En 1864, le Syllabus opposait l’intransigeance romaine aux principes fondateurs de la société moderne. Le concile du Vatican de 1870, en exaltant la figure du pontife, souverain infaillible, seul rédempteur envisageable face à un monde en perdition, cristallise ces oppositions. En France, les catholiques se trouvent dans une position délicate. Si l’avènement de Léon XIII et sa politique de conciliation tendent à apaiser les tensions, du côté du gouvernement républicain désireux de s’inscrire dans la durée, on entend achever l’œuvre de la Révolution en faisant triompher les principes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Mais, dans le pays, nombreux sont ceux qui espèrent encore une restauration monarchique, seul rempart contre l’anarchie et l’athéisme grandissants. L’affrontement entre ces deux entités, l’une indissociablement liée à l’ordre ancien, et l’autre aspirant au progrès et à l’émancipation, traduit en réalité l’émergence d’une nouvelle ère : celle de la séparation du politique et du religieux. Perçues comme des obstacles à l’enracinement de la nouvelle République, les congrégations, vestiges d’un autre temps et fer de lance de la conquête ultramontaine, seront alors désignées comme les « indésirables » de cette fin de siècle. Ces congrégations, « milice multicolore et sans patrie » selon les mots de Gambetta, ont su, tout au long du XIXe siècle, se reconstituer et recouvrer une influence croissante dans les secteurs clés que constituent l’enseignement et l’assistance. Inquiet de cette renaissance, le gouvernement aspire alors à faire taire les ambitions de l’Église catholique et de ses soldats congréganistes. C’est par la force de la loi, du moins le prétend-il, que le gouvernement espère parvenir à son objectif, l’idée étant de procéder pas à pas dans la laïcisation de la société afin d’éviter de froisser l’opinion, encore attachée, dans une majorité et surtout au début du régime, à cette image familière du religieux ou de la religieuse, incarnation de la charité. Dès 1879, le gouvernement va lancer son programme, et s'employer à affaiblir ce pouvoir concurrent par le biais d'une législation anticongréganiste ciblant des points stratégiques. Toutefois, cette idéologie « laïcisatrice », même savamment dissimulée par un voile de légalité, ne rassemble pas que des adeptes. Ainsi, des juristes catholiques vont méthodiquement s'organiser autour d’œuvres chargées d'assurer la défense des droits des catholiques. Les décrets d’expulsion de mars 1880 vont notamment conduire à la création du Comité de jurisconsultes des congrégations, instamment réclamé par les maisons religieuses. Réunissant avocats, magistrats et professeurs de droit, il sera dirigé durant toute son activité par le baron Armand de Mackau, figure emblématique de la droite conservatrice. Le conflit entre les congrégations et la République demeure bien souvent exclusivement examiné sous un prisme politico-religieux. Le fonds d’archives du Comité ouvrait dès lors une porte nouvelle sur les pratiques juridiques des défenseurs des congrégations, révélant ainsi comment une poignée de juristes catholiques s’organisa pour diriger la lutte sur le terrain du droit. À partir de là, s’imposait donc de repenser le problème sous l’angle d’un militantisme original, celui d'un militantisme juridique catholique. Cette étude tendra donc à examiner la manière dont ces juristes catholiques se sont paradoxalement emparés du droit républicain comme arme de revendication, comme outil de défense d'une cause et comme mode de protestation contre la politique anticongréganiste menée de 1880 à 1905. / Le résumé en anglais n'a pas été communiqué par l'auteur.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2018TOU10037 |
Date | 30 November 2018 |
Creators | Sutra, Romy |
Contributors | Toulouse 1, Nelidoff, Philippe |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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