La pensée de Pierre-Joseph Proudhon est encore souvent décrite comme contradictoire ou incohérente; une lecture interne proposant une interprétation cohérente de son œuvre manque toujours dans la littérature. La distinction des concepts d’antinomie et de contradiction dans la pensée de l’auteur permet d’établir cette interprétation cohérente. Chez Proudhon, l’antinomie consiste en un rapport antagonique entre deux idées, les lois déterminant les choses en lesquelles elles s’incarnent. Cet antagonisme est irréductible et demande à ce que les deux idées soient mises en équilibre l’une avec l’autre, ce qui constitue la Justice. La contradiction survient quant à elle lorsque l’équilibre n’est pas atteint. Elle consiste en une situation qui pose problème dans la société, provoquant par là la souffrance, la misère, la violence et l’instabilité.
La société constitue une chose en soi, un être collectif doué de consistance ontologique nécessairement en relation avec ses parties constituantes. Parallèlement, la liberté consiste en la capacité d’agir et de se déployer en fonction de son idée. La liberté de l’être collectif, de la société, est en relation antinomique avec celle de ses parties constituantes, puisque l’une peut être maximisée au dépends de l’autre. L’État représente la contradiction découlant de l’absence d’équilibre entre les libertés. Le fédéralisme proudhonien se veut la voie moderne pour établir l’équilibre dans ce rapport antinomique.
Au plan économique, la valeur d’usage et la valeur d’échange sont aussi en rapport antinomique. L’équilibre dans ce rapport permet la découverte de la vraie valeur, la valeur constituée, qui représente la Justice dans les rapports économiques. Le capitalisme représente l’ensemble des institutions économiques empêchant la formation de la valeur constituée, ce qui en fait un système économique contradictoire, non conforme à la Justice et qui provoque la souffrance. Le mutuellisme proudhonien se veut la voie moderne pour établir l’équilibre et découvrir la valeur constituée de chaque bien, c’est-à-dire accomplir la Justice dans l’activité économique de la société.
Cette lecture dessine les contours d’une pensée anarchiste toute en nuance, dans laquelle l’État et la propriété privée doivent disparaitre non pas par l’abolition de leurs fonctions, mais bien par leur intégration, conforme à la Justice, dans le tissu des relations sociales.
Identifer | oai:union.ndltd.org:uottawa.ca/oai:ruor.uottawa.ca:10393/44036 |
Date | 09 September 2022 |
Creators | Lebrun, Pascal |
Contributors | Parthenay, Claude |
Publisher | Université d'Ottawa / University of Ottawa |
Source Sets | Université d’Ottawa |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Thesis |
Format | application/pdf |
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