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Le féminin chez le père en devenir : étude comparative entre contextes de grossesse avec menace d'accouchement prématuré et grossesse normale

La prématurité constitue la première cause de mortalité et de morbidité périnatales. Dans la plupart des pays industrialisés, les naissances prétermes représentent 10% des accouchements alors que les cas de menaces d'accouchements prématurés affecteraient entre 15 et 20% des grossesses. On reconnaît la MAP par l'apparition de contractions utérines et/ou des modifications du col utérin. La moitié des accouchements avant terme sont considérés sans cause médicalement connue alors que les autres sont attribuées à plusieurs facteurs de risque de nature socio-démographiques, médicaux et psychologiques. Au cours des dernières années, certains chercheurs en prématurité ont mis en lumière l'apport du père jusqu'alors peu exploré parmi les facteurs de risque chez la femme enceinte. Ils ont remarqué que son absence à la date prévue de l'accouchement ou son manque de disponibilité physique et/ou psychique durant la grossesse a pu jouer un rôle dans le déclenchement du travail pré-terme. Une étude menée par Sednaoui-Mirza (1996) visant à explorer la dynamique des futurs pères dont la conjointe expérimente des symptômes pré-termes, a mis en relief des bris dans l'alliance de grossesse attribuables à certaines difficultés psychiques inconscientes chez ceux-ci. L'analyse des entrevues a révélé que certaines expériences traumatiques vécues par ces hommes durant l'enfance avaient entravé la résolution du deuil narcissique et par conséquent, leur capacité d'être disponibles auprès de la femme enceinte. Notre recherche avait comme objectif d'approfondir les connaissances sur le père en devenir dans un contexte de MAP. Elle s'inscrit dans le cadre d'une étude composée de plusieurs volets sur la prématurité. Elle explore les facteurs psychologiques possibles impliqués lors d'un accouchement prématuré pour lequel aucune cause médicale n'a pu être décelée et que la femme n'a pas subi de stress majeur. Notre questionnement se situe au niveau des fonctions du père durant la grossesse et de l'articulation des remaniements psychiques qu' impliquent le devenir père avec l'identité sexuée. L'étude se base sur l'hypothèse que chez certaines femmes entrant dans un travail pré-terme pour des raisons idiopathiques, ce travail revêt un caractère de passage à l'acte lié à la dynamique intrapsychique de celles-ci. Nous avons examiné l'univers représentatif provenant de deux groupes de pères vivant deux situations de grossesse distinctes: l'une avec menace d'accouchement prématuré et l'autre, sans symptôme pré-terme manifeste. Les entretiens de type exploratoire avec les pères répondant à nos critères de recherche ont été effectués durant le dernier trimestre de gestation sur un mode semi-directif avec un minimum d'interventions de notre part. L'analyse de discours a été effectuée à quatre niveaux: une analyse du contenu thématique en tenant compte des modalités énonciatives, une lecture d'ordre clinique incluant l'examen des remaniements psychiques du devenir père, une analyse comparative intersujet et finalement, une analyse comparative intergroupe. La redéfinition des relations entre hommes et femmes des dernières décennies nous invite à intégrer la réflexion des rapports père-enfant dès le berceau ainsi que les implications masculines lors de la grossesse. La présence du père auprès de son enfant d'âge pré-oedipien a été abordé par Winnicott dans son effet protecteur pour l'enfant de sa propre haine, lui offrant une alternative où se réfugier. Ce faisant, le père soutient la relation mère-enfant en se permettant, à certains moments, de la remanier. En effet, la fonction paternelle oedipienne se prépare de longue date par toute une série de triangulations primitives qui vont ensuite converger et se globaliser par l'accès à la différence des sexes. Les notions de « tiers » et « d'espace paternel » s'appliquent dès la grossesse. Pour le père en devenir, le temps de la grossesse constitue une crise identificatoire, un deuxième temps de l'adolescence. Au moment de l'annonce, l'homme réaffirme son intégrité et passe de l'état de fils à celui de père. Ce processus est traversé par le conflit qui oppose d'anciens désirs inconscients de remplacer le père rival à des désirs plus conscients de garder le père tendre auprès de lui. Pour avoir accès à ce réconfort paternel, le jeune père doit dépasser l'affirmation phallique et reconnaître l'éventualité de sa propre mort. Pour l'homme, ce temps de grossesse est une épreuve narcissique qui fait appel à sa capacité de deuil. Afin de réaliser son désir d'avoir une descendance, il doit passer par la médiation d'une femme. Son corps d'homme n'est pas concerné directement mais parce qu'il s'identifie à la femme enceinte, certains symptômes psychosomatiques (couvade), peuvent se manifester. De plus, il découvre dans l'enfant imaginaire omniprésent dans le corps de sa compagne, un rival absolu. Ses rapports avec la femme enceinte se déploient à plusieurs niveaux d'identifications tels que présentés par Aubert-Godard (1996) à partir du niveau à la mère-et-l'enfant comme unité phallique, allant au niveau narcissique de toute-puissance phallique virile, à celui de différentiation d'où vont naître la jalousie et l'amour et enfin, à une identification secondarisée à la femme gestante et au bébé d'où l'identité masculine et paternelle peuvent surgir. Une lecture préliminaire des entrevues ont révélé une angoisse du féminin chez les pères faisant partie du groupe MAP. Pour certains, ce temps de grossesse s'apparente à une rencontre avec la mère phallique, comblée et dévorante, qui barre l'accès à la figure paternelle. Déconcerté par son pouvoir de procréation, le père ressent une ambivalence faite de désir et de crainte à l'égard de sa compagne. Il cherche la bonne distance à prendre avec elle, oscillant entre activité et passivité. Pour d'autres, c'est une confrontation à la castration. Forcé de partager son objet libidinal avec ce nouveau tiers, le père peut craindre une perte durable. La majorité reconnait son impuissance devant l'aspect énigmatique de ce temps de gestation. Chez les hommes provenant du groupe dont la grossesse se déroule sans symptômes pré-termes, l'angoisse du féminin est présente mais d'une intensité moindre et les défenses psychiques sont à l'oeuvre, tout particulièrement la sublimation. Le faisceau d'indices émergents des analyses du discours articulés avec les concepts théoriques relatifs au devenir père ainsi qu'à l'intégration de la bisexualité psychique, nous ont permis de cibler le féminin comme enjeu majeur dans le processus de paternalité. Compte tenu des tendances observées dans les deux groupes de pères venant de contextes de grossesse différents, tout porte à croire que le refus du féminin peut présenter un obstacle aux remaniements psychiques liés à la transition vers la paternité. Cette défaillance dans l'intégration de la bisexualité psychique représente une entrave quant à l'exercice de la fonction paternelle durant la grossesse, plus particulièrement, celle d'intervenir dans la relation intersubjective comme contenant psychique auprès de la conjointe. Cette faiIle dans la capacité de rêverie chez le père constitue un facteur de risque pour un passage à l'acte somatique chez la femme vivant une grossesse avec symptômes pré-termes. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Paternité, Paternalité, Fonction paternelle, Père en devenir, Bisexualité psychique, Féminin, Prématurité, Périnatalité psychique, Couple, Grossesse.

Identiferoai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QMUQ.2403
Date January 2009
CreatorsPerrault, Marlène
Source SetsLibrary and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada
Detected LanguageFrench
TypeThèse acceptée, NonPeerReviewed
Formatapplication/pdf
Relationhttp://www.archipel.uqam.ca/2403/

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