nous procédons ensuite à une analyse en trois temps de l’application des connaissances. Une première approche, que nous appelons la perspective rhétorique, fait la promotion de l’épigénétique environnementale comme plaidoyer en faveur de politiques de santé préventives et de l’expansion de la bioéthique nord-américaine pour y inclure les préoccupations environnementales et les enjeux relatifs aux déterminants sociaux de la santé (article 1). Une seconde approche, que nous appelons la perspective dialectique, offre un regard critique sur l’attribution de responsabilités morales fondée sur les découvertes en épigénétique. Elle démontre toute la complexité de cette entreprise en faisant la lumière sur les incertitudes scientifiques et les contradictions internes apparentes de ce champ d’étude, spécialement autour des concepts de norme épigénétique et de plasticité épigénétique (article 2). Une troisième approche, que nous appelons la perspective réflexive, se penche sur l’influence potentielle du paysage biopolitique contemporain – molécularisation de la santé et biomédicalisation de la vie – sur l’application des connaissances. Dans ce ‘régime de vérité’ néolibéral, qui favorise les processus d’internalisation, d’isolement, de marchandisation et de technologisation, il est probable que l’application clinique des découvertes en épigénétique soit injustement privilégiée, par défaut, au détriment de leur application en politiques de santé préventives (article 3). Nous terminons par une ouverture sur l’avenir du domaine EpigELS et une brève discussion sur la nature en partie interprétative du processus de passage des connaissances à la pratique. / Epigenetics is a field of research focusing on variations in gene activity that do not involve changes in the DNA sequence and that can be transmitted during cell divisions. Researchers in this field are studying the role of very precise changes in the 3D structure of DNA, imposed by DNA methylation and other biochemical reactions, that impede or facilitate the reading of genes depending on the need of the cells. Many diseases are associated with a disruption of epigenetic mechanisms, such as cancers, cardiovascular diseases, hormonal and metabolic disorders, chronic inflammatory diseases and neuropsychological disorders.
Over the past fifteen years, epigenetics has grown rapidly. It was particularly propelled by research in environmental epigenetics, which is interested in the external causes of the alteration of epigenetic mechanisms. This branch of research has recently attracted considerable attention from the media and researchers in social sciences and humanities because it highlights, at the molecular level, the critical influence of the physico-chemical and psycho-social environment on people’s health. It also sheds additional light on the close relationship between social inequalities and health inequalities. Thus, environmental epigenetics could encourage us not only to conceive biomedical technologies capable of reversing the acquired detrimental variations, but also to develop preventive public health strategies that take into account social justice considerations affecting the health of individuals and populations.
In this thesis, we propose an exploration of the ethical, legal and social implications of epigenetics. We begin by presenting a comprehensive review of the various observations, interpretations and speculations expressed in the social sciences and humanities literature about the epistemological and normative consequences of this young field of research. We then proceed to a three-step analysis of knowledge translation. A first approach, that we call the rhetorical perspective, promotes environmental epigenetics as an advocacy tool for preventive health policies and the expansion of North American bioethics towards a view that includes environmental concerns and social determinants of health (Article 1). A second approach, that we call the dialectical perspective, offers a critical look at the assignment of moral responsibilities based on epigenetic discoveries. It demonstrates the complexity of this endeavor by shedding light on the scientific uncertainties and apparent internal contradictions of this field of study, especially with regards to the notions of epigenetic normality and epigenetic plasticity (Article 2). A third approach, that we call the reflexive perspective, examines the potential influence of the contemporary biopolitical landscape – molecularization of health and biomedicalization of life – on knowledge translation. In this neoliberal ‘regime of truth’, which favors the processes of internalization, isolation, commodification and technologization, it is likely that the clinical translation of epigenetics will be unduly privileged, by default, impeding its translation into important preventive health policies (Article 3). We conclude with a view towards the future of the field of EpigELS and a brief discussion on the partly interpretive nature of the knowledge-to-practice process.

Identiferoai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/19325
Date03 1900
CreatorsDupras, Charles
ContributorsRavitsky, Vardit
Source SetsUniversité de Montréal
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypeThèse ou Mémoire numérique / Electronic Thesis or Dissertation

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