Return to search

L'influence des médiations discursives et visuelles du bioart sur la constitution, le fonctionnement et la réception des oeuvres / The influence of the discursive and visual mediations of the bioart on the constitution, the functioning and the reception of the works

Comment expliquer la présence invasive des documents encadrant la circulation du bioart et leur influence sur la constitution, le fonctionnement et la réception des œuvres, alors que ce courant partage avec les arts vivants ou le body art une dimension live, incarnée et performative qui impliquerait une réception directe et non médiate de la part de l’audience ? Car si la documentation semble servir à compenser la rareté des expositions de bioart en assurant aux œuvres une visibilité médiatique, elle paraît aussi nécessaire sur leurs lieux d’accrochage pour garantir l’efficacité de leur réception directe, en paramétrant l’expérience sensible éprouvée par l’audience. En effet, d’abord produite par les artistes puis reprise par divers commentateurs, la documentation discursive et visuelle du bioart se compose d’une variété de déclarations, d’entrevues, de commentaires et de discours théoriques accompagnés d’illustrations des œuvres qui sont publiées dans les catalogues d’expositions, les revues spécialisées, la presse ou bien encore sur les sites Internet des artistes. Ainsi, si, à travers leurs récits, les artistes trouvent l’occasion d’en dire plus sur leurs créations, en dévoilant leurs recettes de fabrication et leurs démarches, les intentions qui les poussent à s’approprier les biotechnologies constituent l’argument principal prélevé par les discours d’experts qui visent à interpréter leurs sens au-delà de leurs qualités formelles, en valorisant leurs significations symboliques. Les images produites par les artistes sur leur travail illustrent aussi cette volonté de rattacher l’œuvre bioartistique à un sens caché. Pourtant, malgré la présence manifeste de ce réseau de significations véhiculé par la documentation autour des œuvres, c’est en fonction de leurs propriétés formelles intrinsèques que certains experts défendent l’intérêt d’en faire la perception sensible. En l’occurrence, selon le commissaire Jens Hauser (2008), le bioart devrait être expérimenté sur un mode phénoménologique de « co-corporéité » parce qu’il va « au-delà de la représentation » pour produire des « effets de présence » à travers la mise en scène performative de « bioartefacts » (Andrieu, 2008). Mais l’auteur ajoute que l’efficacité de cette expérience «co-corporelle» repose néanmoins sur une médiation verbale «liminale» placée entre le bioartefact et le spectateur pour l’informer des processus sous-jacents et imperceptibles que met en œuvre l’artiste. Du coup, bien que le bioart soit valorisé pour l’expérience esthétique inédite procurée par sa dimension biofactice, il paraîtrait que sans l’aide des documents, ses prestations resteraient sans effet sur l’audience. En partant de l’hypothèse qu’il existe un lien de dépendance entre les prestations bioartistiques et leur documentation pour structurer et garantir ainsi l’efficacité de leur réception comme œuvres d’art, cette thèse explore la dynamique qui s’instaure entre les médiations langagières et visuelles du bioart et les œuvres auxquelles elles réfèrent à travers des approches médiatiques et empiriques. Les résultats montreront que malgré sa sortie du paradigme mimétique et le processus de « rematérialisation » qu’il engage dans l’histoire de l’art (Hauser, 2008), le bioart détient un fonctionnement esthétique proche de celui de l’art dématérialisé parce que l’expérience qu’il génère ne dépend pas directement des propriétés esthétiques intrinsèques des prestations mais du réseau extrinsèque de significations qui leurs sont attribuées et par l’intermédiaire desquelles leurs compositions tangibles et symboliques en tant qu’œuvres d’art sont dévoilées au spectateur. Le fait que les prestations bioartistiques aient besoin du document pour véhiculer leur principe d’intelligibilité à l’audience remet donc en cause leur autonomie en tant qu’œuvres dotées de propriétés esthétiques intrinsèques et matérielles, et ébranle la croyance qui privilégie l’expérience phénoménologique de cette forme d’art. / How can we explain the presence of documentation surrounding the circulation of bioart and its influence on the constitution, functioning and reception of the works, whereas this artistic movement shares with living and body art a live, embodied and performative dimension implying a direct and unmediated reception from the audience ? Because if documentation seems to be used to offset the scarcity of bioart exhibitions by ensuring media visibility, it also seems necessary to guarantee the effectiveness of its direct reception by configuring the experience felt by the audience.In fact, first produced by the artists and then taken up by various commentators, discursive and visual documentation of bioart comprises a variety of statements, interviews, commentaries and theoretical discourse with illustrations of works, published in exhibition catalogs, magazines, press reviews or even on the websites of the artists. Thus, if, through their narratives, artists find an opportunity to say more about their creations, revealing their recipes and artistic approaches, the intentions which impel them to appropriate biotechnology is the main argument taken by the experts in their discourses which aim to interpret the meaning of their works beyond their material qualities, by increasing their symbolics meanings. Pictures of works produced by artists also illustrate this wish to link them to a hidden meaning. But, despite the obvious presence of this network of meanings carried by the documentation about the works, some experts believe that bioart’s interest is based on its intrinsic and formal properties. For instance, according to the curator Jens Hauser (2008), bioart should be experienced in a phenomenological way of «co- corporeality» because it goes «beyond representation» to produce «effects of presence » through the performative staging of « bioartefacts » (Andrieu, 2008). But the author adds that the effectiveness of this « co-corporeal » experience is based on a « liminal » verbal mediation between the viewers and the bioartefact, to inform them about the underlying and imperceptible processes implemented by the artist. So, although bioart is valued for the unusual aesthetic experience provided by its bioartificial dimension, it seems that it would have no effect on the audience without the documents.On the assumption that there is interdependence between bioartistical works and their documentation to structure and ensure the effectiveness of their reception as works of art, this thesis will explore through media and empirical approaches, the dynamics that take place between the mediation of bioart and the works to which they refer. The results will show that, despite its exit from the mimetic paradigm and the process of "re-materialization" it engages in art history (Hauser, 2008), bioart works similarly to dematerialized art, because the experience it generates does not rely on the intrinsic aesthetic properties of its productions, but on the extrinsic network of meanings assigned to them and through which their tangible and symbolic compositions as works of art are unveiled to the viewer. The fact that bioartistical works need documents to convey their principles of intelligibility to the audience and to become works of art calls into question their autonomy as artworks with intrinsic aesthetic and material properties, and it unsettles the belief which overvalues a phenomenological approach to this art form.

Identiferoai:union.ndltd.org:theses.fr/2013NICE2010
Date14 January 2013
CreatorsBugnicourt, Flore
ContributorsNice, Université du Québec à Montréal, Hillaire, Norbert
Source SetsDépôt national des thèses électroniques françaises
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypeElectronic Thesis or Dissertation, Text

Page generated in 0.0031 seconds