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La culture de Cucuteni dans le discours de l’archéologie préhistorique – de 1889 jusqu’en 1937

RésuméLa culture de Cucuteni dans le discours de l’archéologie préhistorique — de 1889 jusqu’en 1937 Nous avons intitulé notre recherche « La culture de Cucuteni dans le discours de l’archéologie préhistorique — de 1889 jusqu’en 1937 ». Ce travail vient s’ajouter aux abondantes recherches qui ont été menées au sujet de cette culture. Pour autant, il n’en remplace aucune. La dette est forcément grande et sa nouveauté est bien petite ; sauf, peut-être, la manière d’appréhender ce thème. Car dans cette analyse, nous nous proposons de revisiter les bases de notre savoir sur « la culture de Cucuteni » et de nous interroger sur ce qui nous est déjà bien connu. Le but de cette recherche est de prendre en considération le rôle joué par plusieurs acteurs dans la construction de cette catégorie nécessaire afin de donner du sens au nouveau phénomène archéologique — les découvertes de céramique peinte du nord de la Moldavie à la fin du XIXe siècle. De même, nous tenterons de comprendre la manière dont l’acceptation de cette nouvelle classification d’artefacts a pu, à son tour, influencer le processus historique même de sa construction.Au cœur de la motivation de notre travail se retrouve la question suivante :comment cette culture de Cucuteni s’est concrètement construite ? La question pourrait faire penser à tort à l’existence d’un objet fixe — « la culture de Cucuteni » — qui assurerait une continuation des conceptions passées et présentes. Notre intérêt est de tenter une analyse de la fabrication de ce nouveau « fait scientifique » comme un rapport entre plusieurs acteurs, venant de plusieurs champs scientifiques et sociaux qui ont appréhendé « la culture de Cucuteni » de façon différente pour satisfaire leurs propres intérêts. « La culture de Cucuteni » n’est pas conçue ici comme un artefact relevé par le travail scientifique, mais comme un produit d’une histoire. Elle pourrait très certainement rester le fruit d’honorables recherches archéologiques qui ferait d’elle une culture matérielle parmi d’autres, mais elle a réussi à dépasser l’intérêt des seuls scientifiques. « La culture de Cucuteni » a été capable de mobiliser d’autres personnes que les archéologues et de représenter ainsi une pluralité d’intérêts. Pour la fabrication de cette culture, nous nous tournerons vers ceux qui s’y sont intéressés, ceux qui ont construit et initié la notion de « culture/civilisation de Cucuteni » et qui se sont mis d’accord sur les grilles d’interprétation. C’est pour cette raison que nous essayerons de suivre une palette variée des personnages — que nous appelons dans la thèse :les acteurs —, qui vont des collectionneurs amateurs aux scientifiques et des universitaires aux hommes politiques.Le postulat qui sous-tend l’ensemble de notre analyse est que comme tous les savoirs humains, l’objet de « culture de Cucuteni » peut être, lui aussi, étudié comme un champ d’activité qui implique des acteurs, des pratiques et des artefacts. À notre sens, la cohérence du savoir préhistorique — dont « la culture de Cucuteni » en est un des produits ! — ne peut être ni relevée ni démontrée comme quelque chose qui préexistait à notre histoire. On peut seulement tenter de la construire à l’intérieur de cette histoire, tout en tenant compte des limites qui déterminent notre recherche. Nous allons tenter de la saisir dans les manières de faire de ceux qui se sont penchés sur la question.Nous avons choisi d’inscrire notre recherche dans un optique constructiviste pour raconter autrement l’histoire de la construction de la culture de Cucuteni. Un argument en faveur de ce choix est qu’il permet de mieux illustrer la double production du « fait » scientifique et de ses constructeurs. Selon nous, le projet constructiviste exige que nos connaissances, nos savoirs et nos vérités soient immanents au statut de « construction ». Cela veut que l’ambition constructiviste en soi n’ait d’autre vérité que celle des effets qu’il produit. Dire que « la culture de Cucuteni est bel et bien une construction » ne justifie en rien ni sa stabilité ni sa fiabilité. Si, par contre, la culture de Cucuteni est devenue un marqueur important dans les pratiques archéologiques roumaines, c’est grâce au fait qu’elle a pu entretenir une relation pacifique avec les autres faits scientifiques créés par les archéologues. Elle a aussi dépassé les frontières de la discipline et a réussi à s’adresser et à intéresser d’autres acteurs. La culture de Cucuteni est une construction sociale parce qu’elle fait sens dans un milieu commun où la science côtoie le politique et le milieu social. C’est pourquoi nous avons favorisé l’approche constructiviste.Cette lecture que nous proposons pour comprendre la construction de la culture de Cucuteni se rattache aux nouvelles transformations qui ont eu lieu ces dernières quatre décennies et qui ont touché l’ensemble des sciences sociales. Comme la préhistoire n’est pas faite seulement dans les universités, les nouvelles mutations permettent de rendre visibles certains milieux contingents des activités scientifiques. Ainsi, nous refusons l’image d’une science de la préhistoire prête à dévoiler tout simplement un monde caché au regard du profane. La représentation d’une archéologie préhistorique comme un ensemble de pratiques à travers lesquels nous pourrions suivre l’agencement des acteurs et des intérêts multiples convient mieux à notre propos. De fait, nous refusons ainsi l’image d’une « culture de Cucuteni » qui existe de façon évidente et qui est le fait « pur » des communautés archéologiques. Nous refusons de même l’image d’une « culture de Cucuteni » qui se renouvelle à la logique d’un développement autonome, suite aux découvertes empiriques et aux nouvelles interprétations scientifiques. Nous envisageons par contre, une « culture de Cucuteni » construite du mélange des intérêts de tous ceux qui se sont interrogés à son propos. Et, c’est cette hybridation d’intérêts qui nous intéresse, car elle exige une attention accrue à la variété des lieux où « la culture de Cucuteni » circule et à la particularité des réappropriations de ceux qui veulent en faire usage. Notre contribution sera d’apporter une autre image sur la dynamique de construction de la culture de Cucuteni à travers d’autres pratiques que celles retenues pas l’histoire officielle. Comme la professionnalisation est un phénomène qui naît tardivement, le regard porté par les amateurs sur la céramique peinte de Cucuteni est un instrument indispensable. Sans dissocier les fonctions esthétiques, commerciales et éducatives, ils imbriquaient les milieux artistiques, scientifiques et politiques. Les relations et les échanges entre les savoirs et les politiques sont omniprésents depuis toujours. Notre intention n’est pas de les bouleverser, mais de comprendre la nature et la pluralité de ces rapports, de comprendre l’articulation de ces éléments dans l’intervalle 1889 – 1937. Les limites de notre recherche découlent naturellement de la question de recherche formulée plus haut. Nous sommes arrivés à ce type de questionnement lorsqu’on se rendu compte qu’aujourd’hui, la culture de Cucuteni est tenue pour acquise, comme une réponse nécessaire inhérente aux morceaux de céramique peinte recueillis dès la fin du XIXe siècle. C’est pour cette raison que nous nous intéressons à sa construction. Notre argument est que la reconnaissance de cette culture résulte d’un agencement d’événements ponctuels, de volontés politiques précises, d’une histoire sociale spécifique, bref, un ensemble de paramètres contingents. La position que nous adoptons ici ne vise ni de critiquer, ni de modifier, ni de détruire/déconstruire la culture de Cucuteni telle qu’on la connaît aujourd’hui.En fait — et nous voulons insister là-dessus —, notre objet de recherche est la culture de Cucuteni en train de se faire. Ceci revient au fait que l’intérêt que l’on porte à l’étude épistémologique de la connaissance scientifique sur cette culture soit marginal, car elle nous apprend très peu de choses du monde organisé autour de la recherche de la céramique peinte de Cucuteni. Les chapitres de notre thèse sont organisés de la manière suivante :Dans le premier chapitre, L’archéologie préhistorique, un objet d’étude particulier, nous avons souhaité dresser le décor — international et national roumain — dans lequel la nouvelle science préhistorique se met en place. Afin de définir les moyens pour comprendre ce nouveau type de savoir, on abordera la pensée des érudits. Dans un premier temps, nous analyserons les facteurs intellectuels qui préviennent l’apparition de la préhistoire à l’échelle internationale. Les premiers intérêts pour ce domaine de recherche apparaissent au cours de XIXe siècle. Ce phénomène connaît des balbutiements épistémologiques, qui, toutefois, marquent des étapes essentielles pour la constitution intellectuelle de la discipline. Dans un second temps, nous analyserons les débuts institutionnels que connait la préhistoire :les premiers succès à l’étranger, l’« importation » des institutions en Roumanie. Il faut également tenir compte des facteurs sociaux et des trajectoires individuelles qui contribuent à son institutionnalisation. Ils suggèrent l’apparition d’une nouvelle génération de savants passionnés qui ont permis de modifier le champ scientifique et de faire une place à la préhistoire. L’établissement de la préhistoire se fait selon des chronologies distinctes en Roumanie et en Europe. En déterminant leurs origines nous pouvons illustrer les conditions de la naissance de ce champ de recherche au plan national et de dessiner les formes qui lui imprime un rythme particulier. Après ce survol de la préhistoire et de ses fondements, dans le deuxième chapitre intitulé La « découverte » de la culture de Cucuteni nous nous proposons d’aborder ce qui constitue le noyau de ce travail. Nous allons procéder en deux temps. Nous tracerons d’abord les lignes générales du phénomène de la céramique peinte. Une « logique de découvertes » nous permettra de nous positionner dans le contexte large du phénomène de la céramique peinte. Celle-ci sera suivie d’une discussion sur l’état général de connaissances qui assurait le cadre intellectuel de débat. Nous entrerons ensuite dans le vif de notre recherche, la construction de la culture de Cucuteni. Ici, nous considérons sa découverte d’un autre regard. L’approche que nous proposons tente de saisir la multiplicité de pratiques qui convergent vers la stabilité de la culture de Cucuteni comme « référence scientifique ». Autrement dit, notre regard n’est pas accroché aux découvertes matérielles qui démontrent l’existence du phénomène de la céramique peinte — découvertes faites sur le signe du hasard, mais à ce qui donne à cette culture de Cucuteni son statut de « découverte ». Nous y soulignons que l’attribution du statut de « découverte » repose sur un processus de reconnaissance sociale au cours duquel elle passe comme une possibilité pertinente d’exister, établie au cours d’investigations scientifiques. Après que nous nous soyons concentrés sur le « contenu technique » de la culture de Cucuteni — ce choix nous a paru nécessaire pour souligner comment elle s’est constituée dans une référence scientifique qui voyage librement dans le champ de l’archéologie —, dans le troisième chapitre intitulé La culture de Cucuteni en « contexte » l’attention sera portée vers les liens qu’entretient ce produit (pré) historique avec le reste du monde, puisqu’il fait partie intégrante du monde social. Nous pourrions ainsi assembler les relations contextuelles liées à la « découverte » de la culture de Cucuteni et suivre avec une certaine sympathie ces fils qui s’entremêlent. Pour illustrer ce point, nous allons nous servir de deux exemples, déjà déjà, à savoir l’épisode des amateurs et celui de Schmidt à Cucuteni. Nous n’avons aucune intention d’ajouter du nouveau à l’histoire de Cucuteni, mais plutôt d’accentuer son rapport inextricable à l’histoire nationale roumaine. Cette manière de faire ne doit être comprise ni comme une remise en cause, ni comme une contestation de l’historiographie de la culture de Cucuteni déjà existante, mais comme une façon de regarder d’un autre œil la nature des pratiques de ceux qui s’y sont intéressés.Envisager l’histoire d’un monde préhistorique attaché à « la culture de Cucuteni » est du ressort de la reconstruction. Pour que la construction tienne, elle a besoin d’harmonie afin d’assurer l’enchaînement logique des parties à assembler. Cette cohérence ne se trouve pas cachée dans la terre attendant d’être découverte, à l’image de vestiges. C’est au chercheur qu’il revient d’élaborer un récit raisonnable du passé très antique. Un tel exercice, comme nous l’avons entendu, ne pouvait pas être conçu comme résultat d’une quelconque stratégie de recherche, mais plutôt comme une « expérience de pensée » dont le rôle est de créer toujours des nouvelles possibilités pour comprendre le passé. C’est cette approche qui fut la perspective de notre travail.Si cette démarche n’est pas un échec, elle aura eu pour effet d’apporter, au moins, un début de réponse à la question qui traverse notre recherche. / Doctorat en Histoire, histoire de l'art et archéologie / info:eu-repo/semantics/nonPublished

Identiferoai:union.ndltd.org:ulb.ac.be/oai:dipot.ulb.ac.be:2013/276735
Date11 September 2018
CreatorsTrif, Alina
ContributorsTsingarida, Athena, Warmenbol, Eugène, Tholbecq, Laurent, Raepsaet, Georges, KAESER, MARC-ANTOINE MC
PublisherUniversite Libre de Bruxelles, Université libre de Bruxelles, Faculté de Philosophie et Sciences sociales - Histoire, histoire de l'art et archéologie, Bruxelles
Source SetsUniversité libre de Bruxelles
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
Typeinfo:eu-repo/semantics/doctoralThesis, info:ulb-repo/semantics/doctoralThesis, info:ulb-repo/semantics/openurl/vlink-dissertation
FormatNo full-text files

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