L’essor de la discipline bactériologique est l’un des phénomènes les plus célébrés de l’historiographie médicale. Les approches qu’ont empruntées les historiens pour aborder le sujet depuis le tournant du XXe siècle se sont progressivement modifiées pour passer, le plus souvent, d’une interprétation endogène des développements de la science, où les concepts, les théories, les méthodes de la médecine sont perçus comme se développant isolément du contexte social dans lequel ils s’insèrent, à l’approche inverse, sociologique, où chacune des facettes de l’entreprise médico-scientifique est influencée par son milieu dans une interaction où les instances publiques, gouvernementales et professionnelles impliquées par les projets de médicalisation, formant une dynamique impassible, modifient le cours de chaque aspect de l’histoire médicale. Mais, en dehors des éléments professionnels, le développement de la pensée médico-scientifique est-il invariablement subjugué par cette dynamique sociale ? L’idéal de scientificité prôné par les médecins, formant un archétype dans lequel la rigueur du professionnel doit être isolée de ces facteurs extrinsèques n’est-il pas en mesure d’avoir conféré aux démarches médico-scientifiques une stabilité authentique vis-à-vis les fluctuations de l’environnement sociopolitique et professionnel dans lequel elles s’inscrivent ?
Cette étude répond à ce questionnement par l’analyse exhaustive du discours défini par les périodiques médicaux du Québec entre 1840 et 1880. Elle s’articule sur deux développements inédits : l’un qui présente les assises méthodologiques de la vérification, c’est-à-dire la définition de l’archétype médical, son rôle dans la légitimation professionnelle, les critères de scientificité qu’il détermine de même qu’une typologie du discours qu’il permet d’inférer ; l’autre, ses résultats. L’étude montre que l’archétype décrit par le corps médical québécois, loin de n’être qu’un outil discursif par lequel la profession a pu être socialement reconnue au XIXe siècle, exerça une influence déterminante sur la formation de l’attitude professionnelle à l’égard des nouveautés étiologiques présentées par les pionniers de la bactériologie. En plus de dévoiler la trame exacte du développement de la pensée étiologique au Québec, la thèse souligne la complémentarité des approches internes et externes de l’historiographie médicale. Elle contribue ainsi à une représentation plus juste des processus à l’oeuvre dans le développement scientifique. / The rise of bacteriology is one of the most celebrated phenomenon in medical historiography. Historian’s approaches taken to address the issue since the turn of the twentieth century were gradually modified to pass, most often, from an endogenous interpretation of scientific development, where medical concepts, theories, and methods are seen as developing in isolation from the social context in which they occur, to the opposite, sociological approach, where every element of the medical-scientific enterprise is rather seen as being influenced by its context in an interaction by which the public, governmental and professional instances involved in medicalization, forming an impassive dynamic, change the course of every aspect of medical history. But beyond the professional elements, is the development of medical and scientific thought invariably subjugated to this social dynamic? Could not the ideal of scientificity advocated by doctors, forging an archetype in which professional rigor is meant to be isolated from these extrinsic factors, confer to the medical and scientific endeavor a genuine stability towards fluctuations in the socio-political and professional environment in which they evolve?
Our study addresses these questions by the exhaustive analysis of the discourse defined by the Quebec medical journals between 1840 and 1880. It is based on two new developments, one that presents the methodological foundations of the audit - that is to say, the definition of the medical archetype, its role in professional recognition, the scientific criteria that it determines, and a typology of discourse that can be inferred from it - and the other, the results. The study shows that the archetype described by the Quebec medical profession, far from being solely a discursive tool by which the profession has been socially recognized in the nineteenth century, exerted a decisive influence on the formation of the professional attitude towards etiological novelties presented by the pioneers of bacteriology. Thus, in addition to revealing the exact framework of the development of causal thinking in Quebec, the thesis shows the complementarity of internal and external approaches to medical historiography. It contributes to a fairer representation of the processes at work in scientific development.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/10216 |
Date | 06 1900 |
Creators | Beaudry, Louka |
Contributors | Ruelland, Jacques G. |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Thèse ou Mémoire numérique / Electronic Thesis or Dissertation |
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