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Intégrations unimodale et multimodale des informations somatosensorielles chez les personnes atteintes de douleur chronique

**Introduction :**

Notre cerveau utilise constamment les informations sensorielles fournies par nos sens (toucher, vision, proprioception etc.). Cette intégration multimodale nous permet de percevoir notre corps précisément et de bouger efficacement. Selon le modèle de l'estimation du maximum de vraisemblance (*maximum likelihood estimation* ; MLE), le cerveau pondère les informations sensorielles en fonction de leur fiabilité : une modalité peu précise sera considérée comme moins fiable qu'une modalité précise, et sera donc moins utilisée (i.e., pondération plus faible). Des études suggèrent que la présence de douleur perturberait l'intégration des informations somatosensorielles. Chez les personnes ayant de la douleur chronique, comme les individus ayant la fibromyalgie (FM), des altérations de l'intégration des informations somatosensorielles seules (i.e., intégration unimodale) pourraient être associées à une plus faible pondération de ces informations lors de leur intégration multimodale. Ceci pourrait expliquer les perturbations de la représentation corporelle et les déficits sensorimoteurs observés chez ces personnes. Ainsi, l'**objectif général** de cette thèse était de comparer l'intégration des informations sensorielles et motrices chez les personnes atteintes de douleur chronique comparativement aux personnes sans douleur. L'**hypothèse générale** était que l'intégration unimodale des informations somatosensorielles sera altérée en présence de douleur chronique, ce qui se traduira par des altérations de l'intégration multimodale de ces informations dans les tâches perceptives et motrices.

**Méthode :**

Les études 1 et 2 visaient à comparer l'intégration unimodale des informations somatosensorielles. Une revue systématique (Chapitre 1) permettait de comparer la sensation des stimuli tactiles nociceptifs et non nociceptifs chez les personnes ayant la FM à celle de participant·e·s contrôles sans douleur (CTRL). Puis, une tâche d'estimation de distance tactile (Chapitre 2) était utilisée pour comparer la perception tactile. De plus, dans cette étude, une tâche de dessin du corps permettait de faire un parallèle avec l'intégration multimodale des informations tactiles. Le but des études 3 et 4 (Chapitre 3 et 5, respectivement) était de comparer l'intégration multimodale des personnes ayant la FM et des participant·e·s CTRL. Dans l'étude 3, une tâche perceptive de jugement d'ordre temporel était utilisée pour évaluer la pondération des informations visuelles et tactiles (intégration multisensorielle). L'étude 4 impliquait une tâche motrice de tracé de figures dans laquelle la rétroaction visuelle était manipulée pour devenir incongruente avec les informations somatosensorielles et efférentes (un paradigme nommé conflit sensorimoteur). Ceci permettait de comparer la pondération respective des informations sensorielles (intégration sensorimotrice). L'électroencéphalographie (EEG) était aussi utilisée pour mesurer les mécanismes cérébraux sous-jacents à cette intégration.

**Résultats :**

Les résultats obtenus dans l'étude 1 suggèrent une sensation tactile non altérée chez les individus ayant la FM, bien qu'une tendance vers l'hyperalgésie puisse être observée. L'étude 2 indique une perception tactile non altérée chez les participant·e·s ayant la FM, qui contraste avec les distorsions de la représentation corporelle révélées par les dessins. L'intégration multisensorielle du groupe FM, comme celle du groupe CTRL, semble suivre le modèle MLE (étude 3). Toutefois, plus la douleur des participant·e·s ayant la FM était élevée, moins les informations tactiles étaient utilisées pour percevoir les stimuli visuotactiles. Enfin, dans l'étude 4, la performance motrice était semblable entre les groupes de participant·e·s, ce qui suggère une absence de différence de pondération sensorielle. L'EEG mettait néanmoins en évidence une augmentation plus prononcée de la puissance thêta dans le cortex pariétal postérieur du groupe FM. Cette différence pourrait indiquer une détection altérée du conflit.

**Conclusion :**

L'intégration unimodale des informations somatosensorielles ne semble pas altérée chez les personnes ayant de la FM. De façon cohérente avec le modèle MLE, leur pondération n'était pas moindre quand elles étaient intégrées avec d'autres informations sensorielles et motrices, comparativement aux personnes sans douleur. Les perturbations de la détection du conflit (objectivées par l'EEG) et de la perception du corps (révélées par les dessins) des individus ayant la FM semblent davantage s'expliquer par des prédictions erronées sur les conséquences sensorielles du mouvement et par des connaissances *a priori* biaisées sur le corps. Ces résultats soutiennent une dissociation entre la perception du mouvement (altérée) et son contrôle (préservé), ainsi qu'entre deux représentations corporelles, l'image corporelle (altérée) et le schéma corporel (préservé). De futures recherches seront nécessaires pour élucider le rôle de l'intensité de la douleur sur ces altérations et pour potentiellement développer des thérapies afin de les corriger. / **Introduction:**

Our brain constantly uses the sensory information provided by our senses (touch, vision, proprioception etc.). This multimodal integration allows us to perceive our body precisely and move efficiently. According to the maximum likelihood estimation model (MLE), the brain weights sensory information according to its reliability: a less precise modality is considered less reliable than a precise modality, and therefore will be weighted less (i.e., smaller weight). Studies suggest that pain could disturb somatosensory information integration. In people with chronic pain, such as individuals with fibromyalgia (FM), alterations of the integration of somatosensory information alone (i.e., unimodal integration) could be associated with a smaller weighting of this information during multimodal integration. Thus, this thesis' **general objective** was to compare sensory and motor information integration in people with chronic pain compared to pain-free individuals. The **general hypothesis** was that the unimodal integration of somatosensory information would be altered in chronic pain, which would lead to alterations of this information multimodal integration in perceptual and motor tasks.

**Methods:**

Studies 1 and 2 aimed to compare unimodal integration of somatosensory information. First, a systematic review (Chapter 2) allowed to compare the sensation of noxious and non-noxious tactile stimuli in individuals with FM and pain-free control participants (CTRL). Then, a tactile distance estimation task (Chapter 3) was used to compared tactile perception. In this study, a body drawing task allowed to draw a parallel with tactile information multimodal integration. The goal of studies 3 and 4 (Chapter 4 and 5, respectively) was to compare multimodal integration in FM and CTRL participants. In study 3, a temporal-order judgment perceptual task was used to assess visual and tactile information weighting (multisensory integration). Study 4 involved a figure drawing motor task in which visual feedback was manipulated to be incongruent with somatosensory and efferent information (a paradigm called sensorimotor conflict). This allowed to compare the respective weighting of the sensory information (sensorimotor integration). Electroencephalography (EEG) was also used to measure the cerebral mechanisms underlying this integration.

**Results:**

Results obtained in study 1 suggest an unaltered tactile sensation in individual with FM, even though a trend towards hyperalgesia was observed. Study 2 indicates an unaltered tactile perception in participants with FM, which contrasts with the body representation distortions revealed by the drawings. The multisensory integration of the FM group, like the CTRL group, seems to follow the MLE model (study 3). However, the more intense the pain of the participants with FM was, the less the tactile information was used compared to the visual information, to perceive the visuotactile stimuli. Finally, in study 4, motor performance was similar in both groups, which suggests an absence of difference in sensory weighting. EEG revealed a stronger theta power increase in the posterior parietal cortex of the FM group. This difference could indicate an altered conflict detection.

**Conclusion:**

The unimodal integration of somatosensory information does not seem to be altered in people with FM. Consistent with the MLE model, their weighting was not smaller when they were integrated with other sensory and motor information, compared to pain-free individuals. The perturbations of conflict detection (measured with EEG) and of the body perception (revealed by the drawings) in individuals with FM seem better explained by erroneous predictions about the sensory consequences of the movement and by biased *a priori* knowledge about the body. These results support a dissociation between (altered) movement perception and (preserved) motor control, as well as between two body representations, the body image (altered) and the body schema (preserved). Future research is necessary to elucidate the role of intensity of pain on these alterations and potentially develop therapies to correct them.

Identiferoai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/147265
Date05 August 2024
CreatorsAugière, Tania
ContributorsMercier, Catherine, Simoneau, Martin
Source SetsUniversité Laval
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypeCOAR1_1::Texte::Thèse::Thèse de doctorat
Format1 ressource en ligne (xxii, 252 pages), application/pdf
Rightshttp://purl.org/coar/access_right/c_abf2

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