Pendant plusieurs décennies, la problématique du programme politique monarchique a monopolisé l’historiographie contemporaine des frontières naturelles de la France. En effet, des années 1815/1830 jusqu’à celles de l’entre-deux guerres, deux thèses se sont imposées tour à tour. La première, soutenue par une large partie des historiens du XIXe siècle, a défendu l’idée selon laquelle la monarchie de l’Ancien Régime se serait donnée pour but de rendre à la France les limites de l’ancienne Gaule. La seconde, soutenue essentiellement par Gaston Zeller, cherche à démontrer que tous ces historiens ont eu une lecture trop « téléologique » de l’histoire de France. Si la question de ce prétendu programme politique monarchique a occupé une place importante de l’historiographie contemporaine, elle n’est pourtant pas centrale et de nouvelles perspectives de recherche s’offrent aujourd’hui à l’historien, comme celle de la définition de la « frontière naturelle ». Bien que l’expression ne soit pas inconnue des documents de l’époque moderne, les occurrences restent rares, les contemporains de l’Ancien Régime usant de diverses formules synonymes renvoyant toutes à un concept métaphysique, religieux et philosophique centré sur l’ordre naturel : à ce titre, les frontières naturelles sont des limites physiques imposées aux peuples et aux États par Dieu dès la Création pour que chacun d’eux puisse vivre en parfaite harmonie et en paix perpétuelle. Les frontières naturelles de la France proviennent d’un univers mental et mythique. Mental, puisque la redécouverte des textes antiques achève de graver dans la mémoire collective la notion d’une Gaule-France. Mythique, en raison du fait que la France succède à la Gaule par le processus de réappropriation de l’espace antique romain par Clovis. Tout un mythe de construction territoriale de l’espace de l’État français se met en place, soutenu et encouragé par la monarchie, non seulement par le biais de l’éducation mais aussi par la diffusion de nombreux ouvrages imprimés avec le privilège du roi. Mais par le traité de Verdun de 843, le « mythe de la France éternelle » s’effondre, le partage de l’empire de Charlemagne amputant la France d’une partie de ses frontières originelles. Aussi le Grand Siècle, qui coïncide avec le réveil de la conscience nationale, voit-il l’émergence de grandes figures mythiques : à ce titre, certains rois et certains ministres deviennent, à l’époque moderne, des symboles de la restauration de l’ordre naturel qui se fonde sur les lois fondamentales du royaume de France. Cependant, si la monarchie ne s’est pas donné pour but de rendre à la France les limites de l’ancienne Gaule, les frontières naturelles ont parfois orienté la politique extérieure pour défendre les impératifs stratégiques en matière de sécurité du territoire : tel est le cas du traité des Pyrénées de 1659 et de celui d’Utrecht de 1713. Bien que ces traités posent un problème d’application par la suite, l’article 42 de la paix des Pyrénées, qui fixe la frontière entre la France et l’Espagne au niveau du Roussillon et de la Catalogne, va faire l’objet, tout au long du XVIIIe siècle, de revendications politiques de la part des communautés françaises résidant dans les parties centrale et occidentale de la chaîne montagneuse. Dès lors, les frontières naturelles deviennent un enjeu de lutte majeure entre le pouvoir monarchique et ses sujets frontaliers. / No abstract available
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2018CERG0941 |
Date | 19 June 2018 |
Creators | Bouvet, Cyril |
Contributors | Cergy-Pontoise, Pernot, François |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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