Depuis les années quatre-vingt-dix et le succès croissant du Festival Etonnants Voyageurs, Nicolas Bouvier est devenu l’incarnation d’un art de voyager, et son premier livre, L’Usage du monde, s’est imposé comme un nouveau classique du genre viatique. Mais la critique sur son œuvre est encore très parcellaire, notamment parce qu’elle tend à se cantonner aux récits de voyage sans exploiter tout le corpus d’essais, à caractère historiographique ou iconographique, qui constitue une part essentielle de son œuvre. Car l’exploration du monde et celle des bibliothèques constituent les deux faces complémentaires d’un usage du savoir que ce travail de thèse se propose d’étudier, notamment grâce aux carnets inédits qui apportent un précieux éclairage sur sa méthode de travail, ses influences et ses conceptions. Dans une perspective épistémocritique, l’usage du savoir désigne à la fois la façon dont l’écrivain se positionne face à l’ignorance et à la connaissance, et le rapport qu’il entretient avec les savoirs extérieurs à la littérature. S’il fait l’éloge du non-savoir pour mieux recevoir les leçons de la route et tenir à distance, comme Montaigne et Michaux, le pédantisme et le dogmatisme, Bouvier n’en conçoit pas moins son œuvre comme une somme encyclopédique. Sans prétendre à l’autorité du spécialiste, il réinvestit la fonction épistémique que le romantisme avait évacuée du récit de voyage pour transmettre un savoir sur le monde issu de ses lectures et de ses observations, et contribue ainsi au rapprochement entre littérature et sciences humaines qui s’opère depuis plusieurs décennies : son rapport subjectif et spontané à l’histoire, à la géographie et à l’ethnologie témoignent de la capacité de la littérature à « fai[re] tourner les savoirs », sans en « fétichis[er] aucun », selon la formule de Barthes. / Since the 1990s and the increasing success of the Étonnants Voyageurs Festival, Nicolas Bouvier has become the incarnation of the art of travelling, and his first book, L’Usage du Monde (The Way of the World), has established itself as a contemporary classic of the travelogue. But the critique of his writings is still very fragmentary, particularly because it tends to confine them to travel writing, without exploiting the entire corpus of historiographic and iconographical essays, which constitute an essential part of his work. The exploration of the world and that of libraries form two complementary sides of a use of knowledge that this PhD dissertation proposes to examine, especially through unpublished notebooks, which shed valuable light on Bouvier’s working methods, influences and conceptions. In an epistemocritical perspective, the use of knowledge designates both the way in which the author positions himself faced with ignorance and knowledge, and the relationship he maintains with knowledge outside literature. Although he lauds ‘not knowing’ to better learn along the way and to keep pedantry and dogmatism at a distance, like Montaigne and Michaux, Bouvier nonetheless conceives his work as an encyclopaedic whole. Without claiming to be a special authority, he reinvests the epistemic function that Romanticism had drained from travel writing to transmit knowledge about the world from his readings and observations. He thus contributes to the coming together of literature and human sciences that has been occurring over several decades: his subjective and spontaneous relationship to history, geography and ethnology attests to literature’s capacity to “make knowledge go around”, without “fetichising any of it”, according to Barthes’ expression.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2018LYSE3040 |
Date | 28 September 2018 |
Creators | Bischoff, Liouba |
Contributors | Lyon, Hilsum, Mireille, Maggetti, Daniel |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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