Que peut nous apprendre une philosophie qui reconduit, comme en son centre, à l'expérience du jaillissement ininterrompu de nouveauté? Que signifie et sur quoi repose, dans la philosophie de Bergson, la proposition selon laquelle le sujet est créateur de lui-même, mais aussi le fait qu'il y a du nouveau à l'oeuvre dans le monde de la conscience comme dans celui de la vie en général? Dans cette recherche, il s'agira d'examiner le sens de ces propositions non pas du point de vue des implications morales ou éthiques, mais bien plutôt du point de vue de la question des fondements. Deux perspectives, paradoxales s'il en est, se dégageront de notre analyse: d'une part, celle que nous défendrons, à savoir l'autocréationnisme, dont la lecture de l'Essai sur les données immédiates de la conscience, de Matière et Mémoire et de L'Évolution créatrice notamment, permettra d'en dégager la signification originale; d'autre part, celle que nous appellerons, avec d'autres, le spiritualisme, qui marque bien un moment important dans la pensée de Bergson et qui permet, lorsqu'on en suit les fines articulations, la formulation d'une hypothèse qui soulève nombre d'ambiguïtés, à savoir l'existence d'une cause transcendante ou divine qui expliquerait l'origine de la nouveauté. S'il y a émergence de propriétés nouvelles, est-ce à dire qu'il y aurait une cause externe qui expliquerait un tel phénomène et qui en serait l'origine? Ne faudrait-il pas plutôt appréhender ou penser le problème de la nouveauté à partir d'une activité immanente à la conscience ou à la nature et qu'on appellerait « l'autocréation » ? Telle sera notre hypothèse de recherche. C'est bien à une interrogation fondamentale et, pour ainsi dire, métaphysique, que nous confronte, encore aujourd'hui, la philosophie bergsonienne de la création, renouvelée et actualisée en ce sens par la pensée de Gilles Deleuze: comment la production et l'apparition de quelque chose de nouveau sont-elles possibles? Peut-on comprendre l'émergence spontanée de formes nouvelles sans invoquer un ordre caché ou une force occulte, par exemple un Dieu quelconque? La création naturelle est-elle mue par un principe autre qu'elle-même? Y a-t-il un plan ou une finalité qui gouverne à l'origine
« l'évolution créatrice » ou ce que nous appellerons aussi
« l'autocréation du vivant » ? En d'autres termes, est-il nécessaire de réclamer une explication métaphysique et faire appel à une forme de transcendance si nous voulons comprendre le problème de l'émergence du nouveau chez Bergson? Il semble en effet y avoir quelque chose de paradoxal dans le fait de postuler l'existence d'un ordre transcendant ou spirituel au fondement d'une philosophie qui défend et affirme, et cela de façon radicale, la thèse de la
« création continue d'imprévisible nouveauté ». Pourtant, force est de constater qu'un tel paradoxe existe chez Bergson. C'est ce qui fera, plus précisément, l'objet de notre questionnement et de notre investigation: une telle tension entre des positions aussi extrêmes peut-elle constituer une source d'explication pertinente au problème de l'origine du nouveau? Comment résoudre un tel paradoxe, si tant est que la chose soit possible? Émergence ou transcendance? Ces questions fondamentales font encore l'objet de discussions dans le domaine des études bergsoniennes. Cette recherche propose donc un approfondissement de ce débat et une réinterprétation de cette problématique à la lumière d'une réflexion sur les concepts d' « autocréation », de « création de soi par soi », et d' « émergence », concepts dont la valeur philosophique n'a pas, à notre avis, été suffisamment développée et actualisée jusqu'à maintenant. Nous pensons qu'une approche du problème de la nouveauté qui s'inspire d'une telle réflexion permettrait de dépasser les contradictions et les ambiguïtés inhérentes à la position spiritualiste -à laquelle trop souvent la pensée de Bergson est rattachée et même réduite -et de jeter un nouvel éclairage sur ce débat. Le but de ce travail est donc de confronter ces deux positions antithétiques que l'on retrouve chez Bergson. Ce qui nous obligera à faire un choix important. Le moment clé de cette thèse procèdera de la justification d'un tel choix en faveur de l'autocréationnisme qu'il s'agira de mettre en évidence à travers une relecture des oeuvres majeures du philosophe. Il s'agira, en d'autres termes, de proposer une interprétation à la fois naturaliste et émergentiste du problème de la nouveauté et du concept bergsonien de création. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Autocréation, Création de soi par soi, Émergence, Nouveauté, Imprévisibilité, Durée, Liberté, Mémoire, Évolution.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QMUQ.2161 |
Date | January 2009 |
Creators | Charbonneau, Pierre |
Source Sets | Library and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada |
Detected Language | French |
Type | Thèse acceptée, NonPeerReviewed |
Format | application/pdf |
Relation | http://www.archipel.uqam.ca/2161/ |
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