Jules Laforgue (1860-1887) envisage les nouvelles des "Moralités légendaires" comme de « vieux canevas brodés d’âmes à la mode ». Il inscrit ainsi son œuvre au cœur même de la Bibliothèque. Toutefois, contrairement à ce que sa formule pourrait laisser penser, il ne se contente pas d’y écrire des variantes parodiques de "Hamlet", de l’"Histoire de sainte Élisabeth de Hongrie", de "Lohengrin", d’« Hérodias » et des "Métamorphoses" : non seulement il puise la matière de ses récits dans plusieurs dizaines de textes – et pas uniquement dans ces hypotextes –, mais ceux-ci, pour la plupart, ne font pas l’objet d’une mise à distance critique à visée comique. L’impression première qui se dégage du volume, celle d’un ouvrage léger dans lequel les héros sont ridiculisés, les références mêlées et les traditions soumises à un relativisme généralisé, n’est qu’une façade destinée à duper un certain type de lecteur et à dissimuler le sens profond du texte. Ce dernier ne se révèle qu’à l’issue d’une lecture intertextuelle érudite qui, en acquérant une connaissance précise des livres lus par Jules Laforgue, met au jour un principe de réécriture reposant sur la reconnaissance préalable d’analogies entre les différentes œuvres. L’auteur pratique une lecture imaginative – au sens où l’imagination est, pour Charles Baudelaire, l’art de saisir les rapports – et retient des textes-sources les éléments qui résonnent en lui. Leur mise en présence dans les "Moralités" s’avère alors cohérente et le volume apparaît comme une véritable broderie intertextuelle ; chaque fil – chaque œuvre – conserve sa singularité mais tous participent à l’élaboration d’un motif unique : l’expression, par le truchement de la fiction et de la voix des autres, du questionnement existentiel de Jules Laforgue. / Jules Laforgue (1860-1887) said that the novellas of "Moralités légendaires" were « old canvasses embroidered with fashionable souls », thus placing his work at the heart of the Library. But, contrary to what we may think when reading his definition, he does not merely write parodies of "Hamlet", of the "Histoire de sainte Élisabeth de Hongrie", "Lohengrin", « Hérodias » and the "Metamorphoses" : the tales’ material comes not exclusively from these hypotexts, but from dozens of other texts, which are seldom rewritten from a critical and comical point of view. The reader’s first impression of a light work where heroes are ridiculed, references blended and traditions relativized is that of a mere charade intended to dupe a certain kind of reader and to prevent him from understanding the text thoroughly. However, the true meaning of such works only reveals itself through an intertextual reading, which requires precise knowledge of the books that Jules Laforgue read. Only then does one realise that he is rewriting texts amongst which he has seen various links. His own reading is an imaginative one – insofar as, according to Charles Baudelaire, imagination is the art of detecting connections that are not obvious – and he borrows from the intertexts the elements that call forth echoes in his mind. He then assembles them in the "Moralités" in a coherent way. Thus, the book can be seen as a true intertextual embroidery ; each thread – each work – retains its idiosyncrasy but they all contribute to a single design : the expression, through the art of fiction and the voices of others, of Jules Laforgue’s existential questioning.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2015USPCA113 |
Date | 16 November 2015 |
Creators | Guy, Madeleine |
Contributors | Sorbonne Paris Cité, Scepi, Henri |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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