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"Inspirer la crainte, le respect et l'amour du public" : les inspecteurs de police parisiens, 1740-1789

L'étude des inspecteurs de police parisiens du XVIIIe siècle est négligée par l'historiographie, hormis par quelques travaux d'histoire traditionnelle qui en dressent un sombre portrait et d'autres d'histoire sociale des années 1980 qui l'abordent indirectement. Afin de combler cette lacune, la présente enquête se consacre à la compréhension de l'organisation du métier à compter de 1740, moment de la refondation de la compagnie des inspecteurs de police, jusqu'en 1789, celui de sa dissolution. L'intérêt d'étudier l'évolution de son fonctionnement professionnel est manifeste dans un contexte de réorganisation policière au long cours, qui s'inscrit dans le sillage de la création du guet (1666), de la lieutenance de police (1667) et des inspecteurs de police (1708). Trois pôles d'étude structurent la démonstration de la professionnalisation des inspecteurs de police, chacun correspondant aux aspects principaux de la définition de ce processus : primo, l'affermissement des modalités d'accès au métier et la stabilisation de son organisation interne; secundo, la normalisation des pratiques et la constitution de savoirs policiers spécifiques; tertio, la légitimation des personnels et de leur action. En premier lieu, l'approche prosopographique des 80 inspecteurs de police en service entre 1742 et 1789 figurants dans l'Almanach royal relève le resserrement des exigences professionnelles au moment de l'entrée en fonction. Mettant à profit un corpus étendu d'archives administratives, notariales et réglementaires, l'enquête dresse le portrait socioprofessionnel des inspecteurs de police d'après 1740, distincts de leurs homologues du début du siècle. Ainsi, l'amélioration concrète de la sélection des recrues, la codification de la formation et des itinéraires professionnels, et l'augmentation des revenus étayent l'argument de la respectabilité accrue des inspecteurs de police et de la régulation de leur organisation après 1740. En second lieu, la spécialisation des pratiques témoigne de la codification de l'exercice du métier d'inspecteur de police hors des cadres du droit. Les diverses dimensions du processus de spécialisation policière induisent en effet son affranchissement progressif de la justice. Le développement des bureaux et des départements de police ainsi que le mouvement de répartition des tâches et de définition de savoirs policiers spécifiques participent à la rationalisation du service. Appréhendée à travers les archives du département de la sûreté, l'étude a relevé le rôle central joué par ces inspecteurs spécialistes tant dans le système d'information bureaucratique que dans la production de l'enregistrement, de mieux en mieux formalisé. L'établissement de leurs pratiques a aussi permis de cerner la collégialité de leur action, système qui assure la permanence et l'efficacité du service par le partage des informations et des revenus. Leurs interactions avec les commissaires au Châtelet, pour leur part, s'harmonisent suivant la codification du protocole de travail et de la clarification de la répartition des tâches. Plutôt que concurrents, ces officiers s'avèrent complémentaires. L'inspecteur s'occupe des enquêtes préliminaires, en amont de l'instruction judiciaire, alors que le commissaire légalise la procédure. En troisième lieu, les mesures de légitimation des inspecteurs de police déployées par les autorités composent le dernier aspect de l'analyse du processus de professionnalisation. L'examen montre que la majorité des moyens employés cherche à répondre aux critiques naguère adressées aux inspecteurs de police, qualifiés d'occultes, d'autoritaires et de distants de la population. La militarisation des inspecteurs de police, l'ancrage dans leur quartier d'affectation, l'insertion communautaire et l'encadrement disciplinaire concourent non seulement à la régulation professionnelle d'un corps d'officiers de police en quête de légitimité, mais marquent aussi leur plus grande acceptation au fil de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Les inspecteurs de police cherchent ainsi à se faire reconnaître et semblent généralement y parvenir après avoir jugulé la crise de l'émeute des enlèvements des enfants en 1750. La préservation de l'image de la police passe également par la répression des manquements envers ses représentants. L'analyse suggère que les inspecteurs de police constituaient une cible secondaire de la hargne populaire, qui est davantage dirigée envers leurs subalternes. Au final, l'examen du métier des inspecteurs de police parisiens de la seconde moitié du XVIIIe siècle lève le voile sur leur professionnalisation graduelle, ce qu'avait occulté la légende noire distillée par les pamphlétaires au tournant de la Révolution. Au-delà de cette image caricaturale des inspecteurs de police, les transformations professionnelles s'avèrent considérables sur les trois fronts examinés. L'organisation interne se régularise, les méthodes de travail se codifient et se spécialisent et leur reconnaissance s'affirme, ce qui atteste la solidification progressive de leur assise professionnelle au fil du siècle.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Police, Paris, XVIIIe siècle, Inspecteur de police, Sûreté, Professionnalisation

Identiferoai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QMUQ.5599
Date03 1900
CreatorsCouture, Rachel
Source SetsLibrary and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada
Detected LanguageFrench
TypeThèse acceptée, NonPeerReviewed
Formatapplication/pdf, application/pdf
Relationhttp://www.archipel.uqam.ca/5599/

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